Union des Etudiants en Philosophie : Mahamadou Diakité, conférencier : ‘’L’ENSUP emploie tout et s’emploie à réunir tout pour éliminer systématiquement la philosophie…’’

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Défendre la philosophie et l’aider à surmonter les obstacles qui n’ont jamais cessé de se dresser sur son chemin, tel est le combat que l’Union des Etudiants en Philosophie s’est proposé de mener. Mais voilà bientôt deux ans que ses membres se sont insurgés contre une pratique instaurée par l’administration de l’Ecole Normale Supérieure, laquelle donne carte blanche aux étudiants en sociologie, en anthropologie…pour faire le concours d’entrée en section de philosophie. Ce qui, aux yeux de ces étudiants, constitue une menace certaine pour la philosophie. D’où cette conférence de presse qui a réuni, ce samedi 05 octobre, journalistes, étudiants et administrateurs. C’était dans l’amphithéâtre Aula Magna.

 

 

Ensup
Ensup

Dans son discours à l’endroit de l’assistance, le secrétaire général de l’U.E.P, Mamadou Coulibaly,  ne s’encombre pas de nuances : « L’Union des Etudiants en Philosophie qui n’a d’existence que la défense et la promotion de la philosophie, son extension dans les normes épistémologique et méthodologique, se heurte encore à des obstacles venant d’un milieu aussi intellectuel qu’est l’Ecole Normale Supérieure. Nous constatons malheureusement et avec un profond regret, que le système éducatif malien a tendance à considérer que l’enseignement de la philosophie au niveau secondaire n’exige pas nécessairement de spécialisation. »

 

 

En effet, depuis bientôt deux ans, l’association et l’administration de l’Ecole Normale Supérieure sont à couteaux tirés, avec comme toile de fond la participation au concours d’entrée, en section de philosophie, des étudiants en sociologie, en anthropologie… Pour mémoire, l’année dernière, lorsque l’association a dénoncé le problème et en a saisi l’administration de l’ENSUP, la promesse que « cela ne se reproduira plus », leur a été jetée en pâture. Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique a aussi été saisi, lequel n’a pas tardé à adresser une lettre à l’Ecole lui demandant de décliner les raisons de cette politique. Ladite lettre, d’après ce qu’on en sait, n’a pas encore été répondue. Et l’administration de l’ENSUP a récidivé cette année, mas rencontre sur son chemin, encore une fois, l’Union des Etudiants en Philosophie, qui est loin de déposer les armes. Voilà pour les précisions.

 

 

Pour cette conférence de presse, le thème choisi est : « L’ENSUP et la formation des professeurs de philosophie ». Le conférencier, Mahamadou Diakité, membre de l’U.E.P, sans faire dans le détail, a laissé entendre, d’emblée : « Mais comme allergique à la philosophie, l’ENSUP emploie tout et s’emploie à réunir tout pour éliminer systématiquement la philosophie jusqu’à sa prononciation phonétique. Car sa politique de recrutement, de formation de professeurs de philosophie consiste à gaver les fossoyeurs de la philosophie ». Il a aussi  souligné le fait que l’opinion publique malienne demeure enfermée dans un rejet systématique de la philosophie qu’elle combat sans merci. A le croire, l’ENSUP n’en fait pas moins : « La conduite de l’ENSup n’est que la forme ‘’ plumitive, intellectuelle et idéologique ‘’de l’appréciation malienne de la philosophie. Celle-ci qui serait un fourre-tout et se perd dans les sciences sociales »

 

‘’La manière de tenir une flute ne suffit pas pour faire bon flutiste s’il y manque le souffle nécessaire’’

Mahamadou Diakité s’avance jusqu’à dire que la vison que l’ENSUP a de la philosophie est la même que celle  de l’autorité malienne, surtout les inspecteurs de philosophie, ce qui fait qu’il n’y a même pas un département de philosophie digne de ce nom : on parle plutôt d’un département philosophie-pédagogie-psychologie. Du point de vue de la formation, il estime que les étudiants en sociologie, en anthropologie n’ont pas les notions essentielles en philosophie pour pouvoir, après l’ENSUP, lire, expliquer aux élèves les idéologies et les textes philosophiques. « La manière de tenir une flute ne suffit pas pour faire bon flutiste s’il y manque le souffle nécessaire », a-t-il lancé.

 

Il termine en formulant des recommandations qui exigent « la formation d’une filière de philosophie autonome avec toutes les considérations académiques »,  « l’interdiction de tous ceux qui n’ont pas une licence ou une maitrise  en philosophie à se présenter aux concours d’entrée à l’ENSup option philosophie. De même que pour son enseignement. »

 

 

Ensuite est venu le temps pour Souleymane Coulibaly, professeur de philosophie au lycée Mamadou Mbodj (Sébénikoro), d’intervenir. Il a relevé la différence qui existe entre un spécialiste et un non-spécialiste de la philosophie. En appuyant son argumentation sur une expérience personnelle, il a fait savoir que les étudiants sociologues qui se sont rabattus sur la philosophie à l’ENSUP éprouvent d’énormes difficultés à former des comités pédagogiques avec les diplômés en philosophie dans les lycées. M. Coulibaly n’a pas manqué d’évoquer la correction au baccalauréat où n’importe qui corrige en philosophie : des diplômés en droit, en sociologie, en anthropologie, en psychologie…Résultat : le taux d’échec en philosophie au bac augmente. Mais il n’y a qua ça. Il estime  aussi que l’enseignement de la philosophie par un non spécialiste peut créer le dégoût de la discipline chez les élèves.

 

 

Pour finir, le professeur Belco Ouologuem, non moins chef du département de philosophie à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines, a qualifié de « noble » le combat de l’U.E.P et pense que le fait de permettre aux étudiants en sociologie, en anthropologie de faire le concours d’entrée à l’ENSUP en section de philosophie, ne pose pas seulement un problème de débouché pour ces derniers, mais cacherait aussi une volonté des politiques de contrôler les philosophes.

 

 

Ajoutons que l’Union des Etudiants en Philosophie prévoit, dans les jours à venir, d’organiser des marches, des sit-in et n’exclut même pas d’inciter les candidats philosophes de boycotter le concours d’entrée à l’ENSUP.

Boubacar Sangaré    

 

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