Au Mali, les statistiques montrent que les lycéens, quoiqu’encore mineurs, sont sexuellement actifs pour la majorité. Ils sont exposés aux risques des maladies sexuelles et aux grossesses non désirées. Une éducation sexuelle s’impose.
Oumy T. est élève en 10è année dans un lycée privé de Bamako. Elle est très couvée par ses parents qui veillent sur elle comme sur du lait sur le feu. Papa la dépose, vient la chercher. Elle n’a jamais le droit de sortir qu’avec Maman ou Papa.
Malgré tout, Oumy T. a eu le temps d’avoir un amoureux. « J’ai un copain qui fait l’université. Quand le professeur ne vient pas, on va chez lui. Souvent, je sèche les cours pour aller chez lui. L’essentiel, c’est d’être devant l’école à midi, à la descente. Ses parents travaillent. On reste chez lui. Je connais l’homme depuis que j’ai 13 ans. On n’a jamais porté de préservatif. On prie pour ne pas contracter de grossesse. Mes parents me tueraient ! », s’exclame-t-elle.
Awa Samba Coulibaly, animatrice sociale travaillant sur les questions de santé sexuelle et reproductive pour une ONG, pense que l’éducation manque. « Au moment où les parents pensent que leurs filles sont toutes dédiées aux études, elles ont longtemps perdu leur innocence. Elles ont de multiples questions sur la sexualité, mais, les seuls à qui elles confient ces questions sont les réseaux sociaux, rarement bons conseillers », dit-elle.
A Bamako, la plupart des jeunes que l’on a interrogés, plus d’une vingtaine, aucune d’entre elles n’a suivi dans son programme scolaire du lycée et même du programme universitaire, un cours d’éducation sexuelle. « Sincèrement, je trouve que ce genre de causeries débats sur la sexualité, sur les moyens de contraception, les techniques de protection est une merveilleuse initiative. Ces formations qui sortent des échanges sont très constructives pour les jeunes filles que nous sommes. A mon avis, cela nous éviterait énormément de problèmes tels que les maladies sexuellement transmissibles, les grossesses non désirées », dit Ina d’un lycée public de Bamako qui témoigne avoir participé à une séance de sensibilisation sur la sexualité dans son lycée.
« Les cours de biologie au lycée m’ont beaucoup orienté sur les questions de reproduction, les règles. On apprend sur notre corps, sinon, après, rien », témoigne Mariam, du même établissement. Elle poursuit : « j’aurais souhaité que de tels modules soient inscrits dans nos programmes. Il est temps de reconnaître que les jeunes de nos jours connaissent et pratiquent tôt la sexualité », défend Mariam. « Nous jeunes commençons très tôt à voir des signes sur nous dans la puberté. Nous avons besoin que l’on nous explique certaines choses. Vu que les parents ne le font pas, nous expérimentons des choses sans savoir dans quoi l’on se met et après c’est les dégâts ».
Bina Togola, enseignant, explique leur dilemme : « Il ne nous coûte rien de donner des cours de sensibilisation sur la sexualité aux enfants. Nous voyons bien les avortements, les grossesses, les abandons, les drames. J’ai une élève de la 10è année qui a fait 6 mois avant de savoir qu’elle était enceinte. Vous vous imaginez ? Cependant, puisque ce n’est pas une injonction de l’académie, puisque ce n’est pas dans le programme, il ne viendra à l’esprit de personne de prendre l’initiative malgré le besoin, car, on sera vite accusé de pervertir les enfants. Il y a eu de par le passé des plaintes de parents d’élèves dans ce sens », explique-t-il.
« La question n’est pas simple », reconnaît Ba Diallo du bureau de l’Association des parents d’élèves d’une école privée. « Nous en avons débattu à plusieurs reprises au sein du bureau. Malgré des cas concrets et palpables, des parents continuent à refuser le débat à l’école. Pour eux, ne pas en parler est la meilleure façon de nier l’évidence. Il faudrait bien s’y résoudre un jour ou l’autre », dit-elle.
Pour l’animatrice, Awa Samba Coulibaly, « informer les jeunes sur ces sujets permet de réduire les grossesses précoces, les avortements clandestins et de réduire aussi la transmission des IST. De plus, avoir des connaissances sur la sexualité peut-être une chance pour les jeunes filles de continuer leurs études ».
Aminata Agaly Yattara
Ce reportage est publié avec le soutien de JDH et FIT en partenariat avec Wildaf