Entretien avec … Abdou Diouf, à propos de la lecture

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Nos confrères de Le Libraire ont interviewé Abdou Diouf à l’occasion de son passage à Quebec pour le XIIe sommet de la Francophonie. Abdou Diouf est le successeur de Léopold Sédar Senghor à la présidence du Sénégal. Il est aussi le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie.

Dans cet entretien, il évoque l’importance du livre et de la langue française. Il nous révèle que son premier émoi en matière de littérature lui est venu du Cid de Corneille : « En classe de sixième, j’ai été parti-culièrement ému à la lecture du Cid de Corneille. Ce fut un grand moment dans ma vie de collégien ».
Il explique en outre que : « Le livre a représenté pour le jeune Sénégalais que j’étais une formidable ouverture sur le monde ». Enfin il avoue que s’il ne devait garder qu’un livre sur une île déserte ce serait L’esprit de lois de Montesquieu : « Il me semble que la sagesse dont il fait preuve dans ses livres nous est indispensable ».
Abdou Diouf : au cœur de la clameur universelle  De Dakar l’effervescente en passant par Paris la lumineuse, Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie, a atterri à Québec la paisible le temps du XIIe Sommet de la Francophonie, qui s’y est tenu du 17 au 19 octobre 2008. Abdou Diouf a été président du Sénégal à la suite de l’écrivain et académicien Léopold Sédar Senghor, qu’il considère comme son père spirituel et mentor. En digne héritier, il continue aujourd’hui la lutte pour la langue française, qui compte plus 200 millions de locuteurs dans le monde. Portrait d’un francophone d’Afrique engagé et non dénué d’humour!
Quel a été votre premier contact avec le livre?
Mon premier contact avec la lecture a été évidemment d’ordre scolaire, puis d’ordre épistolaire. A l’âge de deux ans et demi, mes parents m’ont envoyé à Saint-Louis-du-Sénégal, chez ma tante paternelle, où j’ai suivi mes études coraniques, primaires et secondaires. C’est dans cette ville que j’ai appris à lire et à écrire. A l’école primaire, nos livres de lecture s’intitulaient Mamadou et Bineta. Ma tante était la présidente du comité des femmes partisanes de Léopold Sédar Senghor de Saint-Louis, où Senghor était minoritaire. Chaque soir, le comité des femmes se réunissait dans notre maison, et j’étais chargé de leur lire tous les journaux qui paraissaient. De plus, c’est moi qui rédigeais toutes les lettres que ces femmes analphabètes adressaient à Senghor. Quand Senghor leur répondait, c’est moi qui traduisais le contenu des lettres.
Quel a été votre premier émoi littéraire?
En classe de sixième, j’ai été particulièrement ému à la lecture du Cid de Corneille. Ce fut un grand moment dans ma vie de collégien. Aujourd’hui encore, certaines phrases me reviennent: «Nous partîmes cinq cents; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port…», «Que peut-on m’ordonner que mon bras n’accomplisse?», «À qui venge son père, il n’est rien d’impossible», «Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse: nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse.» Bien entendu, nous avons aussi dû lire tous les classiques comme Racine, Molière, sans oublier ce géant de la littérature qu’était Victor Hugo.
Quelle a été l’importance du livre de l’enfance à l’âge adulte? Vos influences?
Le livre a représenté pour le jeune Sénégalais que j’étais une formidable ouverture sur le monde. Par la langue française, qui est la langue officielle du Sénégal grâce à Léopold Sédar Senghor, j’ai pu avoir accès à tous les grands auteurs francophones, dans des domaines aussi différents que l’histoire, les sciences, la philosophie et, bien sûr, la littérature. Jeune étudiant, j’ai notamment été influencé par Montesquieu.

Quels sont les titres qui vous ont marqué, les auteurs que vous appréciez le plus?
J’aime beaucoup Victor Hugo, Racine, Corneille. Quelqu’un a dit que Corneille peint les hommes tels qu’ils devraient être; Racine les peint tels qu’ils sont. Par mon exigence éthique, ma recherche de la vertu et de l’héroïsme, je préfère Corneille pour les thèmes qu’il développe! Bien entendu, j’aime l’œuvre de Léopold Sédar Senghor, mon père spirituel et mon maître, comme celle de Césaire. J’apprécie aussi beaucoup les écrivains africains, comme Birago Diop: un écrivain sénégalais qui, tout en écrivant en français, arrive à vous faire pénétrer dans l’esprit de notre civilisation. Son écriture est telle qu’on a l’impression d’entendre les intonations de nos langues nationales… Enfin, il y a Hampâté Bâ, un écrivain malien qui a écrit Amkoullel l’enfant peul, un très beau récit. C’était un homme très tolérant, très ouvert. Il est venu me rendre visite, une fois, à Dakar.

Que lisez-vous en ce moment? En avez-vous seulement le temps?
Mon emploi du temps ne me laisse, il est vrai, que peu de temps pour la lecture. Je lis beaucoup de littérature spirituelle, qui est plus reposante pour l’esprit et qui, d’une manière générale, nous pousse à nous interroger sur le sens de la vie. La Bible et le Coran sont deux textes essentiels à mes yeux. Autrement, pour me distraire avant de dormir, j’avoue lire et relire les bandes dessinées d’Astérix ou d’Iznogoud, dont je reste un inconditionnel!
Enfin, sur une île déserte, quels livres emporteriez-vous dans votre bibliothèque?
Les ouvrages de Montesquieu, dont notamment L’esprit des lois. Il me semble que la sagesse dont il fait preuve dans ses livres nous est indispensable.
La politique de la Francophonie dans le domaine du livre
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s’est engagée à promouvoir la diversité des expressions culturelles en soutenant la structuration et le développement des filières d’industries culturelles, dont la filière du livre. L’objectif est d’offrir aux populations francophones l’accès aux savoirs et aux produits en langue française, surtout les littératures francophones. Outil de promotion des auteurs de langue française et des littératures francophones, le Prix des Cinq continents de la Francophonie est destiné à favoriser la relève littéraire reflétant la richesse de la diversité culturelle et éditoriale en langue française. Le lauréat 2008 est Hubert Haddad pour son roman Palestine, paru aux éditions Zulma.
L’OIF a créé, en vingt ans, un réseau comprenant plus de 230 centres de lecture et d’animation culturelle dans les zones rurales et périurbaines difficiles des pays les plus défavorisés, et ce, en liant ce projet au soutien à la mise en œuvre d’une politique de lecture publique nationale. De plus, l’organisation pilote la création d’une véritable Bibliothèque numérique francophone, avec le Réseau des Bibliothèques nationales numériques francophones, qui devrait permettre l’accès à tous les fonds en français des Bibliothèques nationales ou assimilées des pays francophones sur un portail unique, conçu et mis au point par Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
L’OIF s’attache également à favoriser la participation d’auteurs, mais aussi de professionnels du livre du Sud à des salons ou à de grandes manifestations littéraires. En 2007-2008, quarante écrivains ont participé au Salon africain du livre et de la presse de Genève, et vingt-huit au Salon international du livre de Québec, qui a accueilli également neuf éditeurs.
Pour 2009, l’OIF souhaite mieux faire connaître ces initiatives à l’occasion des manifestations qui seront organisées pour célébrer Beyrouth, désignée Capitale mondiale du livre par l’UNESCO.
       source :
        Journal
             Le Libraire        

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1 commentaire

  1. Un peuple affamé ne lie point! Donc il faut d’abord assurer la sécurité alimentaire avant d’exhorter les peuples à lire sinon ils ne retiendront rien même s’ils lisent.
    La sécurité alimentaire d’abord et la lecture après mon cher président!

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