Toutes les dérives qui résulteront des élections communales d’hier et qui seront de nature en entacher leur régularité et à aboutir à leur annulation pure et simple seront de la responsabilité totale et entière du gouvernement que l’Opposition républicaine et démocratique aura suffisamment averti et alerté. Pas plus tard que le mercredi 16 novembre, soit deux jours avant la clôture de la campagne électorale, le chef de file de l’Opposition, Soumaïla Cissé, a signifié au Premier ministre Modibo Kéïta son étonnement et son indignation face à l’usage de deux lois pour gérer un même scrutin.
A la presse, convoquée le lendemain 17 novembre au siège de l’Urd, les responsables de l’Opposition (Me Boubacar Karamoko Coulibaly, Souleymane Koné et Me Demba Traoré) ont entretenu sur les risques de fraudes généralisées. Ils ont exhibé des spécimens parallèles et des bulletins pré votés et ont fait état de cas d’assassinats de militants, notabilités et jeunes de l’Opposition (Psp et Urd) dans le cercle de Douentza.
Fidèle à son devoir d’informer, l’opposition a convié jeudi dernier les journalistes pour partager avec eux le danger qui plane sur le scrutin communal du 20 novembre. C’est Me Boubacar Karamoko Coulibaly qui a eu l’honneur de livrer le message du jour. Un exposé clair, qui dit tout :
« Par Décret n°2016-0620/P-RM du 16 août 2016, le Gouvernement de la République du Mali a convoqué le collège électoral le Dimanche 20 novembre 2016 sur toute l’étendue du territoire national à l’effet de procéder à l’élection des conseillers communaux, sous l’égide de la loi électorale n°06-044 du 04 septembre 2016 modifiée.
Auparavant, par Décret n°2016-0533/P-RM du 29 juillet 2016, à la demande du Premier ministre, l’Assemblée Nationale a été convoquée an session extraordinaire le 30 juillet 2016 pour examiner le projet de loi portant loi électorale. La session extraordinaire a pris effectivement fin par l’adoption dudit projet à la dernière séance plénière du 09 septembre 2016. Cette session extraordinaire a coûté plus de 200 millions aux contribuables maliens.
La nouvelle loi électorale promulguée sous le n°2016-048 du 17 octobre 2016, publiée au journal officiel spécial n°25 du 20 octobre 2016 stipule dans son article 210 (nouveau) que : ” La présente loi abroge toutes dispositions antérieures contraires, notamment la Loi n°06-044/ du 4 septembre 2006 modifiée par la Loi n°2011-085/ du 30 décembre 2011, la Loi n°2013-017 du 21 mai 2013 et la Loi n° 2014-054 du 14 octobre 2014.”
Il est donc évident que la loi électorale n°06-044 en date du 04 septembre 2006 modifiée, a été abrogée.
La campagne électorale ouverte le 04 novembre 2016 prendra fin demain vendredi 18 novembre 2016.
Voilà qu’à la date du 14 novembre 2016, moins d’une semaine avant le scrutin, le Ministre de l’Administration territoriale, par une lettre laconique informe la classe politique de la poursuite du processus électoral sur la base de la loi abrogée. Force est de constater que ladite lettre a rajouté à la confusion et aux imperfections graves qui caractérisent le processus électoral.
Or, sur le terrain, tous les acteurs engagés dans le processus électoral se sont conformés à la nouvelle loi électorale dans la mesure où conformément à son article 73 aucun T-Shirt, ni tissus aux couleurs des formations politiques ne sont visibles pendant la campagne électorale en cours.
Le Chef de file de l’opposition a immédiatement saisi le Premier ministre d’une correspondance pour lui faire part de son incompréhension et de son indignation face à cette situation. Il a ensuite été reçu en audience par le Premier ministre le mercredi 16 novembre 2016 à 16h. Le Premier ministre a profité de cette audience pour informer le Chef de file de l’Opposition de l’existence d’un avis de la cour suprême en date du 08 novembre 2016 qui a conclu à la poursuite du processus électoral relatif aux communales du 20 novembre 2016 sur la base de la loi électorale n°06-044 du 04 septembre 2006 modifiée aux motifs que le collège électoral a été convoqué sous l’égide de ladite loi.
Le Chef de File de l’Opposition a déploré que cet avis consultatif ne soit ni porté à la connaissance de la classe politique ni visé dans la lettre du Ministre. L’Honorable Soumaila CISSE a rappelé au Premier ministre que si la nouvelle loi électorale ne devait pas s’appliquer aux élections communales du 20 novembre 2016, pourquoi le Gouvernement a-t-il précipité son adoption par l’Assemblée Nationale au cours d’une session extraordinaire très coûteuse organisée à cet effet ? Quelle urgence justifiait donc la convocation de l’Assemblée Nationale en session extraordinaire ?
Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas prévu de dispositions transitoires relatives à son entrée en vigueur ?
Le Premier ministre a conclu sur ce sujet en rappelant que le souhait du Gouvernement était de poursuivre le processus électoral sur la base de la nouvelle loi électorale mais qu’il s’est vu contraint de respecter l’avis de la cour suprême. Qui a sollicité l’avis de la cour suprême ? Réponse: Le Gouvernement. Pourquoi solliciter un tel avis sachant que la loi a été adoptée dans le but d’être immédiatement appliquée ?
Cette situation honteuse démontre une fois de plus l’amateurisme qui caractérise la gouvernance de notre Pays.
Il y a deux jours de cela, alors que nous nous acheminons vers la fin de la campagne, il nous est revenu de constater que des spécimens de bulletins autres que ceux délivrés par l’Administration ainsi que des bulletins de vote ont été découverts dans plusieurs circonscriptions électorales du pays notamment à Dioïla, dans les communes IV, V et VI de Bamako. Cette situation est une grave atteinte à la transparence et la sincérité du scrutin et risque de compromettre dangereusement le bon déroulement du scrutin du 20 novembre 2016.
Je profite de l’occasion pour vous montrer des exemplaires de ces bulletins incriminés.
Par ailleurs, en commune II du district de Bamako, nos responsables et militants ont attesté que la liste des Présidents de Bureau de vote et des assesseurs comporte uniquement les jeunes de l’alliance RPM-CODEM toute chose qui affecte également la transparence et la sincérité du scrutin dans cette localité. Plusieurs circonscriptions sont concernées par cette situation.
C’est tout simplement pour vous dire qu’une fraude généralisée se prépare en faveur du Parti au pouvoir, le RPM, lequel dans sa furie de s’accaparer de tout vaille que vaille n’hésite même pas à piétiner ses propres partenaires. Quelle honte !!!
En plus du Premier ministre qui s’est engagé à nous informer de la suite de notre sollicitation, nous avons également saisi la CENI et certains partenaires du Mali, fort du rôle capital qu’ils jouent dans le processus électoral, afin que chacun, en ce qui le concerne, puisse œuvrer pour que ce processus presque compromis par endroit par une crise sécuritaire inquiétante, soit transparent et sincère.
La campagne électorale a été lancée sur fond d’insécurité généralisée sur presque toute l’étendue du territoire national. Cette situation, loin d’être maîtrisée par le Gouvernement, est profondément préoccupante. Les populations, appelées à se déplacer pour battre campagne, sont partagées entre angoisse, peur et désolation face à l’impuissance d’un Gouvernement qui navigue à vue. Hier (ndlr : mercredi 16 novembre), le Directeur de campagne de la liste PSP de Douentza a été assassiné alors qu’il était en campagne. Avant hier mardi, un militant de l’URD, ami du député URD Amadou Maiga élu à Douentza a été assassiné à Douentza. Les populations sont de plus en plus inquiètes et le Gouvernement ne rassure pas.
C’est pourquoi, tout tripatouillage du scrutin risque d’aggraver inutilement les crises qui secouent notre pays dont certaines perdurent par l’incompétence et l’amateurisme du régime en place.
Sachons raison gardée et faisons attention. L’opposition continuera sans honte, ni crainte de veiller. Que Dieu sauve notre pays ».
Sékou Tamboura