A propos des examens à la Faculté d’économie et de droit. Je ne puis me prononcer sur les détails de la désolante péripétie des examens de la Faculté d’économie et de droit. La question globale elle-même me semble simple à résoudre même si elle a été rendue extrêmement confuse. La superposition des images très contrastées des autorités concernées faites d’hésitation et d’inaction du côté de l’autorité académique centrale ; de naïveté, d’insoumission et de populisme du côté de l’autorité académique locale a certainement été largement exploitée par certains étudiants activistes intéressés par tout sauf à aller en classe.
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Il est dangereux de laisser pourrir une telle situation. Toute décision est arbitraire. La crise étant locale, l’autorité hiérarchique, le rectorat et donc le cabinet du ministre ont le devoir d’exercer leur autorité en arrêtant une décision (leur décision arbitraire) sans appel ; une décision de dernier recours. Cela s’appelle prendre ses responsabilités. Mes collègues doivent accepter qu’une décision en la matière doit être prise sans eux car à ce stade il s’agit de prendre une décision ultime. En démocratie, la décision ultime est du ressort des responsables politiques. Ce que les autres forces peuvent faire est de verser cette décision au bilan des hommes politiques concernés et le moment venu, signaler ces bilans.
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A propos de la revendication portant sur le logement
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Je suis totalement de cœur avec mes collègues sur cette question. Je crois même qu’il est nécessaire d’aller au-delà de la simple réclamation de primes de logement. Ces primes nécessairement modiques ne seront pas en mesure d’assurer à la plupart de mes collègues qu’ils dormiront, leurs vieux jours venus, dans leurs propres maisons. Dans le même temps, je ne crois pas qu’il soit possible pour l’Etat d’attribuer gratuitement des logements à quiconque de façon légale. Cela parce que dans un budget public il n’existe aucun chapitre intitulé « cadeaux à X ».
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Référons-nous à l’expérience de certains pays. En France, les membres des différentes académies de l’Institut de France (des intellectuels de rang exceptionnel) bénéficient d’un logement à vie. Aux Etats-Unis, les professeurs de classe exceptionnelle dans la plupart des grandes universités privées (Princeton, Harvard, Caltech, etc.) bénéficient sur le campus de logements à vie. Cela suppose qu’il existe des critères pour déterminer ceux qui peuvent bénéficier de ces mesures d’exception.
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Je ne crois pas que mes collègues soient dans leur raison de demander que ces avantages soient accordés à tous, à l’ancienneté. Accordées à l’ancienneté, ces mesures cesseraient d’être exceptionnelles et gratifiantes pour devenir universelles et donc un fardeau financier insoutenable. Aucun pays ne peut payer cela. Il est vrai, en cette période préélectorale, le gouvernement peut être tenté, pour assurer la paix sociale, de donner l’impression aux grévistes de céder sur ce point. Après les élections, il pourrait se trouver dans l’incapacité d’assurer par manque de moyens. Où trouver l’argent ? Il pourrait s’en suivre une détérioration de la qualité même de l’argent accordé et de la situation économique générale du fait de la pression inflationniste que ces demandes satisfaites sans création de richesses vont engendrer.
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En résumé, je crois que le gouvernement doit des logements en nombre suffisant, y compris en procédant par la préemption exercée sur des maisons construites par des sociétés privées (cela se fait en France), pour loger à vie des hommes de science, des hommes de culture et de lettre s’étant distinguées par une contribution significative faite dans leurs carrières à la communauté nationale et/ou internationale. En même temps une facilité doit être accordée aux autres pour accéder à des logements décents.
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Mes collègues doivent accepter que des questions aussi compliquées que celle-ci ayant l’ambition d’établir des règles de fonctionnement à long terme dans notre pays se règlent par la loi. En discuter uniquement avec le ministère de tutelle ne fait que rallonger les délais. Je recommanderai à mes collègues et au syndicat des enseignants de : (1) retourner au travail ; (2) mettre en place un comité d’experts composé de juristes, de financiers pour construire et présenter un dossier au gouvernement qui ait déjà la forme d’un projet de loi et de soumettre le même texte directement aux commissions adéquates de l’Assemblée nationale avec la perspective d’en faire une proposition de loi, le cas échéant. En même temps le syndicat doit rencontrer dans un climat non point de confrontation mais de dialogue, plusieurs ministres et leurs cabinets (Primature, Education, Culture, Plan, Finances, Habitat, Domaines de l’Etat, entre autres) et de toutes les autres structures de la République (Assemblée nationale, Conseil économique et social, Haut conseil des collectivités, etc.) Cela s’appelle faire du lobbying.
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Pour faire adopter des mesures d’exception qui consacrent une aristocratie du mérite sur des valeurs républicaines, le lobbying est plus efficace qu’une grève illimitée. Le lobbying est de la collaboration responsable, la grève est de la confrontation. Dernier élément et non des moindres, en République, la seule aristocratie acceptable est celle du mérite et de l’excellence. Il faut donc d’abord définir les critères de cette excellence avant de les faire inscrire dans la loi par la négociation. Le problème est politique. En politique, on ne gagne pas parce qu’on a raison. Lorsqu’on fait de la politique dans une République moderne, la meilleure façon de gagner est de bien préparer ses dossiers et réussir une bonne campagne de communication. Autrement pour gagner il ne reste plus que l’usage de la force ou de la ruse. Ni l’une ni l’autre de ces deux dernières options n’assure une victoire pérenne.
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Ensuite m’est venue la question : que penser du consensus politique ?
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Je voudrais en premier lieu et pour éviter toute confusion dire que je souhaite au Mali des alliances, des fusions, des ententes politiques. Cela sert l’esprit de la démocratie comme moyen de mettre en œuvre la réelle volonté du peuple. Le consensus est le fait par lequel tous les protagonistes se déclarent en accord autour d’une proposition. La proposition qui crée le consensus en est le facteur essentiel. Dans le cas présent, au Mali, personne ne dit quelle est la proposition ou le programme de gouvernement autour duquel ce consensus a été construit. Chacun se contente de tendre un piège en disant « nous soutenons le président ».
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Former un consensus autour du président devrait consister à vivifier et à bonifier le programme de ce dernier. Il est indéniable que pris sur un plan individuel certains ministres font du très bon travail. Mais lorsqu’on sonde les partis politiques, on constate qu’ils ne font aucun apport pour que l’action du président soit encore meilleure chaque jour. Chaque parti clamant son soutien s’arrête sur des déclarations de principe. Mais au fait qui au Mali serait publiquement contre la lutte contre la pauvreté ? Qui serait publiquement contre la construction d’infrastructures routières ? Qui serait publiquement contre la création d’entreprises et d’emplois ? Qui serait publiquement contre la lutte contre la corruption ? Qui serait publiquement contre la paix sociale ?
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L’erreur du consensus est d’embarquer quiconque simplement sur la base d’une profession de foi ; la main sur le cœur, l’œil sur le portefeuille et la bourse ; d’accepter des principes généraux et… consensuels. En vérité, il faudrait un compromis qui, à la grande différence du consensus, exige de chaque parti de prendre un ticket d’entrée dans le club. Comment ? Chaque parti ou groupement politique voulant joindre le compromis doit écrire une contribution. Ce parti doit établir une priorité entre les actions à entreprendre et doit décrire une procédure de mise en œuvre de chaque action de façon compatible avec un projet de développement national et les objectifs du président ou tout autre acteur fédérateur. Les thèmes peuvent être : la lutte contre la pauvreté, contre la corruption, le financement de l’économie nationale, l’école malienne, l’environnement, la question du Nord, etc. Une synthèse de ces contributions lorsqu’elles sont acceptées devient un programme de gouvernement disons pour une durée de 2 ans ou même 5 ans.
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Le Mali sait alors qu’il est dirigé par une coalition claire dont la liste est connue, les objectifs connus et chaque participant sera jugé sur la base de ce programme. Un parti, une association ou groupe politique peut critiquer le compromis auquel il a souscrit, l’améliorer, le quitter ou en être éjecté sur des bases très claires dont les militants et les électeurs seront les témoins.
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A l’opposé de ce compromis se trouve le consensus qui en fait est un arrangement douteux que chaque participant accommode à sa propre sauce selon ses intérêts et ses ambitions avouées ou cachées. En résumé, un compromis, formule emportant ma préférence est une mise en commun de volontés politiques associées à un échéancier, à des étapes de parcours prédéterminées permettant d’évaluer l’attelage pour, le cas échéant, le renforcer par l’apport de nouveaux participants ou le soulager de participants déficients.
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Après les réponses à cette série de questions, je voudrais avant de terminer, appeler tous nos compatriotes à être vigilants d’ici les élections et au-delà. La paix civile doit, au-delà de tout, être préservée dans notre pays. Je vois monter les pressions politiques et déjà les partisans de chaque potentiel candidat ont tendance à vouloir célébrer la victoire de leur champion alors que les candidatures ne sont même pas déclarées. L’Afrique est en danger de violence et, je voudrais le rappeler à chacun d’entre nous. Que pourrait-il se passer si par malheur des difficultés devaient apparaître dans la paix sociale ?
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Nous devons savoir que des penseurs qui guident les maîtres du monde estiment qu’il est inutile d’intervenir dans un pays en conflit interne tant que le nombre de morts ne dépasse pas 2 % de la population. Pourquoi 2 % ? Parce qu’on a l’expérience de grandes calamités naturelles ayant tué jusqu”à 2 % d’une population donnée. De ce fait, ces penseurs estiment que lorsque le risque de vie ou de mort concerne moins de 2 % d’une population donnée, il ne s’agit que d’un « facteur correctif ». Calculons : 2 % des 12 millions de Maliens cela fait 240 000 personnes. Si nous créons un conflit interne, le monde extérieur pourrait accepter la mort de 240 000 Maliens sans faire autre chose que convoquer des réunions. Soyons responsables !
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Je suis un homme averti. J’ai vu la sournoise oppression exercée contre les Tutsis et les autres groupes humains minoritaires au Rwanda ou j’avais été chargé d’évaluer la Faculté des sciences et le Centre hospitalo-universitaire de ce pays situés à Butaré. J’ai vu naître et croître dans la presse et dans les rues de Brazzaville le langage outrancier annonciateur de la tragédie qui a frappé ce pays. Cela n’arrive pas que chez les autres. Je me rappelle avec gravité ces jours sombres. Nous étions en 1990. Je vivais à Paris. Le ciel s’assombrissait au-dessus de notre pays à cause du manque de dialogue découlant de la raideur et même de l’entêtement du chef de l’Etat de l’époque et de l’incapacité de ses collaborateurs de lui éclairer un chemin de sagesse menant à une sortie de crise vers l’avant, dans le sens de la marche de la société malienne de l’époque.
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Le Pr. Ntji Idriss Mariko alors membre du Conseil exécutif de l’Unesco avait suggéré au général Sékou Ly, ministre de l’Education nationale de me voir à Paris dans l’espoir que je puisse être un pont avec les intellectuels à Bamako dont certains étaient soupçonnés de diriger la révolte qui grondait. Le but du Pr. Mariko, bon citoyen, amoureux de son pays, était d’éviter un drame. Sékou Ly savait aussi, grâce aux moyens dont il disposait en tant qu’officier général et ministre de l’Education, que j’avais octroyé une bourse de courte durée (3 mois) à 4 intellectuels objets de brimades afin de les soustraire, du moins momentanément, aux menaces d’arrestation qui pesaient sur eux en leur offrant un refuge parisien.
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Les événements prouveront que ces 4 personnes avaient un rôle clandestin actif. Deux au moins d’entre elles ont été appelées à jouer des rôles très importants de 1992 à 2002. Je n’ai jamais pu en discuter avec elles car depuis 1992, je les ai perdues de vue. J’ai rencontré Sékou Ly à l’hôtel PLM de la Rue de la Glacière à Paris. Je suis ensuite venu à Bamako. J’ai rencontré chez lui un général Sékou Ly effondré par la peine des événements. A mon arrivée, Mme la présidente était présente, à la suite d’un baptême auquel elle avait pris part. J’ai rencontré le soir même à l’état-major en compagnie de Me Mamadou Gakou, le général Danfaga, fiévreux. Le général parla 2 heures durant. Ces deux hommes m’avaient donné leur parole d’honneur et d’officiers de ne pas donner ordre à l’armée de tirer sur la population. Ni les interventions des sages, ni les actions patriotiques isolées comme la mienne n’ont pu éviter le drame du 26 mars. Ces faits douloureux ne doivent pas se reproduire dans notre pays. Je ne veux réveiller aucune plaie ni apporter aucun témoignage. Il faudra beaucoup de temps après que les passions aient disparu pour que puisse arriver le temps de témoignages sereins à valeur historique.
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La politique est utile et nécessaire pour toute communauté humaine. Sa manifestation la plus importante dans notre pays est le processus par lequel nous désignons ceux qui dirigent notre pays par périodes de 5 ans. Nous devrons juger nos hommes politiques non seulement à leur aisance à parler devant l’Assemblée générale des Nations unies mais aussi par leurs capacités à mobiliser les citoyens pour curer les caniveaux ou payer l’impôt. Utilisons la politique pour construire notre pays plutôt que d’en faire un outil de division ou même d’enrichissement personnel. Pour moi, lecteur positif et assidu de Max Weber, la politique est avant tout un acte moral et un acte de foi en faveur de son pays.
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Sauf circonstance exceptionnelle, ceci est mon dernier article et je ne devrais revenir dans le débat public qu’après la période électorale. Pendant cette période, ensemble soyons vigilants, actifs et unis autour de notre pays en dépit de nos possibles divergences politiques.
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Dialla Konaté
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Blacksburg, 20 décembre 2006
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