L’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique au Mali a fait l’objet d’une concertation nationale les 7, 8 et 9 avril dernier au Centre International de Conférence de Bamako (CICB). La rencontre, présidée par le ministre de la Justice Aly Bathily, a enregistré la présence entre autres des membres du gouvernement, du corps diplomatique, des représentants des organisations internationales et du gouverneur du district de Bamako.
Depuis des années, le système d’enseignement malien de manière générale, celui du supérieur en particulier connait une crise multiforme. Les causes de cette crise sont nombreuses : manque d’infrastructures d’accueil, nombre insuffisant d’enseignants, des problèmes liés à l’éthique, à la déontologie, à la discipline et à l’inadéquation des offres de formation avec les besoins de la société. A ceux-ci s’ajoutent le nombre croissant d’étudiants, en particulier dans les disciplines littéraires, les problèmes de financement et de transparence dans la gestion des ressources disponibles et le manque et l’inadéquation du matériel de pédagogie et de la recherche.
Cette crise se manifeste par des grèves récurrentes des enseignants chercheurs, des étudiants et, dans une moindre mesure, des personnels administratifs, techniques et de services. Les revendications de ces grèves portent généralement sur le paiement à temps des heures supplémentaires, la gouvernance des universités publiques et de l’enseignement supérieur et l’amélioration de l’environnement de travail et de logement.
Le but de la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique au Mali, c’est de pallier à toutes ces insuffisances. Elle a été organisée par un Comité de pilotage installé le 27 janvier 2014 par l’ex Premier ministre Oumar Tatam Ly et est présidé par le Professeur Abdel Karim Koumaré assisté de trois vice-présidents, trois rapporteurs et 16 autres membres.
Le Comité a pris en compte l’évolution des enjeux de l’enseignement supérieur, les effets de la mondialisation et de ses impacts sur ce sous-secteur partout dans le monde.
A l’ouverture de la concertation, M. Bathily qui représentait pour la circonstance le Premier ministre, a tout d’abord, félicité les membres du Comité de Pilotage pour le travail préparatoire accompli sur le système de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique au Mali. Un travail, selon le ministre Bathily qui « révèle quelques points positifs, mais aussi, des insuffisances, des menaces et des contraintes majeures ».
Puis, il a regretté le fait que « près de deux décennies après la création de l’Université au Mali (1996), des crises profondes et récurrentes menacent l’efficacité de notre système d’enseignement supérieur caractérisé, entre autres, par des effectifs pléthoriques et des déficits d’équipement et d’infrastructure ». M. Bathily explique cela par « le manque de planification, d’anticipation, de perspective et de culture de suivi-évaluation ». C’est pourquoi, a-t-il dit, « notre pays ne peut et ne doit rester en marge des réformes engagées depuis 2006 dans l’espace UEMOA pour une meilleure lisibilité des systèmes de formation et de recherche et leur mise en cohérence avec les besoins de développement économique ».
Il a terminé son intervention en insistant sur le principe de l’intérêt général qui doit primer en ce qui concerne la résolution des crises dans l’enseignement supérieur. Pour lui, « le temps est venu de rompre avec cette spirale qui tire notre pays vers le bas ».
Le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Moustapha Dicko, a, quant à lui, mis l’accent sur l’inadéquation entre la formation universitaire et les demandes du marché du travail : « l’enseignement supérieur au Mali est caractérisé par des pratiques pédagogiques qui ne favorisent pas l’apprentissage, des programmes d’études qui ne sont pas en phase avec les demandes du marché du travail et ne confèrent pas les aptitudes nécessaires pour une insertion réussie ».
Au cours de ces trois jours de concertation, les participants ont eu comme thématique la gouvernance, la configuration de la carte universitaire, l’accès, les offres de formation et leur adéquation avec les besoins réels de la société et de notre économie, entre autres.
A long terme, cette concertation permettra l’harmonisation des données structurelles et pédagogiques des pays de l’UEMOA. Son Comité de pilotage a dégagé quelques axes phares. Tous les membres du Comité sont d’accord sur le fait que la situation d’ensemble de l’enseignement supérieur malien n’est pas reluisante et qu’il est important que sa gouvernance soit revue, corrigée et assises sur des principes intangibles. Toutes actions n’auront de sens que si l’ensemble des acteurs prennent conscience de leur responsabilité individuelle et collective vis-à-vis de l’état actuel et de l’avenir du secteur.
Ahmed M. Thiam