L’exercice écrit, intitulé « Le colonialisme, une œuvre civilisatrice », a indigné un parent d’élève et une association.
« Sans pour autant oublier les aspects négatifs de la colonisation, il ne faut pas oublier les bienfaits que cela a eu pour les populations colonisées. » C’est ainsi que débute le texte à trous qu’ont eu à remplir récemment des élèves d’une classe de CM2 dans l’agglomération de Nantes. Parmi les « bienfaits » que les écoliers devaient inscrire eux-mêmes à la main, figurent par exemple « l’instruction », « une langue commune » ou encore « des soins médicaux ».
Devoir sur la colonisation/Capture d’écran Facebook
Le document a été publié mercredi soir sur Facebook par l’association locale CEMEA, engagée dans l’éducation populaire, avec le commentaire « L’idéologie des colonies est loin d’être terminée et notre vigilance doit être permanente ! ». L’association avait été elle-même alertée par un parent d’élève, Alassane Guisse, par ailleurs élu écologiste à la métropole de Nantes.
« On ne reproche rien à l’enseignante »
Contactée par le Parisien, une responsable de CEMEA ne souhaite pas communiquer le nom de l’école, « car on ne reproche rien à l’enseignante directement et on ne veut pas qu’elle ait de problème ». Interrogé également, Alassane Guisse abonde dans le même sens : « Je n’en veux pas du tout à l’institutrice, qui a entamé un vrai travail de mémoire sur la colonisation et sur l’esclavage, mais il faut accompagner les enseignants ».
« On souhaite surtout que l’Éducation nationale prenne une position très claire sur la question du colonialisme », poursuit la responsable de CEMEA. Plusieurs spécialistes pointent en effet un flou dans les recommandations pédagogiques de l’Éducation nationale. Dans celles pour le cycle 3 (CM1/CM2/6e), on lit par exemple que « la question coloniale […] s’est forgée autour de l’idéal républicain d’une grande nation civilisatrice », et il est proposé de « montrer [aux élèves] que la présence française et la francophonie sur les continents africain et asiatique sont le résultat d’une nouvelle entreprise coloniale depuis la fin du XIXe siècle ». Selon Alassane Guisse « on doit interroger l’Histoire mais on ne peut pas parler des bienfaits de la colonisation dans notre pays alors que l’extrême-droite monte beaucoup. Et, pour la Shoah ou l’Apartheid, par exemple, on ne parle jamais d’effets positifs».
Un devoir « sorti de son contexte », selon le rectorat
Contacté par le Parisien, le rectorat de Nantes, dont dépend l’école en question, ne souhaite faire « aucun commentaire supplémentaire ». Interrogé par Ouest-France jeudi, le directeur académique avait estimé que ce texte était « sorti de son contexte » puisqu’il « n’est qu’une partie de cinq leçons dans lesquelles la professeure soumet aux élèves les différents points de vue sur la colonisation au cours de l’histoire ».
Une réaction jugée « insuffisante » par l’association CEMEA. « On s’inquiète de ce qu’un tel exercice renvoie à des familles d’élèves et à l’accompagnement de ces derniers, on dit très clairement qu’on ne peut pas prendre une telle position sur la colonisation », nous indique sa responsable. Et de renvoyer au nouveau post Facebook de l’association publié ce vendredi matin : « Faut-il pour étudier le nazisme faire travailler les enfants sur Mein Kampf ? Sommes-nous obligé-e-s de faire travailler des enfants autour des horreurs, des écrits horribles pour appréhender l’horreur… Et si tel était le cas avec quel accompagnement ? »
01, mars 2019 Leparisien.fr