Bakary Togola : Le détenu qui a terrassé 2 chefs de parti

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L’ancien président de la Chambre d’Agriculture s’est révélé aussi redoutable en prison qu’en dehors, aussi irrésistible en étant libre que détenu. Il l’aura démontré en tout cas par ses prouesses aux législatives en conduisant d’une main de maître la liste gagnante de Bougouni depuis son cachot, quoique récemment transféré dans un milieu hospitalier.

Bakary Togola est en effet sorti vainqueur d’une compétition où la moindre concession ne lui a été faite par deux ténors de la scène politique malienne et habitués des rendez-vous électoraux de Bougouni. Il s’agit du Professeur Tiemoko Sangaré et de Mamadou Bakary Sangaré alias Blaise, ci-devant : présidents de l’Adema-PASJ et du parti CDS. Avec son incarcération suite à la brûlante affaire de détournement de fonds paysans, rares étaient les observateurs n’ayant pas fait le deuil des ambitions parlementaires que le président de l’APCAM manifestait depuis les législatives avortées de 2018, donc bien avant ses ennuis judiciaires. C’était sans compter avec la force de frappe du richissime paysan ou du moins avec la médiocrité politique de ses adversaires. En tout cas, le malheureux épisode judiciaire n’aura nullement constitué un frein à l’accomplissement de son dessein face à des concurrents dont la réelle dimension aura été mise en évidence par les prouesses d’un candidat auquel la liberté conditionnelle a été par plusieurs fois refusée tout au long de la campagne électorale. Au mépris des législations nationales et continentales en vigueur, en effet, ses avocats auront vainement requis qu’il lui soit permis de descendre physiquement dans l’arène pour y compétir à chances égales, mais leur client dut se contenter de son ombre vraisemblablement tout aussi influente auprès de l’électorat de Bougouni. Ce n’est pas tout. L’illustre prisonnier devait en outre subir une spoliation de son droit de vote – dont un détenu n’est légalement privé au Mali qu’en cas de condamnation définitive. Ses désagréments n’auront guère affecté outre mesure les aptitudes politiques hors-normes de Bakary Togola. Il s’en est tiré certes au premier tour avec un ballotage largement défavorable, mais ce n’était visiblement qu’une entrée en matière expérimentale qui va se conclure par un exploit aussi ennuyeux qu’inattendu pour les puissants adversaires. De 24 000 voix environ au premier tour contre 33 000, la liste qu’il conduit sous la bannière du RPM ne leur a pas seulement tenu la dragée haute au second tour. Bakary Togola et ses alliés de l’URD et du MPM se feront même le luxe de creuser un écart certes mince mais que le redoutable trio Adema-CDS-Codem ne peut combler qu’en misant sur les aléas d’une annulation massive de suffrages par la Cour constitutionnelle. Ils comptent en clair sur les nombreuses requêtes introduites pour ce faire et dont l’aboutissement enlèverait peu de choses à la flétrissure. Et pour cause, dans les liens de la détention préventive et privé de tout, le président de l’APCAM en baptême du feu électoral arrive à s’offrir la tête des deux plus grosses figures de la majorité présidentielle à Bougouni que sont Mamadou Bakary Sangaré alias Blaise de CDS et Tiemoko Sangaré du PASJ.

En attendant leur validation ou une infirmation par la Cour constitutionnelle, les résultats provisoires proclamés par l’administration donnent déjà lieu à d’âpres disputes sur fond d’accusations et de blâme dans le camp des perdants. C’est ainsi que la responsabilité de la raclée électorale est imputée au PASJ dont le président n’aurait été que d’un faible apport à l’effort collectif, en tirant notamment vers le bas les résultats du trio Adema-CDS-Codem dans son fief électoral de Garalo. Le coup électoral de Bakary Togola retentit tout aussi vigoureusement chez les militants de l’Adema-PASJ, dans les rangs desquels les interrogations commencent à pleuvoir quant au maintien d’un président dépourvu visiblement de base électorale et sans rendement politique réel dans sa famille politique. De là à lui contester le mérite de la responsabilité qu’il assure depuis le congrès de l’Adema en 2015, il n’y a qu’un pas que beaucoup de militants n’hésitent pas hésiter à franchir. Autant dire que le Professeur Tiemoko Sangaré est attendu de pied ferme au prochain renouvellement des instances d’une Ruche alors qu’il n’est pas en marge des manœuvres et calculs annonciateurs du combat pour le statut de porte-drapeau des Abeilles en 2023. Il s’agit visiblement d’une autre portée politique de l’exploit inédit de Bakary Togola à Bougouni. L’autre portée est judiciaire puisque le coup de maître du très habile détenu pourrait déboucher sur sa libération sans condition si l’Assemblée nationale en fait la demande expresse. C’était le cas avec l’arrestation du député Mamadou Bagayoko de Bougouni par contrainte par corps. Les députés avaient obtenu sa libération en mettant dans la balance le refus catégorique de siéger pendant qu’un des leurs est détenu à la Maison Centrale d’Arrêt.

A KEÏTA 

 

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