Le gouvernement l’a décidé, le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation l’a définitivement certifié : les élections communales auront bel et bien lieu le dimanche 20 novembre 2016. Une loi ayant été votée par les élus de la nation et promulguée par le Président de la République, à savoir la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale, c’est sur la base de celle-ci que se tiendra le scrutin de dimanche prochain. Si tel est le cas, il est évident que le gouvernement actuel est dans l’illégalité absolue et « se spécialise dans une sorte d’hooliganisme juridique de grand chemin qui organise un véritable hold-up sur les institutions de la République et terrorise l’Etat de droit au Mali ». Les preuves dans cette analyse de Dr Brahima Fomba, constitutionnaliste et Chargé de cours aux facultés de droits de l’Université des Sciences Juridique et Politiques de Bamako (Usjpb).
Sommes-nous véritablement dans un Etat de droit régie par une Constitution, des lois et des règlements auxquels le gouvernement est soumis, ou plutôt dans un Etat de fait, un Etat d’exception au sein duquel le gouvernement s’octroie la liberté de bafouer les principes élémentaires de la démocratie en se dédouanant des contraintes de la Constitution, des lois et des règlements de la République ? Face à cette lancinante question et au vu de tous les précédents en la matière, la tentation très forte est de considérer le gouvernement actuel comme celui qui semble se spécialiser dans une sorte d’hooliganisme juridique de grand chemin qui organise un véritable hold-up sur les institutions de la République et terrorise l’Etat de droit au Mali. Les élections communales du dimanche 20 novembre 2016 illustrent parfaitement ce manque total de considération du régime actuel pour les lois de la République. La loi de la République en cause, votée par les élus de la nation et promulguée par le Président de la République, est la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale qui, comme on le sait, a abrogé à travers son article 210, la loi n°06-044 du 4 septembre 2006 modifiée portant loi électorale.
REFUS D’ORGANISER LE SCRUTIN ANTICIPE DU DIMANCHE 13 NOVEMBRE 2016 AU PROFIT DES FORCES ARMEES ET DE SECURITE
De manière claire et limpide, l’article 87 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 dispose : « Le scrutin a lieu un dimanche. Toutefois, en cas de nécessité et hormis le cas de l’élection du Président de la République, le scrutin peut se tenir tout autre jour de la semaine. Dans tous les cas, le scrutin est ouvert le dimanche précédent pour les membres des forces armées et de sécurité ».
En appliquant cette disposition légale aux élections communales du 20 novembre 2016, il ressort que le vote des membres des forces armées et de sécurité devait avoir lieu le dimanche dernier 13 novembre 2016. Or, en violation de l’article 87 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, aucun scrutin n’a été organisé à cette date au profit des membres des forces armées et de sécurité. La raison en est que le gouvernement a été incapable de respecter la loi qu’il a lui-même initiée en y introduisant de façon démagogique le vote anticipé des forces armées et de sécurité alors que dans la même loi à l’article 106 dont la constitutionnalité paraît douteuse du reste, a été prévu entre autres au profit des agents des forces armées et de sécurité sur le théâtre d’opération, le droit de vote par procuration. L’application de l’article 87 de la nouvelle loi électorale dont le gouvernement avait constitutionnellement l’obligation, exigeait de lui d’adopter conformément à l’article 114, le décret relatif aux modalités d’organisation de ce vote par anticipation et de le rendre effectif le dimanche dernier 13 novembre 2016.
ATTEINTE AU DROIT CONSTITUTIONNEL DE VOTE DES AGENTS DES FORCES ARMEES ET DE SECURITE
Faute pour lui d’assumer ses obligations constitutionnelles, des citoyens maliens constitués en l’occurrence des agents des forces armées et de sécurité, se voient ainsi privés de leur droit de vote pourtant garanti par l’article 27 de la Constitution selon lequel « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les citoyens en âge de voter, jouissant de leurs droits civiques et politiques ». Si tant est que, comme stipulé à l’article 2 de la loi électorale, « l’élection est le choix librement exercé par le peuple en vue de désigner les citoyens appelés à la conduite et à la gestion des affaires publiques selon les principes de la démocratie pluraliste », les agents des forces armées et de sécurité en ont été de facto exclus par le gouvernement. L’incapacité anti constitutionnelle du gouvernement d’appliquer simplement la loi électorale, a ainsi pour résultat de priver les militaires et agents de sécurité de participer en tant que tels au scrutin communal du 20 novembre 2016. Dans l’esprit et même la lettre de la loi électorale n°2016-048 du 17 octobre 2016, aucun militaire ou agent de sécurité ne peut être admis dans un bureau de vote le dimanche 20 novembre 2016, car leur scrutin est censé avoir lieu le dimanche 13 novembre 2016. Ce manquement gravissime du gouvernement directement attentatoire au droit constitutionnel de vote des militaires et agents de sécurité entache la régularité de tout le scrutin communal du 20 novembre 2016. Aucun juge soucieux de légalité républicaine ne peut refuser de réserver une suite favorable à toute requête de contestation des résultats des communales du 20 novembre 2016 sur la base de ce grief.
Dr Brahima FOMBA
Université des Sciences Juridique et Politiques de Bamako (USJPB)
Chargé de Cours aux Facultés de Droit