Dans la semaine de l’assassinat de Cabral en 1980, les élèves et étudiants du Mali ont créé le vide institutionnel au Mali. Durant, au moins deux jours aucune autorité légale ne répondait au nom du Mali. Comme on le disait, les « jeunes » ont mis le pouvoir dans la rue. Pourtant aucune violence ne les y amena. Seulement, une manifestation silencieuse, digne et grandiose qui bloqua les principales artères menant à Koulouba et aux autres lieux de décisions. Hélas, aucune force démocratique organisée : ni politique, ni syndicat, ni société civile ne daigna se mettre à l’avant-garde pour parachever la prise du pouvoir par le Peuple. Courage fuyant ? Comme le soutiendront certains, 10 ans plus tard, les conditions objectives et subjectives n’étaient encore réunies…semble-t-il. Amertume et solitude confondues chez les « jeunes ».
La mort de Cabral le 17 mars 1980 n’a pas laissé des stigmates que dans le système du parti unique de l’Udpm et ses caisses de résonnance Unjm et Unfm. Un sentiment de trahison s’est créé au sein du mouvement estudiantin qui ne comprenait pas l’attitude des aînés des années 80. Et pourtant, ils étaient nombreux ceux qui, les soirs dans les amphithéâtres et salles de conférence de certains lycées, venaient étancher la soif de savoir des élèves et étudiants. Beaucoup de ces aînés étaient de brillants intellectuels et opposants au régime en place. Jamais dans l’Histoire récente du Mali, il n’y eut une telle synergie, une telle harmonie entre les générations. Mais hélas !
Toutefois, cette entente intergénérationnelle permit aux leaders de l’Uneem de l’époque de se former et donc de se donner les moyens de leur lutte : comprendre la cause et guider les masses dans la lutte pour la défense de cette cause.
Ce qu’on ne dit pas suffisamment, ce sont ces acteurs de 1980, qui n’ont jamais rien lâché, qui ont créé les conditions objectives et subjectives de la révolution de mars 1991. Ils sont les grands concepteurs de nouvelles formes de lutte, plus enracinées au sein des populations grâce aux organisations modernes : associations politiques, club de soutien, société civile, syndicats.
Ce que les leaders « anges » de l’Uneem de 1980 n’ont jamais imaginé 10 ans plus tard, c’est la répression féroce qui s’abattit sur les manifestants. Car selon eux, si la (seule) mort de Cabral avait ébranlé autant le pouvoir en 1980, difficile de croire que pour se maintenir le parti unique et son président pouvaient perpétrer des massacres d’une telle ampleur.
Ce que ces « gros naïfs » de l’Uneem devenus des politiques confirmés n’avaient pas prévu, c’est ce qui se passe depuis 25 ans. Ils sont les « nègres » de services de certains grands partis ou même de chapelles qui se veulent partis politiques. Au sein de ces Organisations leur expertise est vivement sollicitée, sans jamais être accompagnée de reconnaissance en termes de responsabilité à la hauteur de leur compétence. Ces anciens leaders et militants de l’Uneem sont même appelés à la rescousse lorsque la Nation est aux abois, mais toujours tenus à une bonne distance de la direction des affaires.
En ce 35ème anniversaire de l’assassinat crapuleux de Abdoul Karim Camara dit Cabral, une nouvelle étape doit être franchie par les acteurs de mouvement estudiantin de 1980, dont certains comptent parmi les hommes politiques les plus brillants et les plus crédibles du Mali et de l’Afrique. Leurs militants d’hier, aujourd’hui Cadres et employés dans toutes les sphères de la vie dans le pays, doivent sortir de leur fatalisme et de la torpeur quasi généralisée pour propulser leur génération à l’avant-scène. Nous devons au moins cela à Cabral et à tous les martyrs !
L’Uneem, qui a donné les premiers coups de semonce au régime dictatorial de l’Udpm et des militaires putschistes, ne doit jamais être jetée dans les oubliettes de l’Histoire de la démocratie malienne. Ses leaders et militants de 1976 à 1980 ont la chance de jouir d’excellentes formations académique et politique. Leur parcours au Mali est unique et riche en expérience de lutte. Aujourd’hui encore certains de ces hommes et femmes, éparpillés sur l’échiquier politique, demeurent d’excellents défenseurs de la République ; ils convainquent par la clarté de leurs analyses et ils jouissent du respect des citoyens par la constance de leur position sur les grandes questions nationales.
Il est grand temps que cette génération Uneem sorte des « bagages » de leurs aînés qui depuis plus de 25 ans peinent à satisfaire les idéaux du 26 mars 1991 qui visaient à combler des attentes fortes du Peuple malien. La morosité et la léthargie de la situation actuelle le prouve à suffisance, et les choses s’empirent d’année en année et après chaque élection.
Le moment est propice pour que les acteurs ayant émergé de l’Uneem, qui constituent une large frange dynamique de la classe politique malienne accomplissent le bond qualitatif: se rassembler pour faire élire un homme charismatique de leur génération comme Président du Mali.
Que les leaders proposent donc un contrat ! Les Maliens sont prêts à les soutenir s’ils sont prêts eux-mêmes et convaincus de pouvoir assumer la charge. Car ils ont déjà convaincu en 1980.
Pour commencer il faut se rassembler !
Comme en 1980, il faut se convaincre que : rassemblés les anciens militants et leaders de l’Uneem peuvent démystifier tout Système et prendre les affaires du pays en main, pour redresser le Pays et assainir la vie publique dans une Nation malienne réconciliée pleine d’espérance.
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M. Cissé Paris