Le monde entier a célébré le mercredi 5 octobre la Journée mondiale des enseignants, occasion pour le corps de faire une rétrospective et de proposer des pistes d’amélioration de la profession à la croisée des chemins.
Le système éducatif malien, dont les objectifs ont été définis sous la présidence de Modibo Kéita, reste aujourd’hui confronté à de nombreuses difficultés.
“Depuis que le régime de Alpha a commencé, on a introduit des programmes qui n’ont rien à voir avec ce que nous faisions. La preuve est qu’au lycée on apprend aux enfants à écrire le syllabaire. Pourquoi ? Parce que les Européens ont tout fait pour nous amener des programmes qui abrutissent la nation. En notre temps, quand tu sortais de l’école fondamentale, tu n’avais pas besoin de comprendre des leçons de grammaire, tout était déjà dit. Mais aujourd’hui, qu’est-ce qu’on voit ? On nous amène des programmes qui n’ont rien à voir avec notre niveau, avec nos sociétés et on nous dit de les appliquer à coup de milliards”, assène Mamadou Sow, un enseignant à la retraite.
Alassane Mahamane Haïdara, directeur-coordonnateur de Groupe scolaire à Banankabougou, enfonce le clou : “Beaucoup de pouvoirs ont été retirés aux instituteurs, aux pédagogues par la démocratie. Ces pouvoirs ont été redistribués aux élèves. Les apprenants sont devenus des rois”.
Responsables de l’avenir intellectuel et professionnel des élèves, l’enseignant, autrefois distingué par sa connaissance, sa façon de la transmettre et son comportement n’est plus que l’ombre de lui-même. Ses aptitudes sont mises en cause : “L’enseignant d’hier avait d’abord une solide base depuis le premier cycle. Les enseignants se souciaient de l’avenir des enfants. Ceux d’aujourd’hui sont venus dans l’enseignement peut-être pas par vocation, mais parce qu’ils n’ont pas d’autres emplois. Celui qui vient dans l’enseignement par vocation s’occupe mieux des enfants que celui-là qui est venu pour de l’argent”, constate Tidiani Mamadou Koné, directeur de Banankabougou 2e cycle.
Doléances
“Aujourd’hui ce qu’on donne aux enfants, l’instruction y est certes, mais c’est une certaine dose d’instruction très éphémère, très mince parce qu’il n’y a pas d’enseignant de qualité qui puisse former par exemple à bien parler français, parceque la base de tout aujourd’hui au Mali c’est la langue française. Si tu ne comprends pas la langue tu ne peux pas persévérer dans un métier quel qu’il soit”, avertit Mamadou Sow.
Tidiani Mamadou Koné, directeur de Banankabougou 2e cycle, propose le cœur à l’ouvrage : “Il faut beaucoup œuvrer. Dans le temps, les enfants étaient très disciplinés. L’élève était à l’enseignant. Mais, aujourd’hui, l’élève n’est pas à l’enseignant parce que quand on essaye d’appliquer ce qu’on appelle la correction à un enfant, l’enseignant peut être convoqué à la police. Donc il craint. Or, il y a des enfants qui ne demandent que quelques coups de fouet pour mieux travailler en classe”.
La journée internationale des enseignants est aussi le moment propice, pour les enseignants, de présenter leurs doléances.
Badjè Koné est enseignant au lycée Bah Aminata Coulibaly : “Nous sommes des scientifiques. Pour un scientifique qui élabore ses leçons sans laboratoire, on peut dire que la formation est vouée à l’échec. Ce n’est pas ce que nous souhaitons. J’aimerai que le gouvernement nous vienne en aide en dotant les lycées de laboratoires”.
La Journée est organisée chaque année par l’Unesco depuis 1994. Elle commémore la signature de la recommandation concernant les conditions de vie et de travail du personnel enseignant.
Ousmane Sagara