Compte tenu des problèmes auxquels se trouve confrontée l’école malienne et qui ont été étalés au grand jour lors des examens du Def et du Bac de la sessioon 2014, nous avons approché le coordinateur du Réseau des Éducateurs pour la Réfondation de l’École (Resere), M. Mahamadou Koné, pour qu’il nous livre ses idées et sentiments face à cette situation déplorable. Il faut dire que le Resere est un regroupement d’enseignants qui s’emploient à trouver les voies et moyens permettant de redonner à l’écle malienne ses lettres de noblesse d’antan. M. Mahamadou Koné nous a accordé l’interview qui suit.
Nouvel Horizon : M. le coordinateur, pourquoi le Resere ?
Mahamadou Koné : Le Réseau des Éducateurs pour la Refondation de l’École (Resere) a été créé à partir d’un certain nombre de constats. Nous sommes un groupe d’enseignants, tous en classe. Au regard des mauvaises pratiques qui se développent de plus en plus dans le système éducatif malien, c’est-à-dire de l’administration centrale au personnel, nous avons créé ce réseau. Il faut aussi noter la légèreté dans l’évaluation des enfants, les détournements de fonds, l’achat des consciences à travers le trafic des notes, la baisse de niveau. C’est pourquoi nous nous sommes dits qu’il faut un éveil de conscience de la part de l’ensemble des acteurs du système éducatif, d’où la création de ce réseau. Il s’agit de faire en sorte que notre école réponde véritablement à ses objectifs fondamentaux. Il faut pour cela la formation du caractère social.
Nouvel Horizon : M. le coordinateur, quelles sont vos stratégies pour pouvoir mettre fin à la corruption en milieu scolaire ?
Mahamadou Koné : Les stratégies à mettre en place pour mettre fin à la corruption dans notre système éducatif sont diverses. Car la corruption se situe à plusieurs niveaux. Tous les acteurs du système éducatif ont leur part de responsabilité. Mais il y a d’abord un effort d’information et de sensibilisation à faire sur l’enjeu de l’éducation dans l’avenir des enfants. Cet effort doit être dirigé à l’endroit des élèves et des parents d’élèves. Aujourd’hui, certains parents d’élèves ont tendance à croire qu’on ne peut pas réussir à l’école sans avoir payé au préalable. Alors que cela est faux et archi-faux. Il y a aussi un effort de sensibilisation à faire à l’endroit des enseignants. Au-délà de la sensibilisation, il est grand temps de procéder à des sanctions à l’endroit des enfants. Il faut également récompenser les plus méritants. C’est pourquoi, nous avons estimé au sortir de la table ronde que nous avons organisée sur l’école et la lutte contre la corruption qu’il était important d’instituer les journées nationales d’actions pour l’école. Ces journées devraient donner l’occasion de récompenser l’enseignant modèle, le bon élève, les écoles qui se sont caractérisées par leur exemplarité dans la lutte contre la corruption. Ceci est extrêmement important pour nous. C’est la façon d’encourager les enseignants à se dévouer à la tâche sans se prêter à des malversations. C’est tout un ensemble de paramètres qui permettra d’identifier les enseignants modèles et de les récompenser.
A côté de cela, les enseignants qui ont des comportements douteux et qui ne font pas honneur à la corporation, ceux-ci doivent subir les sanctions. Les élèves aussi doivent subir les sanctions conformément au règlement intérieur et à la législation scolaire. Aujourd’hui, le vrai problème est l’impunité. Donc, il faut punir les fautifs qui sont les corrompus et les corrupteurs. La sanction doit être dans tous les sens.
Ce mécanisme trouve son encouragement au niveau de l’administration centrale. A ce niveau, la volonté politique ne doit souffrir d’aucun doute. Aussi, l’administration doit avoir des comportements exemplaires dans la dotation des écoles en infrastructures adéquates. A ce niveau, nous sentons qu’il y’a des détournements de fonds. Cela affecte la qualité de l’éducation, les capacités d’accueil des établissements. Ce combat est de longue durée. C’est un travail de fond qu’il faut faire à tous es niveaux.
Nouvel Horizon : Qu’est-ce qui explique, selon vous, les fuites de sujets qui se sont produites lors des examens du Def et du Baccalauréat ?
Mahamadou Koné : A propos des fuites de sujets lors de nos examens de fin d’année ou de fin de cycle, il faut dire qu’il y a d’abord la mauvaise foi des acteurs impliqués. Ensuite, il y a aussi peut être la mauvaise organisation. Il y a certainement la pléthore des acteurs impliqués dans le choix, la saisie, la multiplication et la mise sous enveloppe des sujets. Il faudrait peut-être rétrécir ce cercle et n’avoir qu’un seul responsable par discipline. Ce seul responsable doit avoir la responsabilité de faire le choix final du sujet, de saisir et de mettre sous enveloppe. En ce moment-là, s’il y a fuite, sa responsabilité sera entièrement engagée. De plus en plus, il faut aller vers un système où plusieurs acteurs ne seront pas impliqués dans le processus de choix de saisie, ou de mise sous enveloppe des sujets.
Nouvel Horizon : Quelle solution proposez-vous pour éviter les fuites des sujet lors des examens ?
Mahamadou Koné : Je crois que pour trouver une solution à ce phénomène, il faut procéder à des sanctions sévères à l’endroit des fautifs. Cette année il y a eu des choses que nous avons appréciées. Nous avons senti que Madame le Ministre de l’Éducation Nationale est de très bonne foi. Car elle a mis en place un mécanisme qui a permis de dénicher certains fauteurs contre lesquels des mesures disciplinaires ont été prises. Il faudrait perséverer dans ce sens. C’est une façon de dissuader les responsables des fuites de sujets. Chaque fois, il faut démasquer les fautifs et les punir avec la dernière énergie. Dans ces conditions, en veillant quotidiennement aux progrès on peut, à terme, venir à bout des fuites de sujets lors des examens de fin d’année.
Nouvel Horizon : Quel appel avez-vous à lancer ?
Mahamadou Koné : Chacun à une part de responsabilité dans la réussite du système éducatif malien. J’invite non seulement les autorités à être plus rigoureuses et à appliquer les mesures règlementaires du système éducatif, mais aussi à faire preuve de bonne gouvernance. Elles doivent donner le bon exemple, pour qu’elles soient à l’aise, quant elles doivent sanctionner d’éventuels corrompus ou corrupteurs.
Aujourd’hui, les parents d’élèves, à travers la fédération nationale des associations des parents d’élèves, doivent se mettre à la tâche pour former et sensibiliser les parents. Pour ce faire, un cadre normal de concertation permanent doit pouvoir être institué dans toutes les écoles, pour permettre de faire le point à la veille des compositions et des examens, mais également à chaque rentrée scolaire et à la fin de chaque année scolaire. Cela permettra de discuter des problèmes au sein de l’école, de situer les responsabilités et de faire des propositions. J’ai ce vibrant appel à lancer, afin qu’un cadre dynamique de partenariat puisse être institué au sein de chaque établissement, au sein des Centres d’Animations Pédagogiques (Cap) et des académies et qui permet d’identifier les insuffisances qui affectent la qualité de notre système éducatif. De cettte manière nous pourrons, à moyen terme, amoindrir les mauvaises pratiques et rehausser du coup la qualité de notre système éducatif.
Propos recueillis par Tougouna A. TRAORÉ