Dans la région de Kidal, qui sont alors ces hommes et ces femmes qui ferment à leurs enfants les portes et fenêtres de ce qui reste de leurs écoles ? Certains vous diront que ce sont des révolutionnaires, des patriotes qui veulent un nouvel ordre, un nouvel avenir pour leurs enfants. Bel objectif ! Mais, nous leur répondons humblement que toutes les grandes révolutions, tous les grands hommes de l’histoire de l’humanité qui se sont investis pour l’émancipation de leur pays, de leur peuple étaient pour la plupart d’éminents intellectuels (médecins, historiens, sociologues, philosophes…) qui sont passés par le chemin de l’école. Ils ne sont pas tombés miraculeusement du ciel ou sortis des cavernes pour devenir des leaders incontestés et sauveurs de leur peuple.
D’autres aussi vous diront que ces hommes et ces femmes ne veulent pas de l’école parce qu’ils en ignorent l’importance et, plus grave, utilisent les enfants ou pour marcher et contester dans les rues ou comme de petits soldats dans les multiples conflits intertribaux et cela contre l’avenir même de ces enfants. En fait, on peut se demander également s’il n’y a pas derrière tout cela une main invisible et qui joue à la manipulation criminelle ?
À Kidal, on est tenté aujourd’hui de dire que depuis 2012, le mouvement et les valeurs cardinales de l’histoire basés sur les connaissances scientifiques ont changé de sens : l’Education et le Savoir ne sont plus porteurs de progrès ; l’analphabétisme a subitement supplanté le rayonnement intellectuel. On est donc amené à penser que c’est peut-être là une géniale découverte faite par ces hommes et ces femmes d’un autre âge et que le reste des hommes de notre planète ignorent heureusement encore. Ce qui est évident et malheureux, c’est que ces hommes et ces femmes s’épuisent dans l’édification d’une «société de moutons de Panurge», car fondée sur une jeunesse sans éducation.
Alors ! Chefs des groupes armés éclairés, hommes politiques, leaders communautaires influents, intellectuels de Kidal, est-ce de cette société-là que vous rêvez pour votre région ? Si oui, eh bien vous êtes morts, car comme l’a dit quelqu’un : «un peuple qui ne lit pas est un peuple qui n’évolue pas», donc qui ne vit pas. Sinon, levez-vous dès à présent pour rouvrir les portes et fenêtres de toutes les écoles de votre région et scolariser vos enfants et peu importe la voie : medersa, écoles classiques… Ceci est d’autant plus important qu’aucune possibilité d’ouverture sur le reste du monde, dont ont besoin vos enfants, n’est envisageable sans éducation, sans instruction. Et là encore, nous rappelons une pensée d’un autre homme sage qui disait : «qui sème des écoles récolte des hommes» et Kidal moderne a besoin d’hommes.
Chefs des groupes armés éclairés, hommes politiques, leaders communautaires influents, intellectuels de Kidal, ne laissez pas l’absurde et l’obscurantisme prendre le dessus sur la vérité. Faites vite et battez-vous in-las-sa-ble-ment pour expliquer à tous ces utopistes qui sont légion dans la région que toute émancipation passe avant tout par l’ouverture et la liberté de l’esprit, c’est-à-dire tout simplement un esprit construit sur le chemin de l’école. Malheureusement et paradoxalement, tout ce crime de «lèse-humanité» se passe sous l’œil des protecteurs de la Minusma, de Barkhane, des ONG internationales, tous censés défendre les Droits de l’Homme et aider à l’épanouissement socio-économique des populations qui vivent les terribles souffrances des guerres et des conflits. Qui sait, peut-être que ceux-là, eux aussi, ont besoin de ces «moutons de panurge» dans cette région du Mali ?
Rousmane Ag ASSILAKEN
ONG Azhar-Kidal
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