Monsieur le président de la république, un penseur a dit : « Le premier peuple, c’est le peuple qui a les meilleures écoles ; s’il ne l’est pas aujourd’hui, demain il le sera ».
Monsieur le président, un français du nom de Jean Légall, architecte, mais également technicien polyvalent dans le domaine des arts et des métiers s’est inspiré de cette pensée pour réaliser en1932 avec l’agrément du pouvoir colonial, la maison des artisans soudanais. Elle comprenait deux sections: l’école proprement dite et les Souks. Elle avait pour but de former les élèves qui désiraient apprendre divers métiers artisanaux tels que la bijouterie, la cordonnerie, la maroquinerie, la reliure, la sellerie, la sculpture, la poterie et le tissage sans oublier la technique spéciale des forgerons d’art. A partir de 1948, l’école recevait des élèves titulaires du Certificat d’Etudes Primaires(CEP). Outre les matières d’enseignement général, notamment le français, la mathématique, la physique et chimie, la technologie générale le dessin et la décoration qu’ils recevaient, les élèves passaient dans les ateliers de formation suivants :
– Ateliers pour la section Peaux et Cuirs : cordonnerie, maroquinerie, Sellerie, Bourrellerie, reluire ;
-Ateliers pour la section bois : Menuiserie, sculpture, Ebénisterie ;
-Ateliers pour section Fibre : tissage, tapisserie, broderie ;
-Ateliers pour la section fer : forage, ferronnerie d’art, bijouterie.
La majorité des pensionnaires de l’école était les enfants issus des familles qui pratiquaient les métiers d’artisans. La formation qui durait trois ans était sanctionnée par le Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP). Chaque impétrant recevait :
- Un lot de matériel de son corps de métier et de la matière première ;
- Une prime pour s’installer à son propre compte.
A l’indépendance, le Mali transformera l’école de l’Artisanat en Institut National des Arts (INA) par la loi N°68 ANRM du 30 Décembre 1963. Ce changement allait contribuer à renforcer et à élargir les capacités de formation de l’école. En effet, le nouvel institut sera un établissement secondaire d’enseignement Technique et Professionnel avec comme objectif principal la formation des cadres moyens dans les domaines des arts et de la culture. Il comprendra alors six (6) sections : Animation Socio culturelle(ASC), Arts Plastique (AP), Art Dramatique (AD), Métiers d’Art (MA), Musique, Recherche. Toutefois, il faut noter que la section recherche qui devait relever le niveau scientifique de l’institut, a malheureusement disparu par faute de budget et de mauvaise gestion.
Monsieur le Président, cette école mythique de renommée sous régionale et même internationale, ne mérite pas d’être ce qu’elle est aujourd’hui : un lieu d’insalubrité, d’insécurité et d’incivisme. Pour redorer son blason, elle mérite votre visite. En effet, depuis sa création, l’INA n’a jamais reçu de visite d’un président de la république à l’exception du président Léopold Sedar Senghor un homme de culture qui, en 1979 au cours d’une visite officielle, a eu à inaugurer une exposition sur la culture Tellem en compagnie de son hôte le président Moussa Traoré. C’était la galerie de l’INA qui abritait cette exposition dont les objets provenaient des fouilles archéologiques effectuées au pays dogon. Homme de lettre et de culture, connaissant déjà le talent des peintres de l’INA, le Président Senghor fut émerveillé, tant par la richesse de l’exposition que par la beauté du style architectural néo-Soudanien de la galerie. Cette galerie qui hélas n’existe plus, était très importante pour la vie de l’INA. Elle jouait le rôle de musée pour les expositions temporaires des objets et articles produits par les élèves ou bien encore pour certaines expositions scientifiques à l’intention des élèves. Aujourd’hui, il lui a été affecté une nouvelle fonction : celle d’une boutique. On y vend pêle- mêle : Bazin, Woussoulan, Pati Sakana et autres Gongon mougou!
Monsieur le Président, l’INA a contribué à briser certaines barrières de la stratification sociale en levant les réticences de la pratique du théâtre et des métiers d’art dans la société malienne ou de certains métiers par des femmes. Filles et garçons sont formés dans tous les domaines des Arts et métiers. L’INA en sa qualité de propulseur des arts, a fait connaître au reste du monde, que le Mali est un pays de vieilles civilisations nanti d’un patrimoine culturel riche et varié. Il a également formé des cadres pour répondre aux besoins d’enseignants dans tous les domaines des arts et de la musique.
Malgré sa contribution au développement harmonieux du pays, la situation de l’INA se dégrade d’année en année. Cette année scolaire 2016-2017 a commencé par une grève à cause du non règlement des arriérés de l’année dernière. Et, jusqu’à ce jour les cours n’ont pas démarré. Bon Dieu ! Pour si peu, un vieil établissement de bonne réputation est en train de sombrer. Elle ne demande rien de plus que la garantie d’une ligne de crédit qui ne sera pas engloutie par le ministère de la culture.
En tant que chercheur à la retraite et ex-enseignant, je vous lance ce cri de cœur : il faut sauver l’INA Monsieur le président Ibrahim Boubacar Keïta !
Enseignant –chercheur à la retraite
Fait le 15 Octobre 2016
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