Ecoles Supérieures privées au Mali : Le laisser-aller !

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On s’étonne que, du jour au lendemain, des villas précédemment habitées, soient transformées en locaux d’une école supérieure, pouvant délivrer des DUT, des Licences, Masters et Doctorats, etc.

L’histoire de cette “génération spontanée” d’écoles et instituts supérieurs, est très fortement liée à la crise que connaît la plupart des universités classiques. Mais, le comble semble être aujourd’hui atteint.

La crise de l’emploi et de la formation professionnelle pertinente, la crise de nos universités laissent aujourd’hui, libre cours à une campagne médiatique sans précédent, de la part des écoles supérieures privées qui ont de plus en plus pignon sur rue.

Ainsi, des slogans ronflants sont quotidiennement balancés sur les antennes ;  comme « avec nos diplômes, vous êtes à l’abri du chômage ; notre institut est la trajectoire de votre avenir… »

Une publicité vigoureuse…

Ainsi, à la manière de véritables entreprises commerciales ou de simples supermarchés, différentes écoles supérieures (du moins, leurs promoteurs), créées de façon hâtive et souvent à la veille des rentrées universitaires, essaient d’appâter les parents d’élèves et étudiants, par rapport à leurs… “prouesses”.

C’est dans ce sens que, en ces moments de rentrée académique, les antennes des radios et télévisions foisonnent de spots de plus en plus osés, sur les prétendus “miracles” que ces écoles et instituts supérieurs pourraient faire.

Ce qui est curieux, c’est que pour certaines de ces “universités privées”, qui s’apprêtent justement à ouvrir leurs portes (dans les jours à venir), les “magiciens” de ces boîtes, s’ingénient à faire apparaître sur l’écran de la télévision, des amphithéâtres ou des salles de cours (ou de TD et TP), bondés d’étudiants, comme s’ils ont exercé déjà de telles activités pédagogiques…

Il faut, pour ainsi dire, reconnaître que la publicité hardie qui est faite à propos de ces établissements universitaires privés, frise le harcèlement ou du moins la tromperie.

Comment comprendre en effet, que des écoles supérieures dignes de ce nom, brandissent des slogans du genre « notre diplôme vous donne droit à telle ou telle opportunité, tel ou tel emploi, telle bourse extérieure, etc ». Alors que, tout le monde connaît les difficultés qu’éprouve aujourd’hui tout demandeur d’emploi ; indifféremment de l’université d’où il est sorti.

En plus, en matière de bourse, nul n’ignore les prérogatives de puissance publique de l’Etat dans la définition des critères d’attribution. On n’est pas éligible à l’obtention de telle bourse (nationale ou étrangère), simplement parce qu’on est diplômé de tel ou tel « Institut de Hautes Etudes… » Dès lors, on se demande pourquoi l’Etat n’intervient-il pas, pour réglementer, un tant soit peu, ce secteur.

Des cursus “spéciaux”

Par ailleurs, ces écoles annoncent souvent des voies “parallèles” pour certains cursus académiques.

C’est ainsi par exemple qu’il est éhontement proposé aux élèves des classes de terminales ayant échoué au bac, de pouvoir s’inscrire dans des cycles universitaires, dont l’accès est normalement subordonné à ce premier diplôme universitaire (le bac). N’est-ce pas là une voie de facilité pour encourager l’échec ?

Le phénomène est si répandu aujourd’hui que des étudiants s’engagent dans ces voies sans issue et finissent par être confronté à l’exigence du bac, justement dans des perspectives futures d’embauche ou de demande de bourses, surtout étrangères. Car l’étudiant, souvent de parents nantis, parvient dans ce cursus à atteindre la 3è année (année de licence) sans le bac… Equation difficile à résoudre puisqu’il devra tenter, pour la énième fois, le bac en candidat libre et se préparer à passer, au même moment, sa licence. Son niveau étant ce qu’il est (largement en dessous du moyen), il se retrouve dos au mur ! Conséquence : l’abandon.

Et dire que les frais de scolarité annuels de ces écoles supérieures d’un type nouveau, se situent, au bas mot, dans la fourchette des 800 000 à 1 500 000 Fcfa (en moyenne, puisqu’ils varient selon les spécialités et les années d’études).

Quid de l’agrément de l’Etat ?

Il faut également se poser la question sur les agréments que l’Etat, à travers le ministère des Enseignements Secondaire Supérieur et de la Recherche Scientifique, délivre à ces… “universités spontanées” (selon l’expression d’un sociologue, commentant le phénomène).

On s’étonne que, du jour au lendemain, des villas précédemment habitées soient transformées en locaux d’une école supérieure, pouvant délivrer des DUT, des Licences, Masters et Doctorats, etc.

Certes, l’histoire de cette “génération spontanée” d’écoles et instituts supérieurs, est très fortement liée à la crise que connaît la plupart des universités classiques. Cependant, il faut déplorer le fait que, bien d’enseignants de cette université sont devenus aujourd’hui, les « hauts cadres », les « experts » de ces écoles supérieures privées, au mépris de toute conscience professionnelle.

Ils sont en effet nombreux, les professeurs, maîtres de conférence, maître assistants, simples assistants de cours et chercheurs, à déserter les amphithéâtres de l’université de Bamako, pour raison de grève (provoquée), afin d’aller dispenser des cours, dans telle ou telle université privée.

Car, selon ces acteurs, la paye est plus intéressante ici que là-bas : l’heure de cours magistral serait dans la fourchette de 7 000 à 10 000 Fcfa, alors que l’heure de travaux dirigés (TD) et ou de travaux pratiques (TP) serait dans les 5 000 ou 6 000 Fcfa.

Voilà comment la recherche effrénée du gain (en espèces sonnantes et trébuchantes), a fini par “tuer” toute conscience professionnelle chez nos enseignants du supérieur.

Dans cette circonstance, que deviennent la vocation de l’enseignant, le sacerdoce de la pédagogie ? Nul ne le sait.

 

Malick Camara  

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