Violence à l’école : En…Saignant !

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S’il y a un phénomène qui prend actuellement de l’ampleur et inquiète les Maliens dans nos écoles, c’est bien la violence qui s’y enracine. Surtout, au niveau de nos grandes villes.

 

L’école malienne a toujours constitué un lieu de culture, et de rencontre de générations dans le domaine strict d’un transfert de connaissance.

De ce haut lieu du savoir, il résulte un brassage dont naissent d’éminents cadres du pays.

 

Il est reconnu également qu’à l’école, il y a toujours eu des bons et des mauvais élèves.

 

On a aussi tout le temps vu les bons élèves se livrer à une concurrence sans merci pour le premier rang en classe, et assisté au redoublement d’effort des cancres, pour ne pas paraître ridicules à tous les coups.

Bons et mauvais élèves savaient que l’administration scolaire qui les gère est régie par des règlements intérieurs qui s’appliquent à tout le monde, sans que personne ne crie au scandale.

 

Et, nul n’ignore que, plusieurs années encore, après l’école du temps de l’indépendance du Mali, nombre d’élèves de l’école "fondamentale" n’avaient pas de classes et c’était à l’ombre de grands arbres que les cours leur étaient dispensés.

 

Un service jour était rigoureusement tenu par la maîtresse pour que les élèves arrosent et balaient régulièrement la classe à ciel ouvert, afin de diminuer tant soit peu les effets nocifs de la poussière.

 

Il n’y avait point de table-bancs et chacun devait se munir de son siège et écrire sur son ardoise posée sur les jambes.

Et, ceux qui avaient des salles de classe, connaissaient des effectifs pléthoriques.

 

Le problème de manuels scolaires se posaient avec acuité et les parents avaient de la peine à trouver tout ce qu’il fallait pour étudier aisément.

Déjà en 3e année, on commençait à goutter aux affres de la discipline de rigueur.

Les retards, absences et toutes autres formes d’indiscipline étaient sévèrement sanctionnés par les maîtres chargés de cours.

Parfois même, certains parents d’élèves venaient donner l’exemple à l’école en bastonnant personnellement leur progéniture, coupable d’acte d’indiscipline.

Essayez seulement aujourd’hui, de corriger un enfant même en première année… Vous risquerez la prison au mieux.

Les mauvaises notes, il y en a toujours eu à l’école, depuis la nuit des temps et elles ont à tout moment sanctionné un travail mal fait.

Un hors-sujet ne saurait être noté autrement que par une mauvaise note.

 

Une évaluation non faite et injustifiée ne peut être sanctionnée que par un zéro.

 

Mouvements scolaires

Des mouvements scolaires et estudiantins, il y en a eu au Mali. En 1978, l’UNEEM (Union des élèves et étudiants du Mali) a pu soulever toutes les écoles du Mali rien que par la force du verbe.

 

Au sein de ce mouvement, qui n’était pourtant pas mou, aucun des membres n’a été appréhendé en possession d’une arme quelle qu’elle soit.

Les marches de protestation, cette association en a organisées sans jamais casser d’édifices publics ou empêcher les gens de vaquer à leurs occupations quotidiennes. C’était l’esprit de la non-violence.

 

Qui peut dire qu’aujourd’hui, il n’y a pas eu d’améliorations dans les conditions d’études des élèves ?

L’école Malienne couve depuis un certain temps, une nouvelle race de scolaires qui ont d’autres méthodes pour exprimer leur état d’âme : réactions incontrôlées par rapport à une mauvaise note dans une matière ; comportement rebelle contre des sanctions, complexe de pratiquer l’éducation physique.

 

En effet, nombre d’élèves ne veulent plus se faire rappeler à l’ordre par les enseignants sur des questions d’ordre pédagogique.

Dans un passé encore récent pourtant, ils se livraient à une concurrence soutenue en classe, dans le but d’occuper le premier rang. Hélas, de nos jours, cette concurrence est passée au niveau du "look". Chacun est préoccupé par son attrait physique, son apparence à l’école.

Les moyens et les conditions n’étant pas équitables pour toutes les familles, alors les élèves les plus démunis choisissent d’autres voies pour "s’imposer".

L’école, base arrière de toutes les violences

De plus en plus, les élèves se baladent avec des armes (surtout les couteaux) pour se défendre contre d’hypothétiques agresseurs.

Ils sont tous piqués par le virus qui les pousse à se faire justice eux-mêmes contre tout ce qu’ils estiment de mauvais goût : mauvaises notes, sanctions disciplinaires, protection contre des adversaires au sein de l’AEEM.

 

Le moyen le plus efficace pour exprimer son sérieux demeure la violence.

 

Ainsi, de nos jours, il n’est pas rare de voir un dirigeant scolaire armé d’un pistolet ou d’une arme blanche.

 

Les manifestations scolaires (match de football ou basket) donnent lieu à des exhibitions de force et se terminent très souvent par des scènes de "full contact" avec comme conséquence des coups et blessures.

 

Un adage Bamanan bien d’actualité au Mali dit en ce sens : "pour être pris au sérieux, mieux vaut être armé" ; alors, chacun s’y donne à cœur-joie avec la bénédiction de la prolifération des armes légères.

 

La pauvreté, une des causes de la violence

Les événements qui ont conduit à la démocratie au Mali, ont fortement contribué à politiser l’AEEM.

En effet, celle-ci a été à côté des mouvements politiques qui ont lutté courageusement pour le changement de régime dans notre pays. Du coup, cette association n’a cessé depuis ce temps, d’être approchée par tous les leaders des partis politiques du Mali.

 

Auréalée par ces faveurs, l’association sera petit-à-petit influencée par les capitaux venant de toute part.

 

Les dirigeants jouissent de véritables privilèges vis-à-vis des autorités (faveur au niveau des études) des instances politiques et même judiciaires.

Les caisses se remplissent et les membres de l’AEEM disposent de larges moyens.

 

Une aubaine pour nombre d’élèves issus de couches défavorisées pour approcher les VIP de ce pays, pour se faire élire ou pour conserver son poste. Il est capable de la pure violence, car les intérêts en jeu dépassent de loin toute imagination.

 

Un autre facteur non moins important favorise la violence à l’école, à savoir, les séries télévisées de certaines chaînes étrangères comme TV5, CFI, CANL+ HORIZON pour ne citer que celles-ci. Les fans tentent de s’assimiler directement à leurs héros.

On a pu mesurer l’incidence de ce genre de diffusion à travers le feuilleton intitulé "Chaka Zoulou". Tous les enfants de nos grandes villes se promenaient avec un arc improvisé, des fléchettes et un carquois, au cours de la semaine qui a suivi sa diffusion sur les antennes de la chaîne nationale.

 

Les effets immédiats de la violence à l’école

Actuellement, nous assistons à un recul vertigineux de l’autorité de l’enseignant sur les élèves.

 

Les parents d’élèves ayant contribué à cultiver l’idée selon laquelle les enfants ne vont à l’école étudier pour personne. Les études ne sont nullement une obligation et, de ce fait, ne doivent en aucun cas justifier une discipline rigoureuse.

 

Ainsi, dans les établissements actuels, à cause de l’instauration de la violence, les enseignants n’ont plus qu’un seul souci : épuiser leur programme pendant l’année scolaire, plutôt que de s’égosiller inutilement pour des gens qui ne voient aucun intérêt dans les études.

Le rendement de l’enseignant se mesure désormais au Mali en fonction de sa capacité à épuiser son programme académique normal.

Quant à l’élève, il est aujourd’hui ce "jeune savant", à qui on ne peut plus rien apprendre, et qui échoue uniquement, parce qu’il a été victime de la mauvaise note d’un enseignant jaloux et envieux. Cette atmosphère de méfiance entre parents d’élèves et enseignants et de manque de confiance qui règne dans toutes nos écoles de nos jours, ne favorise nullement un épanouissement normal et prometteur de notre système éducatif.

Quelles solutions pour sauver l’école malienne ?

 

C’est là, la vraie question qui attend urgemment d’avoir une réponse dont le début se trouve entre les mains principalement des parents d’élèves.

En attendant, l’école Malienne fonctionne en… saignant.


Boubacar Traoré 

 

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