Pr Denis Dougnon Secrétaire Général du Ministère de l’Alphabétisation et des Langues Nationales « Nous avons diligenté une enquête policière »

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Lancé, le mercredi, 8 juin 2011, le DEF a pris fin, le vendredi, 10 juin 2011. Oui, il y a eu fuite. Fuite même importante. Mais, elle n’est pas passée. Les sujets ont été remplacés par d’autres, et immédiatement, rassure le Secrétaire Général du Ministère de l’Alphabétisation et des Langues Nationales, le Professeur Denis Dougnon. Entretien 

 

Prof Denis Dougnon : Les examens ont débuté le mercredi, 8 juin, sur l’ensemble du territoire national. Avec les épreuves de rédaction, d’Histoire-Géographie, le matin. Et Dictée question, l’après-midi. A notre connaissance, au premier jour, ça s’est déroulé normalement.

Maintenant, le jeudi c’est-à-dire hier, on nous a dit qu’il y avait des fuites sur les épreuves de mathématiques. Des candidats ont été saisis avec des sujets corrigés, les vrais sujets d’examens, les mathématiques. A 9h, on m’a amené les copies de physique, de chimie,  de Biologie, d’Education Civique et Morale. J’ai fait contrôler par le Centre National des Examens et Concours la véracité de ces faits.

 

Effectivement, c’était les vrais sujets. Donc, on s’est rendu compte qu’on était en face d’une fuite importante. Nous avons décidé immédiatement de changer tous les sujets. Les sujets de bio qui devaient se dérouler hier à 15H ; les sujets de physique, de chimie, d’Education Civique et Morale, d’anglais pour justement, la suite des épreuves. Donc tous les sujets ont été changés sur l’ensemble du territoire. Ce que je peux vous dire. C’est vrai, il y a eu fuite. Et la fuite a été certainement très importante. Mais les mathématiques c’est surtout au niveau de Bamako. A ma connaissance, on m’a dit le sujet de Mathématiques aurait été vu à Markala et à Fourou, dans la région.

 

Et c’est à cause de ça que nous avons tout annulé. Que nous avons changé tous les sujets. Parce que si ça arrive à Markala ou à Fourou, personne ne peut dire que ce n’est pas arrivé à Koutiala ou à Mopti, ou encore à Bougouni.

 

Mais ailleurs, selon les directeurs d’académie que j’ai interrogés, ils ne m’ont pas  parlé de fuite. De ce fait là-même, je crois que la question centrale est celle-ci : est-ce que les fuites au niveau  des mathématiques peut mettre en doute la sincérité des examens ?

Bon, nous allons vérifier tout cela quand les examens seront clos et faire le point.

Mais, de mon point de vue, je crois, ça ne doit pas remettre en cause fondamentalement les épreuves du DEF. Parce que même s’il y a fuite, bon, ce ne sont pas les 100% des candidats qui ont pu disposer des sujets.  On peut à juste titre penser c’est quand même une minorité de candidats fortunés qui a pu se procurer le sujet. Puisqu’il paraît que les sujets s’achètent. Donc c’est peut-être une minorité de candidats qui ont pu s’acheter les sujets-là. Nous allons apprécier.

 

En tout état de cause, je pense que ça ne devrait pas remettre en cause fondamentalement la crédibilité des examens que nous sommes en train de mener.

 

Le 26 Mars :Les gens parlent de fraude sur la rive droite…

Le Prof Denis Dougnon : Bien sûr. Ce n’est pas la rive droite seulement. Mais aussi la rive gauche. A Bamako, on a vu ça un peu partout. Vous savez le centre de la fraude, c’est Bamako. Essentiellement.

Il s’agit donc de deux centres à la rive droite c’est deux centres, la rive gauche, un centre où on a pris des élèves avec des sujets.

 

Le 26 Mars : On peut connaître ces centres-là ?

Le Prof Denis Dougnon : Je ne peux pas vous dire exactement les noms de ces centres-là.  Mais en interrogeant les directeurs, directrices d’académie, vous aurez facilement  les noms de ces centres-là. Ou bien, en interrogeant, peut-être demain, le Directeur National des Examens.

Bon, c’est vrai c’est une fuite importante. Mais, on ne peut pas dire que ça concerne l’ensemble des candidats au DEF du District de Bamako.

 

Le 26 Mars : Certains situent la source de la fuite au  Ministère de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues Nationales.

Prof Denis Dougnon : Mais si je savais ça, j’allais être très content. Parce que j’allais prendre immédiatement des mesures. Mais, nous sommes entrain de faire une enquête policière. Nous avons diligenté une enquête policière pour situer les responsabilités. Et si vraiment on est au fait de ces responsabilités-là, il est évident que des têtes vont tomber.

 

Le 26 Mars : Comment s’organise le DEF même ?

Prof Denis Dougnon : Nous sommes dans un contexte de décentralisation. Le Ministère a le Centre National des Examens et Concours. Mais, le DEF est essentiellement organisé par les Académies d’Enseignement et les Centres d’Animation Pédagogique. Mais, les sujets sont communs à tout le monde, de Yélimané à Kayes. Parce qu’il faut quand même qu’on ait un diplôme national. Ce sont donc tous les sujets que nous avons changés. De Yélimané à Kidal.

 

Le 26 Mars : Comment avez-vous fait ?

Prof Denis Dougnon : Nous nous sommes donnés les moyens pour que les Directeurs d’académies  entrent en possession des sujets et qu’ils se déplacent dans les centres d’examens pour  apporter les nouveaux sujets aux Présidents des centres d’examens.

 

Le 26 Mars : N’y a-t-il pas eu de couacs dans l’organisation générale ?

Prof Denis Dougnon : En ma connaissance, il n’y a pas eu de couac dans l’organisation. Et il ne peut y avoir de couac dans l’organisation. Parce que le MEALN est quand même très grand. Nous avons des structures déconcentrées sur l’ensemble du territoire. Et nous avons les moyens de joindre la grande majorité des centres.

 

Le 26 Mars : Après ce changement de sujet, a-t-on encore parlé de fuite ?

Prof Denis Dougnon : Non ! Après ça, personne n’ose parler de fuite.

Puisque justement, nous avons pris les choses en main.

 

Le 26 Mars : Donc on peut s’attendre à des examens crédibles ?

Prof Denis Dougnon : Vous savez, moi, je suis Secrétaire Général de Département. C’est à vous, journalistes, aux usagers de dire objectivement si les examens peuvent être crédibles ou non. 

Mais, je dis bien, objectivement. Vous savez quand une question concerne l’éducation, alors tout le monde est spécialiste de l’éducation. Et tout le monde est intéressé par la question. Et tout le monde a son avis. Et tout le monde n’est pas forcément objectif.

Mais, objectivement, vous allez apprécier.

 

Le 26 Mars : un message ?

Prof Denis Dougnon : C’est vraiment la question de la corruption. C’est dommage, c’est regrettable même que la corruption s’installe dans le domaine de l’Ecole. Parce que nous, enseignants devons être des modèles pour les enfants, pour la génération future. Mais, si nous-mêmes, nous entrons de plein pieds dans la corruption. Je crois qu’il y a beaucoup d’inquiétudes pour ce pays. Et, il est vraiment temps, qu’on relève la tête. Et que tout le monde lutte contre cette corruption-là.

 

Vous savez le problème c’est aussi vous, les parents. Vous parents, quand il y a des fuites de ce genre, vous allez acheter  les sujets et  les donner à vos enfants. Et, sans état d’âme. Alors, quand les parents eux-mêmes entrent dans ce jeu-là, je crois que la situation devient très grave.

En définitive, l’appel que j’ai à lancer c’est que vraiment : si nous sommes pauvres, acceptons et travaillons plus pour devenir riches. Parce que seul le travail enrichit. Ce n’est pas en trichant que vous allez devenir riches.

Mais les enfants qui vont frauder et passer au DEF, ils ne tiendront pas au lycée, hein. Ceux qui vont tricher au Bac et passer à l’Université, ils ne tiendront pas. La vie est ainsi faite :vous trichez aujourd’hui, mais tôt ou tard, on va comprendre que vous avez triché. Et vous ne serez pas à l’aise devant vos pairs. 

Propos recueillis par Hawa Diallo

 

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