Une fumée de poussières se lève. Le terrain de foot est en plein désordre. Des chaussures à crampon, des dossards voltigent au gré du vent ; c’était comme tout ce que la hâte d’une personne laisse derrière elle. Dans le même temps, une bande de galopins passe, plongée dans un effarant potin. Hurlements, rires bruyants, insultes à la ‘’moptitienne’’. Ceux qui ont un jour vécu l’expérience, à Mopti, de voir un vieillard insulter me comprendront. Nul d’entre eux n’a la dizaine tassée.
A mon grand étonnement, un enfant a crié : « Elle m’a dit d’arrêter de me promener dans la rue pour rien. Walaye ! Si elle n’était pas ma monitrice, j’allais demander à mon frère de lui administrer une correction qui sera citée en exemple. Parce qu’après l’école, elle n’a plus rien à me dire. » « Laisse-là tranquille, on va lui apprendre à se comporter. Elle comprendra que tous ceux qui se sont montrés directifs ici ont fini sur l’échafaud », a conseillé un autre. Voilà, on évoque l’un des sempiternels problèmes liés à la discipline qui n’est ni une originalité ni une réalité dans nos écoles, au point que l’image même de l’enseignant en a pris un sérieux coup. Il est toujours celui sur qui les cancres concentrent leur haine, allant jusqu’à le prendre pour un terrible challenger.
Allons faire un tour dans nos écoles. Tiens, un élève est en retard, bavarde et indispose tout le monde, l’enseignant le réprimande. Un mot de trop, et c’est l’accusation d’orgueil, de pauvre type, de désœuvré qui risque de suivre. L’enseignant, cela va de soi, n’a pas ou plus un certificat de respectabilité. Inutile de dire que pour être enseignant, il faut avoir la vocation chevillée au corps ! A ce sujet, j’ai une pensée émeu voire solidaire avec tous les enseignants qui, malgré l’océan de médiocrité que devient l’école, refusent de lâcher prise.
Ces enfants ne sont que le reflet d’une époque à laquelle ils appartiennent, où il y a difficulté à distinguer le vrai du feint. Et, cela ne doit faire rire personne, une époque où l’on supporte de moins en moins d’avoir comme gendre un enseignant. Il fut effectivement un temps où l’enseignant a été mis au banc de la société, est devenu la risée publique… Être au four et au moulin ou mieux encore entre le marteau et l’enclume. Derespectés des élèves, méprisés par l’administration. Bon, finit par dire un enfant, on vit dans le temps du « Malian bazar », comprendre un pays où chacun est libre de faire ce que bon lui semble. Oui, reprit un autre, quand un pays est pourri de ‘’je m’en fichistes’’, ça veut dire ce que ça veut dire hein ! Au départ, le maitre mot dans les discours, c’était l’ « amalgame ». Puis est venu le temps du « Mali un et indivisible ». Je mets ma main au feu que demain, on parlera de « morcellement ». Oui, bien sûr, morceler le Mali…
BOUBACAR SANGARE