Les résultats du Diplôme d’études fondamentales (DEF) et du Baccalauréat de l’année 2010 sont maintenant connus. Sur la plupart des lèvres maliennes qui s’ouvrent pour commenter ces résultats, trois mots exprimant une même triste réalité sont les plus réguliers : drame, désastre, catastrophe.
Pour les deux examens, les taux de réussite sont inférieurs à la moitié des taux de réussite de 2009. Côté analyse de ces mêmes résultats, si tout le monde est d’accord qu’ils sont exacts et reflètent le vrai visage de l’école malienne, deux camps s’opposent cependant quant aux victimes du prix à payer.
Ainsi, pour certains parents d’élèves, leurs enfants ont été injustement sanctionnés alors qu’ils ne sont que des produits innocents d’une école malade de son système laxiste et complaisant, de ses enseignants mal formés ou déformés. Selon ces parents, la réforme devait commencer par un contrôle strict des programmes d’enseignement dans leur application et une inspection rigoureuse des enseignants qui, pour la plupart, faute de contrôle, font ce qu’ils veulent, surtout dans le public. Ces parents estiment donc que la réforme devrait être progressive, le temps d’inculquer de nouvelles valeurs aux enseignants et de sensibiliser les élèves quant aux nouvelles orientations du système scolaire. En un mot, ils pensent que le gouvernement a eu tort d’organiser ces " examens-abattoirs " qui ne font pas honneur au Mali. Mais pour d’autres parents, le son de cloche est différent. Malgré leur peine de voir leurs enfants échouer, quand c’est le cas, ils sont d’accord avec ces résultats et sont convaincus que, de toutes les façons, le sacrifice expiatoire de l’école malienne devait forcément commencer par une promotion. " On ne peut faire d’omelette sans casser des œufs ", soutiennent ces parents qui semblent plus rationnels et plus sereins que les premiers.
En effet, aujourd’hui ou demain, il aurait fallu avoir le courage d’assainir l’école, d’une façon ou d’une autre. Et il n’y a pas de réforme qui ne soit douloureuse au début, parce que toute réforme vient briser un rythme, changer une façon de faire, de voir, de dire ou de vivre. Les parents qui accusent le gouvernement doivent reconnaître leur part de responsabilité au lieu de cautionner la faiblesse du système scolaire. On comprend qu’ils auraient certainement voulu que la réforme tombe après leurs enfants. Une pensée un peu dans le genre " Après moi, le déluge ! " Et pourtant, ils auraient pu eux-mêmes conscientiser leurs enfants sur la nécessité d’étudier d’arrache-pied et sans relâche pour se garantir un succès sans tâche. Que nenni ! Ce sont ces parents-là mêmes qui passaient voir les directeurs d’écoles ou des enseignants pour leur donner de l’argent afin de gonfler les moyennes de classe de leurs enfants pour faciliter leur passage. Pris à contre-pied dans leurs pratiques malsaines, ils ne peuvent que rugir contre les premières notes d’une réforme qui, même si son début d’application provoque des " catastrophes ", va permettre à l’école malienne de redorer son blason.
Il est vrai qu’à côté de ces deux positions principales, il y a ceux qui expliquent " le drame " par un acte de sabotage des enseignants grévistes qui auraient mal corrigé les copies pour s’en débarrasser, question de faire valoir leur capacité de nuisance. Dans un tout autre registre, une directrice d’école privée qui tenait à déposer une lettre d’opposition aux résultats du DEF m’a fait savoir que ce " désastre " pouvait être orchestré par le gouvernement lui-même, pour montrer à l’opinion que les enseignants qui sont si prompts à revendiquer sont si nuls qu’il a fallu une réforme des examens pour mettre à nu les limites de leur compétence. De quoi justifier le rejet de leurs revendications.
Evidemment, les commentaires resteront toujours des commentaires, justes ou faux, intelligents ou insensés. Une chose est claire, les examens 2010 ont révélé le degré de pourriture de l’école malienne. Et quand on s’en tient aux moyennes obtenues par les élèves lors des différentes compositions trimestrielles tout le long de l’année, on peut dire avec amertume mais espoir : " Les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs ". Et, au lieu de chercher ici et là des boucs émissaires, réfléchissons aux moyens à mettre en œuvre pour revaloriser notre école en ces jours d’intégration africaine où il est impératif que les élèves et étudiants du Mali soient capables de tenir le cap, face aux autres de la sous-région et pourquoi pas, du continent. Arrêtons donc de gémir, de pleurnicher, pour réfléchir ! Alors nous serons heureux de retrouver un jardin magnifique où chaque belle fleur produira un beau fruit. N’est-ce pas ?
Bien à vous.
MINGA Siddick