Le porte-parole du gouvernement, Amadou Koïta aurait mieux fait de s’abstenir au sujet de la démission de son homonyme Amadou Keïta, l’ex- directeur général de l’Ecole nationale d’administration(ENA). Poussé à bout, le directeur démissionnaire de l’ENA a brisé le silence dans un communiqué mettant dans l’embarras le gouvernement malien dont le porte-parole l’accuse d’avoir planifié la publication d’un résultat « non sincère » du concours d’entrée dans ladite école avant sa démission.
Faux, rétorque l’ex-directeur de l’ENA qui dit avoir gardé le silence sur les raisons de sa démission pour préserver la cohésion nationale au moment où le pays traverse des difficultés de toute sorte. « Le jour où j’ai été reçu par le Premier ministre, les corrections étaient terminées et le jury n’avait pas encore statué sur les notes pour constater les copies ayant obtenu des notes éliminatoires et celles devant faire l’objet de troisième correction (éventualité prévue au cas il y aurait un écart de plus de cinq points entre les deux notes attribuées à une épreuve technique) », a-t-il écrit.
Et l’ancien directeur de l’ENA de poursuivre en expliquant que c’est après tout cela que le jury allait se réunir de nouveau pour délibérer et proclamer le résultat. «Le Directeur général de l’ENA ne fait que publier le résultat proclamé par le jury », a-t-il ajouté. «Qu’on dise alors à quel moment je m’apprêtais à publier un résultat non sincère ! »
Mais dans un fougueux exercice de défense du gouvernement, le porte-parole du gouvernement vient d’ouvrir la boite aux pandores en fournissant des informations qui ont conduit le directeur démissionnaire de l’ENA à rompre «le pacte de non-agression » entre lui et le pouvoir, un pacte unilatéral qu’il s’était imposé.
Dans un pays normal, les révélations de l’ex- DG de l’ENA auraient coûté chères au Premier ministre et au ministre porte-parole du gouvernement. La version du gouvernement est que la primature aurait reçu des informations sur le paiement de sommes importantes par des individus afin que des candidats moins méritants puissent être admis au concours d’entrée dans la prestigieuse école d’administration.
Il ne manquait plus que ça pour faire sortir de ses gondes l’ex- DG de l’ENA qui a soutenu que la thèse avancée par le porte-parole ne tient pas pour plusieurs raisons. Mais il tenait à développer une en particulier. Lorsqu’il était reçu à la Primature où on lui a demandé d’annuler le concours pour la raison avancée, le jury qui proclame les résultats n’avait pas encore fini son travail, donc il ne pouvait en ce moment publier quelconque résultat.
Par ailleurs, la primature ne lui a pas donné les noms des personnes qui auraient reçu de l’argent pour faire passer des candidats moins méritants. Et refusant d’annuler un concours qu’il dit avoir préparé avec la rigueur due, l’ex-DG a présenté sa démission au Premier ministre. C’est ainsi que la primature lui a signifié qu’il n’était pas mis en cause dans la corruption présumée que le gouvernement voulait combattre.
Là où le gouvernement pourrait se faire avoir est que les personnes mises en cause n’ont pas fait l’objet d’investigation, selon l’ancien DG de l’ENA. «Apparemment, devant mon refus de revenir à la direction de l’ENA, la stratégie de communication a changé et on n’a pas trouvé « un élément de langage », comme disent les spécialistes, mieux affuté que des contrevérités », a-t-il souligné.
L’ancien DG de l’ENA a aussi ajouté que toutes les personnes qui ont été mêlées de près ou de loin à cette affaire savent très bien ce qui s’est réellement passé. « La question que je me pose maintenant est celle de savoir pourquoi ceux qui ont dit qu’ils ont des preuves que des actions de fraude étaient en cours, ont décidé de poursuivre le processus du concours avant d’avoir identifié et neutralisé les fraudeurs. Comprendra qui pourra ! », a indiqué l’ex- DG de l’ENA.
Dougoufana Kéita