Au Mali, cela fait des années que les examens sont entachés d’irrégularités. Si la qualité de l’enseignement est remise en cause, il y a aussi un phénomène qui encourage ce problème : la fuite des sujets d’examen. Cette pratique est monnaie courante en période des examens de fin d’année. D’ailleurs, des écoles privées pour accroître leur taux de réussite, s’y prêtent à visage découvert à cela, en complicité avec des services du ministère de l’Education nationale. Cette année, la vanne sera-t-elle fermée ?
« Je ne prends même pas la peine d’apprendre mes leçons parce que je sais que j’aurai tous les sujets d’examen à ma portée », susurre à ses camarades de classe cette élève, candidate à l’examen du DEF de l’école fondamentale ‘’Aminata Diop’’ de Lafiabougou en Commune 4 du District de Bamako. Elle espère sur l’offrande de son oncle. Qui est lui aussi, promoteur d’une école privée, réputée pour son taux record de réussite dans les différents examens de fin d’année. Voilà d’un trait, deux maillons d’une chaine rampante d’un phénomène destructeur de l’avenir des enfants. A savoir, un promoteur d’école privée, distributeur de sujets d’examen à une élève d’école publique, servant de relais pour ses autres camarades.
Ces cas ne sont que la face visible de l’iceberg. Cela dans un pays, où des fonctionnaires du ministère de l’Education nationale, des Directeurs d’académie ou DCAP sont promoteurs ou actionnaires dans des écoles privées. Or, la publicité de ces écoles privées est bâtie sur le message de taux croissant de réussite aux examens de fin d’année.
« Au sein de notre lycée, nous sommes confrontés chaque année aux cas des transferts des élèves de la 12ème année vers des établissements privés. Tout simplement, par ce qu’ils estiment qu’il y’a de la rigueur dans la tenue des examens chez nous », nous a confié sous anonymat un responsable du Lycée Prosper Kamara d’Hamdallaye. Cela démontre que dans les établissements privés, il suffit de payer régulièrement ses frais de scolarité pour décrocher son examen, car le système est bien huilé par leurs directions. Et ce système n’est autre que la fraude pour mettre à la disposition des élèves des sujets d’examen, après avoir gonflé leurs notes de classe à l’interne. Ainsi, le succès est garanti.
C’est une lapalissade aujourd’hui, d’affirmer que rien ne va plus dans nos écoles et le niveau de la formation décroit d’année en année.
En effet, en plus des promoteurs des écoles privées, ce sont tous les acteurs de l’éducation qui sont concernés par ce problème, à commencer par le ministère de l’Education nationale, les élèves et leurs parents. Les examens qui sont censés être l’occasion de promouvoir l’excellence et crées de l’émulation chez nos élèves, sont aujourd’hui devenus une foire des brigands pour certains et pour d’autres, une opportunité de pouvoir coucher avec les belles filles de leur établissement. Lesquelles, désespérément acceptent leurs offres bon gré mal gré.
Sans se voiler la face, tout le monde est au courant de ce phénomène. D’ailleurs, en plus des soutiens multiformes dans la salle d’examen, la majorité des candidats aujourd’hui espèrent que les sujets vont faire fuite. C’est pourquoi ils ne se cassent plus la tête avec des révisions ou des travaux en groupe. Chacun peut faire le constat, en des périodes pareilles, les lieux publics et les salles de classe sont généralement pris d’assaut par des élèves, en train d’apprendre leurs leçons, mais cela n’est plus le cas. Ce sont plutôt les retransmissions en direct des matchs de foot qui drainent du monde parmi les jeunes élèves candidats aux examens.
En réalité, cette année, tout laisse à croire que la fuite des sujets sera généralisée. Pour preuve, d’après nos sources, les élèves en classe de 9ème année, lors de l’examen du 3ème trimestre avaient déjà les sujets de toutes les matières, sortis des entrailles des académies d’enseignement.
Le ministère en charge de l’éducation doit prendre ce problème au sérieux en faisant en sorte que les sujets ne se retrouvent plus aux mains des individus qui contribuent au recul ou sabotage de notre système d’enseignement.
Ce n’est pas pour rien que les bandits redoutables qui commettent des crimes actuellement sont en majorité des jeunes élèves des écoles fondamentales et des lycées. Les dirigeants du Malikura le savent-ils ?
Adama Tounkara