Éducation : L''ÉCOLE MALADE DU CONFLIT IVOIRIEN

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Au Mali comme au Burkina, l”arrivée massive d”élèves rapatriés de Côte d”Ivoire a rendu quasi impossible l”encadrement pédagogique des écoles d”accueil
Les conflits sont comme les épidémies, ils prennent tout le monde au dépourvu. Ceux qui en souffrent le plus, ce sont les femmes et les enfants.
Les premières sont victimes de viol, d”assassinat et d”enlèvement tandis que l”avenir des seconds, surtout les scolaires, se trouve systématiquement compromis à cause de l”interruption momentanée ou définitive de leur formation.

Les événements survenus en Côte d”Ivoire à partir de septembre 2002 ont ainsi eu des effets néfastes sur le système éducatif ivoirien, et sur ceux des pays limitrophes, notamment le Burkina Faso et le Mali. L”enlisement du conflit a déstabilisé l”école ivoirienne. En effet les écoles ont continué à fonctionner de façon plus au moins régulière dans les zones contrôlées par le gouvernement, surtout celles situées assez loin des combats et des lignes de front. Dans les parties du pays occupées par les Forces nouvelles, ce sont les populations qui prennent en charge l”éducation de leurs enfants, en rémunérant les enseignants bénévoles constitués pour la plupart d”étudiants de Bouaké et de Korhogo.

Les chercheurs burkinabé Yacouba Yaro, Marc Pilon et Idrissa Kaboré ont enquêté sur les conséquences du conflit ivoirien, notamment les profondes perturbations qu”il a causées aux systèmes éducatifs ivoirien, burkinabé et malien. C”était dans le cadre d”une étude réalisée en 2005 sous le titre "Éducation et conflit en Afrique de l”ouest. Conséquences du conflit ivoirien sur l”éducation dans les pays limitrophes : un état des lieux au Burkina et au Mali etc".

Selon cette étude, en Côte d”Ivoire, au titre de la seule année 2003/2004, ce sont quelque 300 000 à 400 000 élèves qui ont vu leur cursus scolaire interrompu. Quelque 14 815 élèves du primaire, 2 225 du secondaire et 781 du supérieur ont été rapatriés au Burkina.

Les chercheurs maliens Isaie Dougnon, Mme Samassékou Kankou Traoré et Balla Diarra se sont intéressés, dans le même cadre, aux répercussions de ce conflit sur les écoles de certaines localités de la région de Sikasso. Il ressort de cette étude que les différents centres d”animation pédagogique (CAP) de Sikasso avaient accueilli en 2002 plus de 1000 enfants. Pour la seule année 2003/2004, le CAP de Sikasso I aurait reçu plus de 760 élèves rapatriés pour ses deux cycles. Certaines classes de ce CAP comptaient jusqu”à 200 élèves. Kadiolo en avait reçu 375 pour ses 18 écoles. A Guéléninkoro (Yanfolila), on avait une 6è de 126 élèves assis à même le sol, tandis qu”à Zégoua où certains enseignants avaient jusqu”à 24 heures de cours par semaine, toutes les classes comptaient plus de 100 élèves. La 7è en avait 172 et on en dénombrait 106 en 8è année.

Au Mali tout comme au Burkina, les chercheurs du Rocaré ont constaté que l”arrivée massive des élèves rapatriés a rendu l”encadrement pédagogique des écoles d”accueil quasi impossible. Dans leur fuite, les élèves rapatriés ont tout perdu ou presque. C”est pourquoi leur rescolarisation a posé quelques problèmes. Dans leur grande majorité, ils n”étaient pas en mesure de fournir les documents administratives justifiant leur niveau exact de scolarisation. Ils n”étaient pas non plus capables de payer les frais de scolarisation.

Les programmes scolaires variant en Afrique d”un pays à l”autre, l”inexistence de certaines filières dans le système éducatif des pays d”accueil a empêché de nombreux élèves et étudiants rapatriés de poursuivre leurs études. Une autre difficulté réside dans l”absence de suivi scolaire sérieux des rapatriés. En effet l”appui apporté par les structures partenaires et les associations a consisté surtout à caser les enfants dans des écoles.
Si la situation n”évoluait pas vers un dénouement heureux, les pays d”accueil des élèves rapatriés doivent prendre certaines initiatives : construire de nombreuses infrastructures pour décongestionner les écoles aux effectifs déjà pléthoriques, multiplier le suivi pédagogique par la dotation des CAP en moyens logistiques. Ils doivent aussi adapter les cours aux programmes des écoles d”origine des élèves rapatriés.

C. DIAWARA

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