Quand l’Etat écourte l’année scolaire pour cause de Covid-19, sans aucune mesure d’accompagnement pour soutenir l’enseignement privé, c’est condamner à la disparition un nombre important d’établissements dont les portes risquent d’être closes à jamais.
La fermeture prématurée des écoles privées pour cause de pandémie de Covid-19 a causé une perte sèche pour beaucoup d’établissements d’enseignement privé du pays, notamment celles non fréquentées par les enfants de la bourgeoisie. Il s’agit des écoles qui ne pouvaient se permettre d’exiger le paiement intégral de la scolarité dès la rentrée scolaire ou son versement en deux tranches dont la seconde devait intervenir au plus tard au mois de janvier parce que recevant les enfants de la classe moyenne et des couches moins nanties de la population. Ces établissements d’enseignement privé sont obligés d’opter pour le paiement des frais de scolarité par tranches mensuelles ou trimestrielles.
Malheureusement pour les promoteurs de ces écoles privées, les mesures édictées par les autorités publiques pour empêcher la propagation du coronavirus ont entrainé la fin précoce de l’année scolaire, avec comme corollaire la non perception de trois à quatre mois de frais de scolarité. Pendant ce temps, les charges fixes, ignorant tout du coronavirus, continuent de s’imposer. C’est le cas des frais de location des locaux et de leur entretien pour les maintenir en état jusqu’au moment de la reprise des cours, sans oublier la rémunération du personnel salarié. Il s’agit donc d’un manque à gagner important pour des établissements privés qui s’en tiraient à peine, à cause des tarifs sociaux appliqués, pour ne pas faire de l’école un luxe réservé uniquement aux nantis.
Mais apparemment, les dirigeants du pays dont les enfants ne fréquentent pas ces écoles privées n’ont donc aucun souci de leur viabilité, voire de leur pérennité. Si non, des mesures auraient dû être prises pour atténuer l’effet de la crise liée à la Covid-19 sur l’enseignement privé complètement ignoré par le partage de la cagnotte de plusieurs milliards de Fcfa annoncée par le gouvernement et dont on attend d’ailleurs la justification de son utilisation.
En tout cas, même si comparaison n’est pas raison, des Etats voisins du Mali ont prouvé qu’ils attachent une grande importance au secteur de l’Education qui a bénéficié de mesures particulières (en partie financières) pour soutenir la relance des activités post Covid-19. Mais au Mali l’enseignement privé est snobé par le gouvernement et la rentrée officielle des classes qui s’approche à pas de géants signera la disparition de beaucoup d’écoles privées, surtout celles en situation de location d’immeubles, parce que déjà harcelées par les bailleurs pour le recouvrement des arriérés.Il se susurre que des dirigeants d’écoles privées, pour se refaire une santé financière et sauver leur établissement de la faillite, n’auront d’autre choix que de réclamer aux parents d’élèves le paiement intégral des frais de l’année scolaire échue, avant d’accepter dans leur établissement la réinscription des enfants.Non seulement cette mesure serait injuste, mais illégale car le paiement des frais de scolarité est la contrepartie d’une prestation que l’école n’a pu assurer. En d’autres termes, on ne peut, logiquement et même juridiquement, réclamer les frais de scolarité d’une année scolaire entière qu’on n’a pas assurée. Et la force majeure qui a poussé les autorités publiques à écourter l’année scolaire est un argument imparable pour les parents d’élèves. Raison pour laquelle, afin d’éviter un affrontement entre les parents d’élèves et les promoteurs d’écoles privées, peut-être même jusque devant les tribunaux, ce qui provoquerait des remous sociaux dont le Mali n’a pas besoin à l’heure actuelle, l’Etat doit se pencher sérieusement sur cette question et au besoin subventionner l’enseignement privé qui a souffert, comme les autres secteurs de l’activité nationale, des effets de la Covid-19.
Il reste évidemment qu’en parlant de l’Etat on s’adresse d’abord au Cnsp, lequel doit inscrire une telle action dans le programme prioritaire de la Transition. Qui disait encore que gérer, c’est prévoir !
Amadou Bamba NIANG