Enseignement Supérieur : Les vérités de la Société Civile

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La salle Balla Moussa Keita du CICB refusait du monde, samedi dernier, à l’occasion du débat sur l’Enseignement Supérieur organisé par l’ONG Mojed. Des participants de divers horizons ont pris d’assaut la salle de 200 places et ne cachaient pas leur enthousiasme de pouvoir se prononcer sereinement sur la question de l’école en général et de l’enseignement supérieur en particulier. Il y’avait les représentants des différentes mairies de Bamako, les coordinateurs des chefs de quartier, les représentants des organisations de la société civile, des enseignants et de nombreux étudiants. Les conférenciers débateurs étaient prévus pour être les représentants des deux ministères en charge de l’Education, le représentant de la société civile à travers l’ONG Mojed et ceux des syndicats enseignants SNESUP et SNEC. Ces derniers ont fui le débat et étaient absents à l’appel. Rappelons que le débat a été initié par l’ONG Mojed et organisé en partenariat avec Africable Télévision.

Les débats ont porté sur les devoirs de l’Etat pour sauver l’Enseignement Supérieur, la nature des revendications des enseignants, des étudiants, la rétention des notes des étudiants comme arme de revendication, la nouvelle hiérarchie réclamée par les enseignants, l’attitude de la société par rapport à la dégradation des mœurs à l’école.

L’un des problèmes de l’Enseignement supérieur demeure le flux important d’étudiants. A ce niveau les participants ont dénoncé le repêchage abusif des candidats au baccalauréat, repêchage qui pourrait aller jusqu’à 5 de moyenne contrairement aux objectifs de performance et d’excellence. Cet état de fait crée la pléthore et le manque d’enseignants dans les différentes facultés. Il en augmente aussi sur le manque cruel d’infrastructures en nombre suffisant. Ainsi il a été proposé à l’Etat de mettre fin au repêchage ou de soumettre les repêchés à une année de préparation avant leur entrée à l’Université.

Sur la question des infrastructures les représentants de la société civile ont rappelé le devoir de l’Etat d’en construire en nombre suffisant et en qualité selon les besoins de la population universitaire. Vivement aussi la décentralisation de l’Université à travers les différentes régions du Mali. Il a été demandé aussi que l’Etat recrute des enseignants en nombre suffisant et qu’il revoie leur rémunération. L’enseignement est un métier noble auquel on doit rendre sa dignité par un traitement financier de qualité. Les intervenants ont proposé des facilités pour les enseignants, telles l’exonération sur les importations et dédouanements de véhicules, l’accès au logement, la couverture sanitaire pour leurs familles et la majoration de primes.

Cependant il a été rappelé aux enseignants venus nombreux pour la conférence, certains de leurs devoirs primordiaux. Les participants à l’unanimité ont condamné la rétention des notes des étudiants comme arme de revendication. Ils ont fustigé la « nouvelle hiérarchie » réclamée par les enseignants et qui consiste à sauter des étapes dans leur plan de carrière, notamment le grade de maître assistant qui doit disparaître selon les revendications enseignantes, entre celui d’assistant et de maître de conférence. Pour les participants ceci est un appel à la médiocrité et à la facilité et contribuerait à mettre notre système universitaire à la traîne de ses pairs du CAMES et de la sous région. Au moment où nous recherchons la qualité et l’excellence cette revendication est une abolition de l’effort et du mérite et vise à cultiver le manque de recherche et d’amélioration de la qualité des enseignants. Les participants trouvent aussi inacceptable que des enseignants puissent poser une telle revendication sur la table des négociations et en faire un facteur de prise en otage de l’Ecole.  Ils ont demandé aux enseignants d’avoir égard à l’avenir de leurs étudiants et de prendre l’exemple sur leurs lointains devanciers qui ont donné par le sacrifice et le courage une image noble de l’Enseignant au Mali. Il a été rappelé que les maliens ont toujours eu une image positive de l’enseignant. C’est pourquoi tous les présidents que le Mali a connus sont des enseignants militaires ou civils.

Aux étudiants les participants ont demandé l’abandon de la violence et la culture de l’excellence dans l’espace universitaire. Il a été rappelé que les étudiants sont les premiers bénéficiaires du bon fonctionnement du dispositif universitaire. Et que l’AEEM doit respecter les résolutions de ses différents congrès à savoir l’abandon de la violence comme méthode d’expression ou de revendication. La violence faite sur les enseignants dans certains cas, fait partie des raisons pour lesquelles certains préfèrent abandonner le secteur pour d’autres métiers moins risqués.

La Société dans son ensemble est responsable de la déchéance de l’Université. Ce ciment moral qu’on retrouve jadis dans nos contrées, est inexistant à Bamako, où chacun est à l’abri du regard culturel ou moral de l’autre. Ce qui fait que l’autorité familial disparaît, celle de la société n’existe plus et on veut remettre toute l’Education à l’Ecole elle seule, qui plie sous le poids de tant de responsabilités, qui doivent en effet être partagées et complémentaires. Dans l’éducation de l’enfant et de l’adolescent, la famille joue sa partition, la communauté la sienne et l’Ecole se charge du reste. Lorsqu’un maillon de cette chaîne à trois niveaux casse, les deux autres sont inefficaces à eux seuls. C’est à la société de prendre donc ses responsabilités et, de sévir pour remettre l’école sur les rails.

L’Enseignement Supérieur, s’il est bien tenu, contribue par la recherche, l’initiative et l’expertise, au développement de l’industrie, à la création d’emploi et au développement du pays. Il forme aussi le bon citoyen sur lequel repose le tout. Fermer les yeux sur les maux qui le minent revient à une démission collective, qui pourra avoir des conséquences incalculables pour l’avenir et même l’existence du pays. C’est ce que la conférence de l’ONG Mojed a tenté de nous démontrer. Espérons que des oreilles attentives et des mains courageuses sauront en tirer profit.

Karim FOMBA

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