Education: « notes sexuellement transmissibles » et corruption à la fac

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Universite_BamakoBas salaires, corruption, étudiants fictifs : passée au second plan durant la crise politique, l’éducation est l’un des gros dossiers qui attend Ibrahim Boubacar Keïta.

 

 

(De Bamako) Des jeunes sont assis sur des motos, entre des chaises empilées et des petits tas d’ordures, aux portes de l’Institut universitaire de gestion du Mali (IUG). Cet immeuble blanc est trop petit pour accueillir ses 2 000 étudiants, qui doivent circuler entre plusieurs facultés leur proposant des salles, ailleurs sur le site des universités de Bamako .

 

 

Ce vaste campus, situé sur une colline qui surplombe la ville, compte près de 100 000 étudiants inscrits, surtout en lettres, droit et sciences économiques, pour 760 enseignants. Le niveau se serait beaucoup dégradé ces dernières années, selon le patron d’une agence de communication de Bamako :

 

 

« Aujourd’hui, les étudiants que nous prenons en stage ont un niveau d’écriture de dernière année d’école primaire. »

« Ici, on n’accède à rien sans du piston »

Alors que le chômage frappe 16% des 15-39 ans au Mali et que 60% de la population a moins de 25 ans, l’éducation est l’un des gros dossiers qui attend le nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta.

 

 

Ce dernier dit vouloir préparer la relève, mais pour l’instant, l’idée la plus répandue est qu’il « faut émigrer pour réussir », raconte Awa, 19 ans. Elle-même rêve d’un métier dans la banque, chez elle au Mali, sans se faire trop d’illusions :

 

 

« Ici, on n’accède à rien sans du piston. »

Même pour recevoir les bourses, il faut jouer des coudes. Sur le papier, les meilleurs élèves ont droit à 533 euros par an, s’ils répondent à tous les critères d’excellence.

 

 

Les bourses sont gérées au niveau du secrétariat général de la présidence et font l’objet d’une véritable mafia : des étudiants fictifs empochent la somme, pendant que des étudiants réels ont du mal à joindre les deux bouts.

 

 

C’est le cas d’Abdel Kader ben Abdoulaye, 29 ans, qui essaie tant bien que mal, sans la bourse, de terminer sa troisième année de gestion. Son frère aîné, un steward d’Air Mali licencié à cause de la crise, ne peut plus l’aider.

 

 

Issu d’une famille arabe de Tombouctou, il rêve d’être un grand gestionnaire dans l’aviation civile, mais en attendant, il cherche de l’argent pour mettre du carburant dans sa moto et se rendre à l’université.

 

 

La « foire aux diplômes »

Le niveau paraît très bas à Yvette, étudiante camerounaise de l’IUG :

 

 

« Au Cameroun, il faut étudier tous les jours pour décrocher le diplôme. Ici, on peut juste s’y mettre un mois avant les examens, et on passe. »

Les années sont régulièrement perturbées par les grèves des enseignants qui revendiquent de meilleurs salaires. Ils ne gagnent que 370 euros en moyenne, contre 1 300 euros au Sénégal voisin, où les salaires ont été revalorisés.

 

 

« L’école est le reflet de la société. L’argent est devenu roi et un système de corruption permet aux fils à papa d’acheter les notes. »

C’est le constat que fait Tiébilé Dramé, chef du Parti pour la renaissance nationale (Parena) et patron de presse. Un homme politique qui préconise comme bien d’autres responsables maliens une réforme de l’éducation, pour empêcher les enseignants de boucler les fins de mois en vendant de faux diplômes.

 

 

Parties de jambes en l’air contre diplôme

Gakou Bandiougou, 68 ans, ancien ambassadeur, spécialiste de l’islam et ex-administrateur de la faculté de droit entre 2009 et 2010, explique :

« Après les examens, il y a les réclamations, Là, c’est la foire aux diplômes. Une maîtrise de droit s’achète pour 400 000 francs CFA (609 euros). Les enseignants reçoivent les étudiants un par un et c’est l’occasion d’améliorer les notes par tous les moyens. »

 

 

Il ne dément pas l’existence de ce que tout le monde appelle ici les « notes sexuellement transmissibles » (NST). Appellation aigre-douce,pour les parties de jambes en l’air qui servent de monnaie d’échange entre certains professeurs et leurs étudiantes.

Gakou Bandiougou n’est resté qu’un an en poste, et avoue avoir été soumis à bien des pressions. Il a peut-être trop bien fait le ménage.

 

 

Etudiants fictifs et faux diplômes

Dès sa prise de fonction, il découvre l’existence de 250 faux diplômes, qu’il fait annuler. Pendant sa mission, il apprend aussi qu’un groupe d’étudiants a négocié un arrangement avec un professeur :

 

 

« Chacun des étudiants lui a donné 152 euros et le groupe a désigné un représentant, qui a mis les notes qu’il voulait sur les copies dans la salle des corrections, à la place du prof. J’ai convoqué l’enseignant dans mon bureau et je l’ai chassé de la maison. »

 

 

Sur les 16 000 étudiants inscrits en droit, Gakou Bandiougou estime qu’entre 3 000 à 4 000 sont fictifs, inscrits juste pour empocher le petit pactole que représente la bourse :

 

 

« Au lieu de rayer plusieurs centaines d’étudiants et faire des remous jusqu’à la présidence, le secrétaire général de l’université préférait reconnaître les faux diplômes. »

 

 

Réformer, mais par où commencer ?

Sous la pression des institutions financières internationales, dans les années 1980 et 1990, la réduction des postes d’enseignants à l’école publique et l’apparition de nombreuses écoles privées ont compliqué la donne.

 

 

A Bamako, seulement 43% des enfants fréquentent l’école primaire : les parents n’ont pas le certificat de naissance nécessaire à l’inscription, et ne sont pas aidés dans leurs démarches par l’état-civil.

 

 

Sur les 223 lycées du pays, seulement 43 sont publics. Les lycées privés, critiqués pour leur faible niveau, contribuent à un taux dérisoire de 12% de réussite au baccalauréat en 2012.

 

 

La nécessité d’une réforme paraît évidente, mais par où commencer ? Faute de meilleure idée, le gouvernement d’Amadou Toumani Touré (ATT) a défait en 2011 la réforme du gouvernement d’Alpha Oumar Konaré, faite en 1996. Tous les campus avaient été réunis sous une seule organisation, « les universités de Bamako ».

 

 

Les voilà de nouveau séparés en quatre entités :

  • sciences sociales et gestion,
  • lettres et sciences humaines,
  • sciences, techniques et technologies,
  • sciences juridiques et politiques.

Mais le gros du travail reste à faire, et la corruption à l’université n’est qu’une des facettes de ce mal généralisé qui a en partie conduit à la dislocation de l’armée et place le Mali à la sixième place, en partant du bas, dans l’index des Nations unies sur le développement humain.

 

Sabine Cessou | journaliste

Source: Rue89

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5 COMMENTAIRES

  1. 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 SEUL CAPI LE PROF PEUT NOUS ECLAIRER SUR CE PROBLEME DE “notes sexuellement transmissibles”. 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆

  2. Partout dans le monde le salaire des enseignants est bas, et pire au mali, mais cela ne donne aucune raison aux enseignants de corrrompre l’esprit des jeunes gens dont ils ont la charge d’eduquer en tant q’adulte, cela ne saurait avoir aucune justification et n’est pas pardonable.Si vous aimez l;argent mais pas le travail que vous avez choisi, vous devez demissioner et aller chercher un autre boulot.Si voulez plus d’argent, vous avez un syndicat, demander une augmentation de salaire au gouvernement.Tout gouvernemnt digne de cee nnom cherchera a vous satisfaire, car l’education est au coeur du development.L’etat doit prendre toutes ses responsabilites a travers les actionss du ministre en charge de l’education a tous les niveaux.Aux etudiants , je leur demande de travailler dur pour acquerir des connaissances, et qu’ils sachent aucun prof ne peut les faire echouer sans preuve s’ils travaillent bien.

  3. CE PHENOMENE EST PARTAGE PAR LA IL FAUT QUE LES PARENTS METTENT VRAIMENT LEUR CONTRIBUTION EN ENCADRANT LEURS ENFANTS A LA MAISON ET SURTOUT QUE LE NOUVEAU PRESIDENT VOTE UNE LOI EN SUPPRIMANT CERTAINES ECOLES PRIVEES(PRIMAIRES SECONDAIRES LYCEES UNIVERSITES).
    IL FAUT QUE LA POPULATION COMPRENNE UNE BONNE FOIS, LE MALI NE PAS AVANCE SANS LEUR CONTRIBUTION. UN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE PEUT APPORTER UN CHANGEMENT MAIS IL FAUT OBLIGATOIREMENT UN RETOUR POSITIF DE LA PART DE TOUT UN CHACUN CAR L’EDUCATION AU MALI EST CHUTE LIBRE VOIR MEME EN VOIE DE DISPARUTION. ALORS AGISSONS AVANT QUE CA SOIT TROP TARD

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