La corvée d’eau, la cuisine, la lessive et l’entretien des tout petits sont le quotidien de la jeune fille. Les travaux domestiques meublent son temps et ne laissent aucune place pour les loisirs et l’école. Préparée pour n’être qu’au foyer seulement, la jeune fille n’a pas droit au chapitre bafouant du coup sa dignité d’être humain. Or, plus le temps passe cette pratique dégradante et humiliante des filles se relègue au second rang. Au jour d’aujourd’hui, la scolarisation des filles connaît un boom spectaculaire. Et cela à juste raison, le taux brut de scolarisation des filles était de 68% en 2009 au premier cycle et de 40% au second cycle à la même année. Ces données de la Cellule de planification sectorielle(CPS) vont état d’un net progrès pour la rentrée scolaire2010-2011. Il ressort qu’au plan national ce taux a atteint 74% et 46% respectivement de la 1ère à la 6ème année et de la 7ème à la 9ème année. Cet élan vient de prendre un coup dur avec la double crise sécuritaire et politique de 2012 puisque plus de 300 mille enfants ne seront pas scolarisés, essentiellement à la rentrée scolaire 2012-2013 dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal.
Le 11 octobre de chaque année, le Mali, à l’instar des autres pays du monde, célèbre la journée internationale de la scolarisation des filles. Plan- Mali a toujours accompagné les autorités pour la commémoration de cette journée. Mais, cette année le département de l’Education et de l’alphabétisation ainsi que celui en charge de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille vont travailler de concert, en l’absence des partenaires techniques et financiers, afin de tirer la sonnette d’alarme sur le cas spécifique de la petite fille.
Le directeur national de l’Éducation de base Mamadou Diabaté a, de prime abord, cité les partenaires qui appuyaient le Mali dans le domaine de la scolarisation des filles. Il s’agit, dit-il, de Plan-Mali, de l’UNICEF et de l’USAID. Selon lui, notre pays s’est doté d’un programme ambitieux en la matière. Et de poursuivre que la direction nationale coordonne la mise en œuvre qui pour 2012 souffre d’un manque de financement. A en croire Diabaté, le faible taux de scolarisation des filles est surtout lié à la tradition et aux facteurs religieux.
Parlant de la tradition, il a souligné que certaines familles ne sont pas prêtes à envoyer leurs filles à l’école.
” Les aides ménagères, on devrait envoyer ces filles là à l’école, mais non on préfère qu’elles contribuent à alléger les charges des parents ” a-t-il déploré.
Evoquant le second élément de blocage, le directeur a dit avec amertume que d’autres refusent, aussi, d’inscrire leurs filles à l’école pour ne pas “l’éloigner de l’islam “. Aux dires de l’orateur, la population vivant en ville comprend de mieux en mieux la nécessité de la scolarisation des filles. Et pour preuve, le directeur du second cycle de Missira II Aziz N’Dao se réjouit du taux d’admission des filles au Diplôme d’études fondamentales(DEF), qui est estimé à 51,31% contre 45,5 pour les garçons.
” Chez moi, tous les taux des garçons sont faibles ” a-t-il précisé avant de soutenir que les filles disposent peu de temps pour les études en raison des travaux domestiques. Dans la même école, le taux d’exclusion des filles avoisine pour tout le cycle les 15,58%. Et se hâte de donner une clarification de taille ” on ne renvoie plus de fille pour cause de grossesse”.
Témoignages:
Binta Koné aide ménagère a été comprise par sa famille d’accueil à Bamako. Ecolière de la 8ème année, elle a abandonné l’école à Baraouéli. Une fois dans la capitale, elle sera autorisée de faire ses activités de ménage et l’école. Deux ans après la ” bonne à tout faire ” est admise au DEF. Elle raconte qu’elle est retournée chez elle à la fois avec du sou et son fameux sésame. Au finish, la famille d’accueil est devenue la famille adoptive. En revanche, Fatoumata Syneta 16 ans n’a pas eu cette chance dans la vie. Elle rapporte qu’elle a perdu très tôt sa mère: d’où son abandon précoce de l’école. A l’entendre cela fait trois ans qu’elle se rend à Bamako à la recherche du travail.
A la lumière de notre enquête, l’on peut dire sans risque de se tromper que deux ethnies se détachent du lot, notamment les peuls et les soninkés. Là, les jeunes filles sont touchées par le phénomène du mariage précoce au détriment de leur épanouissement physique et intellectuel. Ce triste record est détenu par deux régions à savoir Kayes et Mopti.
Autres facteurs défavorisant la scolarisation des filles et non les moindres sont l’éloignement des écoles, en zone rurale, qui pénalise plus les filles que les garçons, l’insuffisance de salle de classe et le déficit de communication. Le gofernement entend pallier ces difficultés par la réalisation d’activités de plaidoyer et de sensibilisation, l’organisation de cours de mise à niveau, celle ayant trait aux activités de recherche-action sur la scolarisation des filles et la mise en place du projet ” l’école amie des enfants, amie des filles “.
Des revenus substantiels:
Le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté adopté par le gofernement reconnaît ” qu’il existe une corrélation positive ente éducation, croissance économique et réduction de la pauvreté “. De ce fait si le taux de scolarisation des filles est élevé cela pourrait avoir une incidence favorable sur le niveau de vie du pays. Par ricochet, la scolarisation des filles constitue la clé de voûte de la lutte contre la pauvreté. Une politique réussie à l’endroit de cette couche vulnérable permet de booster à l’avenir le niveau de contribution des femmes au développement économique et social du Mali. C’est fort de ce constat que le centre Aoua Keïta œuvre dans la formation des jeunes filles en hôtellerie et en tourisme. La dite structure est rattachée au ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Elle offre une formation de 9 mois à l’intention des filles déscolarisées ou recalées. Ces temps de cours sont repartis comme suit 3 mois de formation théorique, 3 mois de pratique et la dernière étape est consacrée au stage. Le tout est sanctionné par un diplôme de formation qualifiante. En clair, le centre Aoua Keïta a compris très tôt que l’insertion socioéconomique de la jeune fille passe nécessairement par l’éducation.
Somme toute, l’Éducation pour tous(EPT) d’ici 2015 ne peut être atteint sans des appuis aux filles des familles démunies, la réduction de moitié des frais d’inscription des filles et la généralisation de la parité filles-garçons à l’inscription.
Namory KOUYATÉ