Après moult reports depuis 2014, l’élection des conseillers communaux a finalement eu lieu le 20 novembre sur toute l’étendue du territoire national, de Kayes à Kidal, avec des fortunes diverses. En attendant les résultats provisoires de l’Administration et la proclamation définitive de la Cour suprême, des tendances solides se dégagent en certains endroits et sauf cataclysme, elles ne devraient pas être bouleversées. Les organes municipaux étant désormais élus sur la base du fait majoritaire, plusieurs futurs maires sont d’ores et déjà connus. Si certains rempilent (ils sont rares), la plupart des nouveaux maires sont de nouvelles têtes. Ainsi, à l’issue des élections du 20 novembre, nous assistons au départ de maires emblématiques dont certains en étaient à leur deuxième mandat. Qui remplace qui au poste de maire dans la nouvelle configuration municipale du Mali ?
n ne reverra plus des maires de renommée assise comme Abdel Kader Sidibé, Mme Konté Fatoumata Doumbia, Mamadou Tangara “le cobra noir”, Youssouf Coulibaly, Boubacar Bah dit Bill, Souleymane Dagnon, Papa Oumar Bathily, Ousmane Karamoko Simaga. Par contre, certaines figures comme Oumou Sall Seck et Sadou Bocoum ont toutes les chances d’être reconduites par la Cour suprême, les électeurs ayant rempli leur part du contrat avec les maires sortants de Goundam et Gao.
Que dit la loi ?
Avant de lister les noms de quelques maires quasiment assurés de leur sort, il convient de rappeler à nos lecteurs le mode de scrutin des élections du 20 novembre et comment seront installés les organes.
Le modèle de démocratie malienne repose sur la démocratie représentative qui suppose trois principes. Primo, le peuple exerce le pouvoir à travers des représentants élus siégeant dans des organes décisionnels. Secundo, les représentants sont désignés à travers des élections pendant lesquelles le choix de chaque citoyen individuellement pris, pour un ou une liste de candidats est pris en compte pour départager les postulants (la notion de suffrage universel ou le droit de vote de tous les citoyens majeurs). Tertio, les élus prennent des décisions au nom du peuple et rendent compte au peuple. C’est le mode de scrutin proportionnel qui est appliqué aux élections communales. Il est simple dans son principe car les sièges sont attribués selon le nombre de voix.
Pour le scrutin du 20 novembre dernier, plusieurs textes régissent le processus dont la loi électorale et le code des collectivités. Plus spécifiquement, ce sont la Loi N°06-044/ du 04 septembre 2006 portant loi électorale modifiée par les lois N° 2011-085/ du 30 décembre 2011, N°2013-017/ du 21 mai 2013, et N°2014-054/ du 14 octobre 2014 ; et la loi n°2012-007 du 7 février 2012 portant Code des Collectivités territoriales modifiée par les lois N°2014-052 du 14 octobre 2014, et N°2016-013 du 10 mai 2016
La loi électorale stipule dans son article 189 que les conseillers communaux sont élus pour 5 ans au scrutin de liste à la représentation proportionnelle sans panachage ni vote préférentiel. Sur chaque liste, les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation. L’attribution des sièges s’effectue selon la règle de la plus forte moyenne. Toutefois, les listes qui n’ont pas obtenu 5% des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
En cas d’égalité, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus.
Quant au code des collectivités territoriales, il spécifie tout dans ses articles 50 et 75.
Article 50 : Sur la base des résultats définitifs des élections communales transmis à l’autorité de tutelle par le président de la Commission de Centralisation des Résultats, est installé dans les fonctions de maire le conseiller figurant à la tête de la liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges.
En cas d’égalité entre plusieurs listes, est installé Maire le conseiller communal figurant à la tête de la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages.
A égalité de sièges et de suffrages entre plusieurs listes, le conseiller communal, tête de liste, le plus âgé est installé maire.
La liste proclamée majoritaire lors des élections demeure pendant la durée du mandat sous réserve de changements de majorité à la suite d’élections partielles.
En cas de vacance du poste de maire, le second sur la liste majoritaire est installé dans ses fonctions. S’il est membre du bureau communal, il est procédé à son remplacement dans les conditions fixées par l’article 75.
Article 75 : Les adjoints sont élus à la majorité absolue des votants par les membres du Conseil Communal.
Si aucun candidat n’obtient cette majorité après deux tours de scrutin, la séance peut être suspendue.
Dans tous les cas, il est procédé à un troisième tour à l’issue duquel, le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix est déclaré élu. A égalité de voix au troisième tour, le candidat le plus âgé est déclaré élu.
Le remplacement d’un adjoint au poste devenu vacant s’effectue dans les mêmes conditions que son élection.
En définitive, nous pouvons retenir que les communales du 20 novembre 2016 ont connu pour la première fois l’application de nouvelles dispositions de la législation malienne dont : l’introduction du fait majoritaire pour la désignation des présidents des organes exécutifs : le conseiller, tête de liste majoritaire, sera investi désormais maire de la commune ; et l’introduction du suffrage universel direct pour l’élection du maire de la commune, même si cela n’est pas expressément écrit dans les textes.
Il faut rappeler que ces innovations sont issues des recommandations des Etats généraux de la Décentralisation de 2014 dont elles traduisent la mise en œuvre.
Les partants, les revenants
et les nouveaux
En commune I, le Rpm qui a le même nombre de conseillers que l’Urd (13) enlève le gros lot à la différence de quelques voix. Le nouveau maire de la commune s’appelle Mamadou B. Kéïta, un retraité de 72 ans. Ancien directeur de l’Ecica, il est depuis sa retraite le promoteur de l’Ecosup, une école privée. Mamadou B. Kéïta succède à la très populaire Mme Konté Fatoumata Doumbia de l’Adema.
En commune II, Youssouf Coulibaly de l’Adema s’en va. C’est Cheick Aba Niaré du Rpm qui arrive aux commandes. La tête de liste de l’alliance Rpm-Codem aura fort à faire dans une circonscription où le partant a été très présent dans la vie communale tout au long de ces sept dernières années. Mais Aba Niaré peut compter sur un atout de taille, à savoir l’appui et l’assistance du duo Karim Kéïta-Hady Niangadou dit Djo Wallaki. Mais aussi sur les œuvres de l’association La Voix du peuple de Mme Kéïta Mami Sidibé, l’épouse de Karim Kéïta.
En commune III, Abdel Kader Sidibé n’est plus le maire. Après de bons et loyaux services au cours de trois mandats, le sage passe le flambeau à une de ses fidèles en la personne de Mme Djiré Mariame Diallo, qui est à sa 3è élection comme conseillère municipale et toujours adjointe (de Kader). La présidente des femmes conseillères municipales et Adémiste bon teint donne des cours au lycée et ne sera visiblement point dépaysée. Cependant, lourde est la tâche d’hériter d’un fauteuil laissé vacant par Abdel Kader Sidibé.
En commune IV, le parti Yelema “Le changement” reste au pouvoir. Ainsi, le maire sortant, Siriman Bathily, cède le fauteuil à Adama Berthé (Transitaire de son état), président du parti en commune IV et maire du centre secondaire d’état civil de Hamdallaye.
En commune V, Boubacar Bah dit Bill de l’Adema s’en va. Le président de l’Association des municipalités du Mali cède le fauteuil à son 3è adjoint qui n’est autre qu’Amadou Ouattara du Rpm. Avec 12 conseillers, le parti présidentiel devance l’Adema et l’Urd (7 conseillers chacun), le Mpr (5) et l’Apr et une liste tirée par Yelema (4 chacun).
En commune VI, l’Urd prend les rênes après sa large victoire aux dépens du Rpm et du Mpr. Le jeune Alou Coulibaly, professeur d’enseignement secondaire (Anglais) et promoteur du lycée Mafa de Yirimadio est le tout nouveau maire de la commune, en remplacement de l’Adémiste Souleymane Dagnon.
A Sikasso, c’est le bouleversement du siècle. L’Adema bat le Rpm à plate couture et reprend la mairie grâce à Kalfa Sanogo. L’ancien Pdg de la Cmdt, dont la candidature a été revendiquée par les populations de Sikasso elles-mêmes, a créé la sensation dans une circonscription où pullulent plusieurs barons du Rpm et de puissants opérateurs économiques proches du parti au pouvoir. Kalfa prend la place de l’énigmatique Mamadou Tangara, le cobra noir, qui n’est plus à présenter.
A Mopti, Issa Kansaye de Yelema arrive au trône à la tête de la liste Yelema-Adema qui engrange 18 conseillers à 6 longueurs de l’Urd, mais très loin devant la liste Rpm+7 partis (7 conseillers). Le boulanger succède à Papa Oumar Bathily du Pdes, secrétaire général de la Ccim régionale.
A Ségou, l’opérateur économique, Ousmane Karamoko Simaga passe le témoin à Nouhoum Diarra, un cadre de la Cnar, comptable de formation. Il est du Rpm.
A Ténenkou, région de Mopti, l’Urd conserve son fauteuil que Mamoudou Cissé, qui n’était pas candidat à sa propre succession, cède à un autre Cissé, Allaye Abdou, qui travaille dans les Ong. Ce digne descendant de la grande famille Cissé de Ténenkou, tête de liste Urd-Udd, a terrassé une grosse armada de partis (liste Rpm-Adema-Psp-Codem-Yelema-Asma) avec 10 conseillers contre 6 et un seul conseiller pour l’Apr. Rappelons que Ténenkou est le fief du président du Rpm, Bokary Tréta et du président de la Haute cour de justice, Abderrahmane Niang. Dans la commune rurale du Karéri (cercle de Ténenkou), Mamadou Coulibaly de l’Adema succède à lui-même.
Avec Sadou Harouna Diallo du Pdes à Gao, Oumou Sall Seck, indépendante à Goundam, et Oumar Guindo de la Codem (ex Rpm), ils font partie des rares maires qui rempilent. Si la Cour suprême le veut bien.
A Fana, c’est Abdoulaye Coulibaly du Modec (alliance de 7 partis) qui émerge du lot devant les candidats du Rpm et de l’Adema. Le maître coranique issu d’une grande famille de marabouts de Fana remplace au poste de maire Soumaïla Diaby de l’Asma, un douanier à la retraite.
La Rédaction