Communales du 20 novembre 2016 : Une véritable mascarade

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Une véritable mascarade s’est déroulée le dimanche  20 novembre. En effet, le Gouvernement a décidé d’aller aux élections communales sans les Organisations de Société Civile. En tout cas c’est qui ressort de la conférence de presse animée samedi dernier à son siège par le Président de l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, M. Ibrahima Sangho.

 Bien avant la tenue des élections communales du 20 novembre dernier et dans le cadre de sa veille citoyenne, l’Observatoire avait produit des Rapports d’alertes, respectivement le 28 février 2015 sur les grands défis à relever et le 7 novembre 2015 sur la Démocratie malienne en péril. Aussi, le samedi 12 novembre 2016, l’Observatoire avait présenté une Première Déclaration au cours d’une conférence de presse intitulée ”le Coup d’Etat électoral en perspective”. Le samedi dernier, le président de l’Observatoire, M. Ibrahima Sangho avait présenté une deuxième déclaration qui prenait en compte la mauvaise organisation des échéances du 20 novembre. Une élection qui devrait être une véritable fête électorale, a été une mascarade avec son corolaire d’incidents. Menaçant ainsi la vie des paisibles populations.

Aux dires du conférencier, les reports consécutifs avaient pour motif commun l’absence de l’Administration dans certaines localités de Mopti et des régions du Nord : Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka ; la participation des réfugiés et des déplacés aux échéances électorales et la recrudescence du banditisme et l’insécurité grandissante sur l’ensemble du territoire national du Mali.

Dans ce contexte de plus en plus grandissant que le Conseil des Ministres du 10 août 2016 avait adopté un projet de décret portant convocation du collège électoral pour le dimanche 20 novembre 2016 sur toute l’étendue du territoire national.

Parmi les défis à relever, a souligné M. Sangho, il fallait retenir ceux de la réconciliation nationale et la paix ; de la bonne gouvernance ; de la sécurité et de la justice, de l’équité sociale et du développement, nécessaires à l’émergence d’un Etat fort et crédible.

Les constats faits par l’Observatoire ont trait à la terreur sur les élections et leur non tenue sur l’ensemble du territoire, conformément au Décret de convocation. Malgré ces constats, des violences, des enlèvements de personnes humaines et des assassinats ciblés ont entaché le scrutin et les groupes armés signataires et non signataires de l’Accord sont indexés. Au moins 13 attaques ont été signalées.

Ainsi, malgré les assurances données par le Gouvernement, il n’y a pas eu d’élections dans la région de Kidal et dans plusieurs communes de la région de Tombouctou indique le président de l’Observatoire.

Pour preuve, rapporte le conférencier, à Kidal, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a refusé l’organisation du scrutin avant l’installation des autorités intérimaires. Les régions de Ménaka et de Taoudéni ont été exclues des communales.

Contrairement aux textes de la CEDEAO, le Président de la République a promulgué une nouvelle Loi électorale le 17 octobre 2016,  à 34 jours du scrutin. Obligeant ainsi, lors de la campagne électorale, les partis politiques et les Candidats en lice de se conformer à ladite loi. Cependant, l’Observatoire a constaté la mise en valeur de Deux (2) Lois électorales pour la tenue de ces communales par le Gouvernement.

Aux dires du conférencier, le Ministre de Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Reforme de l’Etat, M. Mohamed Ag Erlaf, à travers une lettre en date du 14 novembre 2016, c’est-à-dire à 6 jours du scrutin, a signifié aux partis politiques la  Primauté d’une Loi morte et enterrée sur la Loi vivante et en vigueur. La lettre dit en substance que : ” l’organisation des élections communales du 20 novembre 2016 se poursuivra sur la base de la loi n°06-44 du 04 septembre 2006, modifiée portant loi électorale. ”

Ce qui constitue une violation grave des lois et Règlement du Pays par le Gouvernement et une grave entorse aux idéaux de la République.

Aussi, l’Observatoire a constaté avec regret que le vote des Forces Armées et de Sécurité n’ait pas lieu une semaine avant les civils conformément à la Loi en vigueur, la Loi N°2016-048 du 17 octobre 2016, qui dit en son Article 87 : ” Le scrutin a lieu un dimanche. Toutefois, en cas de nécessité et hormis le cas de l’élection du Président de la République, le scrutin peut se tenir tout autre jour de la semaine. Dans tous les cas, le scrutin est ouvert le dimanche précédent pour les membres des Forces Armées et de Sécurité.”

L’Observatoire pense que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) devrait être entièrement revue dans sa composition, conformément aux dispositifs de la nouvelle Loi électorale. On assiste simplement à une trahison de la République.

Concernant le jour du vote, l’Observatoire a noté que deux spécimens de bulletins de vote ont existé dans plusieurs communes du Mali, avec l’intention de jouer à la grande confusion des citoyennes et des citoyens et dans le dessein de favoriser certaines formations politiques au détriment d’autres.

Les Organisations de la société civile (OSC) qui devraient agir sur le scrutin du 20 novembre 2016, en aidant à corriger en temps réel les dysfonctionnements et les insuffisances du scrutin, ont été mis à l’écart par le département de l’Administration Territoriale.

Il convient également de noter que la véritable communication électorale, à travers l’information, la sensibilisation et la mobilisation des citoyennes et des citoyens par les OSC, a été savamment amputée du processus.

Ainsi donc, l’Observatoire a constaté l’achat de conscience à ciel ouvert dans l’ensemble des centres de vote, lors des communales du 20 novembre 2016 au Mali. Les billets de banque étaient remis à des votants, moyennant la photo de leur choix sur les bulletins de vote, prise par leurs téléphones portables.

La corruption électorale a atteint des proportions inégalées lors de ces élections communales. Les électeurs ont été juste considérés comme du bétail électoral et non comme des êtres vivants qui aspirent à plus de dignité et de mieux-vivre.

Face à cette situation catastrophique, l’Observatoire a formulé une série de recommandations. A l’endroit du Gouvernement, l’Observatoire demande une véritable souveraineté sur l’ensemble du territoire national ; une meilleure sécurisation des personnes et des biens partout au Mali ; une meilleure gouvernance au bénéfice exclusif du peuple malien ; un retour effectif de l’Administration dans les localités et/ou régions où elle est absente : Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni ; un prompt retour des réfugiés et des déplacés pour leur pleine participation aux échéances électorales et la mise en place d’un Organe unique de gestion des élections au Mali.

Au Ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, il souhaite l’adoption d’un Code électoral en République du Mali, l’implication immédiate et effective des organisations de la société civile (OSC) dans le cheminement du processus électoral : avant, pendant et après les élections, la mise en place d’un cadre permanent et opérationnel de concertations avec les OSC et enfin la mise en œuvre de véritables programmes d’information, de formation, de sensibilisation et d’éducation civique, en étroite collaboration avec les OSC spécialisées sur les questions de gouvernance, de démocratie et d’élections au Mali.

Quant à l’Assemblée nationale, l’Observatoire exige une indépendance d’esprit dans l’exercice de la fonction d’Elus du peuple malien et une veille permanente sur le respect des Lois votées au nom du Peuple malien, surtout au regard de la sincérité des élections communales du 20 novembre 2016.

A l’adresse du pouvoir judiciaire, une véritable indépendance dans l’exercice de ses fonctions et le respect scrupuleux de l’intérêt supérieur du peuple malien au nom duquel il rend la Justice.

Le respect total et intégral de la Loi électorale en vigueur qui est la Loi N°2016-048 du 17 octobre 2016 ; l’arrêt immédiat et définitif de l’achat de conscience des citoyennes et des citoyens ; la mise en œuvre de véritables programmes d’information, de formation et de sensibilisation des maliennes et des maliens sur les valeurs démocratiques, afin d’éviter à notre pays le chaos et la désolation et le respect du Code de bonne conduite des partis politiques, telles sont les recommandations adressées aux partis politiques.

Aux partenaires techniques et financiers du Mali, l’Observatoire leur demande un appui conséquent et équitable aux  OSC spécialisées dans les domaines de la gouvernance, la démocratie et les élections pour leur permettre de mener à bien les activités d’information, de formation et de sensibilisation des citoyennes et des citoyens ; en vue d’une véritable résilience démocratique au Mali.

 

Youssouf Sangaré

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