Nous avons récemment publié une chronique pour tenter de mettre en lumière les dérapages et autres inconvenances qui couvrent les examens scolaires au Mali, et qui, partant, font aujourd’hui planer un sérieux doute sur la capacité intellectuelle de tout fruit de ce système éducatif. Cela nous a valu quelques réactions obtuses dont nous n’avons tiré que quelques précieuses leçons. La plus importante est qu’il ne sert pas à grand-chose de parler à un mur ou pour être un peu plus clair, à ceux qui ne veulent rien entendre et que Molière a eu l’inspiration d’appeler des pires sourds.
A présent, après la proclamation des résultats du D.E.F, il est difficile de ne pas se retrouver dans l’impossibilité à formuler ne serait-ce qu’un zeste d’espérance, au regard de certains commentaires de satisfécit et de jubilation sur le taux de réussite qui est de 36,33% d’après les estimations du centre national d’examen et de concours (CNEC). «(…) Avec le taux de réussite de cette année et celui de l’année dernière, l’on peut dire sans risque de se tromper qu’on est en train de réaliser ce vœu des autorités, des parents d’élèves, des syndicats, etc. C’est donc un résultat qui est la volonté du peuple malien qui a tenu, malgré un contexte sociopolitique difficile, à tout mettre en œuvre pour que les examens se tiennent et que les résultats soient publiés », ces propos sont de Monsieur Hassimi Adama Touré. Extraits d’un article publié par le Républicain, ils démontrent la satisfaction d’une autorité scolaire non moins l’un des piliers du ministère en charge de l’éducation. L’homme a le courage immense de dire que ce résultat est un vœu voire pieux et qu’il représente l’aspiration et l’ aboutissement des efforts déployés par tout un peuple, même s’il n’est pas aussi sans savoir que les jérémiades que nous émettons au sujet du déroulement des examens ne sont, pour parler court, que la partie visible de l’iceberg.
Et c’est là que l’on touche l’un des problèmes fondamentaux du Mali. Tant que l’on se donne pas le temps d’écouter et de lire ce qui se dit et s’écrit sur les problèmes liés à l’école, qui sont d’ordre « microscopique », c’est-à-dire corruption, favoritisme, manque de conscience professionnelle de certains acteurs…, nous retournerons toujours à la case départ et la déception sera encore plus grande.
Par exemple, nombreux sommes nous aujourd’hui à dire dans le secret des salons, des bureaux que le D.E.F, à l’opposé de ce que pense M. Hassimi A. Touré, n’a pas été à la hauteur des attentes. Surtout à Bamako dont les académies des rives gauche et droite ont engrangé respectivement des taux de réussite de 33,26% et 38,33%. Arrêtons-nous là. Ces taux, par rapport au constant alarmant relatif au déroulement des examens dans les écoles publiques, sont à cet égard encourageants. Et il ne faut même pas se gêner de faire économie d’une révélation. En effet, dans les écoles publiques les examens sont moins entachés de tricheries abracadabrantes, comme cela fait désormais partie de l’univers de certaines écoles privées dont les promoteurs se permettent tous les coups pour réussir un taux astronomique qu’ils prendront un malin plaisir à plaquer au fronton de leur établissement pour attirer davantage d’élèves partisans du moindre effort.
Cela reviendrait à dire que c’est dans ces écoles que les examens perdent année après année leur sens, et que par ailleurs l’avenir de ce pays réside dans les écoles publiques où l’Etat brille par son désintérêt dévorant, et où malgré la bêtise et le manque de conscience de certains enseignants, les élèves parviennent à tirer leur épingle du jeu sans compter sur qui que ce soit ou quoi que ce soit.
C’est pourquoi, le gouvernement actuel aura beau ne pas lésiner sur les moyens et les efforts, les examens au Mali se dérouleront comme vivent les maliens : c’est-à-dire mal. Nous avons une école qui craque sous toutes ses couleurs tout comme nos familles et notre société qui a des élites à l’esprit endormi, obtus, pour qui la dignité, l’honnêteté, le nationalisme relèvent d’une autre époque. Il faut donc aider les parents à regarder autour d’eux, à réfléchir et même à ouvrir les yeux pour découvrir l’état grave de la société dans laquelle nous vivons, et dont les effets insidieux se répercutent sur l’école au point de donner à penser que l’éducation y est impossible.
Voilà donc là où gît le malheur de ce pays. Se dire pays de la dignité, d’un passé glorieux, et en même temps encourager au vol, à la tricherie, à la magouille, au je-m’en-fichisme ceux qui sont supposés conduire la destinée de notre nation dans les prochaines années. C’est là une attitude interlope. De fait, le vrai problème peut se résumer à cette seule interrogation : comment faire pour que les examens scolaires, plus précisément ceux qui se tiendront dans le cadre de la session spéciale d’octobre prochain ne souffrent pas de telles défaillances ? Cette question devrait susciter un réel débat où les sentiments d’égotisme et de politique n’auront point de place. C’est du redressement de l’école dont il est question. Car il est temps que ce pays se réveille, et qu’il se rende compte de son erreur, monumentale, commise en faisant croire à ses enfants que l’illégitime peut être légitimé tout comme l’illégal peut être légalisé.
BOUBACAR SANGARE