Lors du dernier Sommet Afrique-France que notre pays a abrité dont le thème central tournait autour de la jeunesse africaine, les jeunes avaient adressé un message très clair à l’endroit des chefs d’Etat que certains avaient assimilé à une menace. « Si vous ne vous occupez pas des jeunes, les jeunes s’occuperont de vous » déclarait la porte-parole à la clôture des travaux.
Je suis tenté de transposer cette déclaration sur la situation de notre école en paraphrasant comme suit : « si vous ne vous occupez pas de l’école, l’école s’occupera de vous ». Les quatre ans de consensus que le pays a vécus depuis 2002 ont poussé les hommes politiques à occulter sinon à nier l’essentiel des sujets qui pourraient fâcher. Or l’école est un sujet qui fâche.
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Comme la lutte contre la pauvreté, comme la lutte contre la corruption, comme la précarité des populations, comme le panier de la ménagère etc. Donc on n’en parle pas. Ou si. Mais c’est pour parler du pacte pour une école apaisée et performante. Un pacte dont l’inanité et la vanité échappent à la vue de ses promoteurs qui ne veulent pas voir qu’en fait d’école, il n’en existe vraiment plus. Et pour la paix et la performance, il faudra repasser. Parce que je suis de ceux qui pensent que nous avons une école à peser et peu performante.
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Et pourtant, que de fois, dans ces mêmes colonnes, on a tiré sur la sonnette d’alarme en insistant sur le fait que mettre son doigt dans l’œil passe encore, mais le mettre jusqu’à l’omoplate ! Voilà que la réalité a fini par rattraper ceux qui pensent qu’il suffisait juste de fermer les yeux pour que le problème disparaisse comme par enchantement. En moins de deux semaines, les Maliens ont vu leur Premier ministre monter personnellement au créneau pour essayer de désamorcer une bombe qu’il feignait d’ignorer. On l’a vu le 23 puis le 30 janvier avec le Syndicat des enseignants de l’enseignement supérieur faire des promesses, exhiber les actes qu’il a fait prendre et demander l’arrêt d’une grève qui a paralysé complètement le secteur.
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Et pourtant cette grève ne date pas d’hier. Depuis le 11 novembre de l’année dernière, sur la base de revendications très précises et bien motivées, le Synesup a déclenché une grève illimitée. Entre nous, s’il y a eu une grève de cette ampleur qu’on peut assimiler à une grève du zèle, c’est qu’avant il y a dû avoir quelques menaces et quelques grèves perlées. Comme je l’ai dit, c’est une grève qui date quand même de l’année dernière. Pendant tout ce temps que faisaient les autorités ? Elles préparaient studieusement le bilan de l’action gouvernementale jugée élogieuse par ATT.
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Un problème dont on ne s’occupe pas c’est comme les ordures qu’on range dans un coin de la chambre : elles finissent par envahir la chambre, à l’empester, avant d’en déloger le locataire.
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De toute évidence, celui qui a la charge du dossier de l’Education nationale a échoué. Comme je ne suis pas un tortionnaire, je ne remuerai pas le couteau dans les plaies qui attendent encore de cicatriser. Mais il saute à l’œil que s’il avait été à la hauteur, la crise de l’enseignement supérieur n’aurait jamais atteint les proportions qui sont les siennes aujourd’hui. Ce d’autant plus que les responsables du Synesup sont ses anciens camarades.
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Le ministre en est arrivé jusqu’à refuser d’accorder une simple audience à ses anciens camarades qui menacent ni plus ni moins de paralyser l’école. A se demander ce à quoi il peut bien passer ses journées. Parce qu’à ma connaissance, quand il arrivait à la tête du département, le seul véritable problème que vivait l’école malienne se situait au niveau du supérieur par son fait du temps où il était opposant. Il semble que c’est un professeur qui ait bien résumé le problème.
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Lors de la rencontre du mardi dernier au rectorat, s’adressant au Premier ministre qui s’est exprimé seul pendant près d’une heure, un professeur a eu cette réflexion : « Quand vous êtes en face de deux camarades qui sont habitués à se cacher ensemble, si l’un disparaît, l’autre sait où le trouver ». Cette parabole pour signifier au Premier ministre que son ministre de l’Education connaît la nature du problème si ce n’est lui-même le problème. De l’avis de tous, le Premier ministre a fait avancer le dossier. Mais le dossier n’est pas arrivé à bon port d’où la réticence des syndicalistes à lever le mot d’ordre de grève parce que comme ils l’ont dit et répété, « une fois que nous serons en classe, ils vont nous oublier ».
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En attendant, les vieux démons qu’on a voulu ensevelir avec les ordures dans le coin de la chambre semblent se réveiller. Le saccage du rectorat le vendredi dernier peut ressembler à une étincelle, mais symptomatique du fait qu’il y a de la braise sous la cendre. Mais est-ce que pour que le feu ne prenne pas toute la maison ou que l’année ne soit déclarée blanche que le Premier ministre a fait la débauche d’énergie de ces derniers temps ? Peut-être.
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Mais je suis sûr que les élections générales y sont pour beaucoup. Sinon le jeune Papou est mort ici mais plus personne n’en parle et les problèmes sont demeurés les mêmes. S’il y a toute cette gesticulation, c’est qu’il y a les élections et ce serait d’un mauvais effet que d’aborder les populations avec une année scolaire blanche dans le supérieur. Sans compter qu’il y a la crainte de voir de véritables violences liées à l’école qui pourraient pourrir la vie de tous ceux qui ne rêvent que de Koulouba ou d’un strapontin gouvernemental.
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Or qu’on le veuille ou non, l’école sera un thème de la campagne électorale. Ces derniers temps, tous les hommes politiques en parlent. Et IBK, qui a été investi dimanche dernier pour porter les couleurs de son parti et croiser le fer avec ATT, n’est pas resté insensible au drame silencieux qui se déroule au niveau de l’école. Longtemps annoncé, le candidat officiel est arrivé le dimanche dernier drapé dans son boubou bleu marine avec des propos qui ne laissent aucun doute sur le ton de la campagne à venir. L’homme que les Maliens ont connu pour son combat pour un Etat fort qui s’affirme dans tous ses domaines régaliens n’a pas manqué de déclarer que l’Etat de ses vœux n’existe plus dans notre pays.
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Sans entrer dans les détails de ses propos, je peux affirmer que IBK est apparu comme un homme déçu, qui s’est trompé sur la marchandise qu’il a contribué à vendre aux Maliens en 2002. « Il faut mettre fin à l’imposture démocratique imposée à notre peuple grâce à des circonstances historiques particulièrement favorables ». Cette phrase vaut tous les commentaires et vaut tous les slogans. Plus tellement jeune, IBK fera tout pour que l’alternance soit possible cette année ou ce sera la retraite anticipée. Surtout qu’il sait qu’il y a des hommes politiques de poids qui ne sont dans la mouvance présidentielle et qui pourraient créer suffisamment de soucis à ceux qui s’agitent autour du président ATT en lui promettant, pompeusement, une réélection dès le 1er tour.
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Je ne terminerai pas sans parler d’ATT et de tous les soucis qu’il doit se faire par rapport au fameux remaniement ou réaménagement ministériel. Il doit se poser toutes sortes de questions : est-ce opportun maintenant ? Qui prendre surtout qu’ils sont 15 partis au niveau de l’Alliance pour la distribution des postes ? Qui renvoyer avec le risque de grossir le lot déjà important des mécontents de tous genres ? Je lui souhaite bien du plaisir.
rnEl hadji TBM“