2.400 mots pourront s’écrire différemment.
C’est une révolution ! La France appliquera la nouvelle orthographe dès la rentrée prochaine. La réforme orthographique votée par l’Académie Française il y 26 ans touche environ 2.400 mots, soit environ 4 % du lexique (la liste complète des mots est ici). Les manuels scolaires français seront « corrigés » et porteront un macaron avec la mention « Nouvelle orthographe ».
En synthétisant, la nouvelle orthographe vise à suivre l’évolution de la langue française et faciliter son apprentissage par les enfants. Elle permet de se passer de l’accent circonflexe, du trait d’union, ou encore du « ph », qui de (plus) simplement « f ».
Dix règles, et quelques exceptions
1. Numéraux. Les numéraux composés sont tous reliés par des traits d’union : vingt-et-un-mille-trois-cent-deux… Mais millier, million et milliard, qui sont des noms, ne sont ni précédés ni suivis d’un trait d’union : deux millions trois-cent-mille…
2. Noms composés. Pour ceux composés d’un verbe ou d’une préposition suivis d’un nom, ce second élément prend la marque du pluriel seulement et toujours lorsque le mot est au pluriel : un compte-goutte et des compte-gouttes, un après-midi et des après-midis. Exception : quelques mots dont le second terme contient un article (des trompe-l’œil) ou commence par une majuscule (des prie-Dieu).
3. Accent grave. Il remplace l’accent aigu pour régulariser un certain nombre de mots (évènement, règlementaire…), au futur et au conditionnel des verbes se conjuguant comme céder (je cèderai, il règlera) et dans les formes du type puissè-je.
4. Accent circonflexe. Il disparaît (pardon : disparait) sur i et sur u : traitre, bruler… Exception : les 1re et 2e personnes du pluriel du passé simple (nous vîmes, nous lûmes…). Exception encore : les mots qui sans l’accent seraient homographes (le participe passé dû, les adjectifs mûr et sûr, le nom jeûne et les formes du verbe croitre). Il y en a d’autres…
5. Verbes en -eler et -eter. Ils se conjuguent tous sur le modèle de peler ou de acheter : le e du radical se change en è quand la syllabe qui suit contient un e muet : il détèle, il époussète, il détèlera… Exceptions : appeler, jeter et leurs composés redoublent le l ou le t devant une syllabe contenant un e muet.
6. Mots étrangers. Les noms que le français a empruntés à d’autres langues font leur pluriel comme les autres mots français : les matchs, les solos, les maximums. Ils s’accentuent aussi selon les règles appliquées aux mots français : un révolver.
7. Soudure. Elle s’impose pour les mots composés de contr(e) –, entr(e) –, extra –, infra –, intra –, ultra –, pour ceux composés avec des éléments « savants » (hydro –, socio –, etc.), dans les onomatopées et les mots d’origine étrangère. Exemples : entretemps, extraterrestre, tictac, weekend et portemonnaie.
8. Mots en -olle, verbes en -otter. Leur finale s’écrit avec une consonne simple : corole, frisoter. Exceptions : colle, folle, molle, et verbes de la même famille qu’un nom en -otte (botter, de botte).
9. Tréma. Il est déplacé sur la lettre u prononcée dans -güe- et -güi –, et ajouté dans quelques mots. Aigüe, ambigüité, argüer.
10. Laisser. Le participe passé laissé suivi d’un infinitif reste invariable : les enfants que tu as laissé partir.
Ajoutons que quelques anomalies ont été supprimées. On écrira ainsi : bonhommie, charriot, combattif, exéma, imbécilité, nénufar, ognon, persiffleur, relai, joailler, etc.
10 exemples de changements
Nénuphar : nénufar
S’entraîner : s’entraine
Maîtresse : maitresse
Coût : cout
Paraître : paraitre
Week-end : weekend
Oignon : ognon
Mille-pattes : millepattes
Porte-monnaie : portemonnaie
Des après-midi : des après-midis
Pour en savoir plus, une bonne adresse : www.orthographe-recommandee.info.
Source: lesoir.be
Au cours des siècles, l’orthographe française n’a cessé d’évoluer
En voici un exemple concret : trois versions d’un même texte, le début de l’une des Fables de La Fontaine.
Un bref aperçu de l’évolution de l’orthographe française
Édition originale (dix-septième siècle)
Une Grenoüille vid un Bœuf,
Qui luy sembla de belle taille.
Elle qui n’estoit pas grosse en tout
comme un œuf […]
Édition de 1802
Une grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’étoit pas grosse en tout
comme un œuf […]
Orthographe d’aujourd’hui
Une grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout
comme un œuf […]
1542 — Meigret écrit son Traité touchant le commun usage de l’escriture françoise (propositions rapprochant l’orthographe de la prononciation). Il publiera en 1550 une doctrine encourageant le phonétisme.
1620 — Godard fait paraitre La Langue françoise, où il propose notamment la suppression de lettres étymologiques, le remplacement de s muets par des circonflexes.
1694 — L’Académie française publie la première édition de son Dictionnaire. C’est une première tentative officielle pour donner une norme à l’orthographe ; à ce moment, l’orthographe est en effet mal fixée dans l’usage.
1740 et 1762 — L’Académie publie, respectivement, la troisième édition et la quatrième édition de son Dictionnaire. On y découvre déjà de très nombreuses simplifications.
1835 — L’Académie française publie la sixième édition de son Dictionnaire. Une nouvelle fois, les simplifications sont nombreuses. Par exemple, j’avois devient j’avais ; des enfans (qui, jusque-là, perdait le t au pluriel) s’écrit des enfants ; etc.
1889 — Sept-mille linguistes et enseignants signent une pétition de la Société de réformes. Quinze ans plus tard, une campagne réformiste, soutenue par Anatole France, est lancée. La Fédération internationale des instituteurs demande d’ailleurs, en 1906, une réforme des orthographes. Tous les pays s’y engagent… sauf la France. Simultanément, la Société nationale de linguistique adresse une lettre au ministère de l’Instruction publique lui demandant une « régularisation du français ».
1935 — L’Académie française publie la huitième édition de son Dictionnaire. On y voit apparaitre des modifications comme grand-mère remplaçant grand’mère.
1952 — En France, le Conseil supérieur de l’Éducation nationale vote à l’unanimité en faveur des réformes. Huit ans plus tard, c’est l’Académie des Sciences qui émet (au 2/3 de ses membres) le vœu d’une « réforme prudente de l’orthographe » à réaliser « par les autorités compétentes ».
1989-1990 — Des groupes d’experts sont nommés pour préparer ce qui deviendra les actuelles rectifications de l’orthographe.
Source: http://www.orthographe-recommandee.info/pourquoi_1.htm