L’article 87 alinéa 2 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale prévoit le vote anticipé des membres des forces armées et de sécurité qui doit intervenir une semaine avant le scrutin communal du 20 novembre 2016, c’est-à-dire le dimanche prochain 13 novembre 2016. Le gouvernement va-t-il violer la loi électorale en n’organisant pas ce scrutin anticipé ? L’analyse du constitutionnaliste Dr Brahima Fomba, Chargé de Cours aux Facultés de Droit de l’Université des Sciences Juridique et Politiques de Bamako (USJPB)
Pour n’avoir pas prévu de dispositions transitoires dans la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale, alors qu’il se savait sous contraintes de temps, le gouvernement endosse aujourd’hui la responsabilité d’hypothéquer les élections communales du 20 novembre 2016 en les faisant basculer dans l’impasse juridique. Le Décret n°2016-0620/P-RM du 16 août 2016 a convoqué le collège électoral sous l’égide de la loi électorale n°06-044 du 4 septembre 2006 qui se trouve aujourd’hui, en cours de processus électoral, abrogée et remplacée par la nouvelle loi électorale n°2016-048 du 17 octobre 2016 à son article 210 : « La présente loi abroge toutes dispositions antérieures contraires, notamment la loi n°06-044 du 4 septembre 2006 modifiées par la loi n°2011-085 du 30 décembre 2011, la loi n°2013-017 du 21 mai 2013 et la loi n°2014-054 du 14 octobre 2014 ».
Si l’on convient du principe selon lequel une loi nouvelle ne s’applique pas aux situations antérieures à son entrée en vigueur et ne régi que les conséquences des situations juridiques postérieures à cette entrée en vigueur, des conséquences en découlent nécessairement quant au cadre juridique des élections communales du 20 novembre 2016. A cet égard, tous les actes juridiques de préparation technique des élections communales qui sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, sont régis par la loi n°06-044 du 4 septembre 2006. Ainsi, s’agissant par exemple de la CENI, il paraît difficile d’imaginer que sa nomination soit régie par la nouvelle loi électorale dans la mesure où aux termes de l’article 10 de l’ancienne loi électorale visée par le Décret n°2016-0620/P-RM du 16 août 2016 convoquant le collège électoral, elle est censée avoir déjà été mise en place aussitôt après cette convocation et même bien avant, c’est-à-dire au moment où la nouvelle loi n’existait pas : « Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante sont nommés par décret pris en Conseil des ministres avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année des élections générales. En cas d’élections générales anticipées, les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante sont nommés par décret pris en Conseil des ministres aussitôt après la convocation du collège électoral ». Dans l’une ou l’autre hypothèse, la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 ne saurait valablement régir la formation de la CENI. Il faut cependant signaler que l’actuelle CENI n’est de toute façon pas conforme à l’ancienne loi n°06-044 du 4 septembre 2006 et végète depuis plusieurs années dans l’illégalité absolue.
Le vote anticipé des forces de sécurités est une obligation légale…
On pourrait en dire autant en ce qui concerne les déclarations de candidatures intervenant 45 jours au plus tard avant la date du scrutin, qui n’ont pu se faire que sous l’égide de l’ancienne loi n°06-044 du 4 septembre 2006.
En revanche la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 régi les conséquences des situations juridiques postérieures à son entrée en vigueur. Ce qui paraît tout à fait logique si l’on ne veut pas se trouver devant un vide juridique, d’autant que la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 a abrogé la loi n°06-044 du 4 septembre 2006. Aucune autre loi électorale n’existant en dehors de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, comment peut-on faire autrement que de l’appliquer purement et simplement dans la mise en œuvre du reste du processus électoral des communales du 20 novembre 2016. Autrement dit, sont désormais régies par la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, toutes les opérations électorales futures relatives notamment aux cartes d’électeurs, à la campagne électorale, aux bulletins de vote, aux bureaux de vote, aux opérations de vote et de dépouillement, au vote par procuration, au contentieux des résultats.
A titre d’exemples, vont devoir s’appliquer, conformément à la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, les nouvelles règles sur le vote de l’électeur à visage découvert, sur l’interdiction du téléphone portable et de tout appareil électronique dans le bureau de vote et sur les nouvelles restrictions relatives aux campagnes électorales.
Par-dessus tout, le gouvernement, au risque de se rendre coupable de grave violation de la loi électorale, a l’obligation de rendre effectif l’article 87 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 ainsi libellé : « Le scrutin a lieu un dimanche. Toutefois, en cas de nécessité et hormis le cas de l’élection du Président de la République, le scrutin peut se tenir tout autre jour de la semaine. Dans tous les cas, le scrutin est ouvert le dimanche précédent pour les membres des Forces Armées et de Sécurité ».
En application de cette disposition légale applicable au scrutin communal du 20 novembre 2016, le vote des Forces Armées et de Sécurité doit avoir lieu le dimanche 13 novembre 2016 précédent le 20 novembre 2016. A cet effet et conformément à l’article 114 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, le gouvernement est censé avoir déjà pris le décret relatif à ce vote par anticipation : « Les modalités d’organisation du vote par anticipation des membres des Forces Armées et de Sécurité sont fixés par décret pris en Conseil des ministres. Le dépouillement a lieu en même temps que celui du scrutin général et dans les mêmes conditions ». Le vote anticipé des forces armées et de sécurité est une obligation légale dont le non-respect constitutif d’atteinte à leur droit constitutionnel, entacherait la régularité de tout le scrutin communal du 20 novembre 2016.
Dr Brahima FOMBA
Université des Sciences Juridique et Politiques de Bamako (USJPB)
Chargé de Cours aux Facultés de Droit