Nous vivons un séisme politique et social. Notre pays est constamment paralysé par les grèves et les revendications. Il est évident que nous sommes en train de conduire notre société dans la déchéance. En effet l’État, à travers ses institutions, peine à protéger notre société des dérives. La famille traditionnelle et les institutions étatiques sont visiblement en faillite. Et la faillite de ces deux entités se répercute évidemment sur tous les secteurs de notre société.
Comme à l’accoutumée après le syndicat des enseignants, les élèves et étudiants sont à leur tour en grève, défiant les autorités scolaires et étatiques. L’épidémie de grève qui sévit actuellement a touché la nouvelle génération afin d’être à la mode. Il est juste de dire qu’une tradition de grève à l’école s’est malheureusement installée dans notre pays.
Notre histoire est celle d’une grande nation de connaissance et de savoir qui possède un socle culturel commun. Cependant, une des conséquences néfastes de nos politiques de ces trois dernières décennies est la faillite de l’école, qui devrait former nos citoyens et nos leaders de demain, mais peine à jouer son rôle. Elles engendrent plutôt un système scolaire sclérosant, produisant de plus en plus d’illettrés et d’ignorants, de violence et d’exclusion. Les parents et les enseignants sont mis en échec dans leur rôle d’éducateurs. Que de temps perdu et d’occasions ratées pour réformer et adapter notre système éducatif à notre monde en changement.
Le système éducatif du Mali qui était connu pour sa rigueur et envié dans d’autres pays, est maintenant obsolète. La dimension fondamentalement culturelle et humaine de l’éducation a été occultée par une privatisation mal réfléchie, quoiqu’imposée par les institutions de Bretton Woods. L’identité culturelle et civique n’est plus renforcée. En effet, en proie à un système éducatif mal privatisé et surtout politisé, les enfants continuent à recevoir une éducation de qualité largement inférieure et ils sont très mal préparés à aborder l’enseignement supérieur ou à entrer sur le marché du travail.
Face à ces challenges, une réflexion profonde sur nos institutions s’impose. Il est temps de rompre avec la pratique de créer des institutions nationales sous la pression de la ‘‘communauté internationale’’ ou des organismes d’aide. Nous devons arrêter l’imitation compulsive juste pour être acceptés ou pour suivre les tendances de l’époque. Nous devons plutôt créer des institutions prenant en compte nos réalités, nos problèmes et notre sécurité nationale.
Au cours de ces dernières décennies, les écoles privées ont poussé partout et à tous les niveaux, mais nous vivons toujours au gré des crises. Cela devrait nous interpeller. C’est pourquoi il est important de prendre le temps de chercher l’erreur. Il ne suffit pas seulement de créer des institutions, mais elles doivent aussi avoir des impacts sociaux positifs. Elles doivent pouvoir nous aider à l’avancement de la société et de mieux préparer l’avenir.
Nous l’avons mentionné à maintes reprises et nous le répétons avec plus de force encore : une société qui néglige l’éducation de sa jeunesse hypothèque son avenir. L’Éducation est la clé de l’amélioration et de la plénitude et sûrement la clé du développement de la conscience nationale et de la promotion des valeurs de la nation. Aussi, les objectifs du développement durable ne peuvent être atteints qu’avec l’éducation et l’acquisition de connaissances. Si nous voulons être dans une position privilégiée d’influence, il faut d’abord que nous trouvions notre place dans l’économie mondiale fondée sur le savoir.
Nous avons une obligation morale, mais surtout un devoir civique essentiel, auquel nous ne saurions nous soustraire : sauver notre système éducatif. Cela commence par la mise au point d’un cadre rigoureux de règlementation et de surveillance pour une éducation cohérente et saine. Il est nécessaire de repenser les politiques d’éducation pour rendre l’école plus performante et sécurisée. L’éducation au Mali a besoin d’être remise à niveau afin de donner une forte impulsion au développement du pays. Nous devons tous reconnaître l’importance de l’enseignement et de l’apprentissage des connaissances et des compétences et nous focaliser sur l’amélioration du système éducatif. En même temps qu’elle s’enracine dans l’histoire, l’éducation des nouvelles générations engage l’avenir de notre nation et le futur de la citoyenne et du citoyen malien. Ce sont ces jeunes générations qui porteront plus tard notre nation sur leurs épaules. Ayons suffisamment de courage pour nous regarder nous-mêmes objectivement, assumer la responsabilité de nos erreurs et ensemble, relever les défis difficiles pour mieux préparer l’avenir, restaurer la grandeur de notre nation et continuer à la regarder avec fierté.
Cheick Boucadry Traoré