Le drame que vit l’école malienne ne semble toucher que très faiblement la conscience de nos concitoyens. Cela malgré le fait que chaque chef de famille, chaque mère et chaque père, constatait pourtant jusque chez lui, la présence prolongée et anormale de ses progénitures aux heures de cours.
Cette année on démarre avec moins de perturbations et, s’il est vrai que c’est pendant ces moments de relatives accalmies que les réflexions doivent se mener, pour nous éviter de revivre l’abandon des classes et l’oisiveté interminable, force est de reconnaître que le débat n’existe plus. Quand tout est légitime, quand la thèse autant que l’antithèse sont justes à nos yeux c’est qu’on s’est trompé dans l’observation. Et dans ce pays les gens n’admettent jamais qu’ils se soient trompés. Et quand ils sont coincés par l’évidence et l’absolu irréfutables, ils tombent dans l’orgueil du jusqu’au-boutisme et du stoïcisme stérile. Et depuis un certain temps et avant même que Habib Koité ne le chante, l’enfant est devenu roi et même dictateur. On évite de le bousculer, on a honte de le reprendre devant l’œil du « méchant voisin » qui verrait en cette réprimande, le ça-ne-va-pas de la famille dont il pourra faire le sujet de ses causeries dans le grin. Les enseignants sont démystifiés, parce qu’on partage avec eux les mégots de cigarettes, quelques billets de CFA et parfois même les petites amies. L’administration est discréditée parce que trop souvent ne pouvant de façon autonome répondre aux revendications locales, lorgnant du côté du département de tutelle qui n’a que des mots et rien que des mots. Le pouvoir politique est coincé parce que tirant sa légitimité de mars 91, à la fois cause et objectif du soulèvement scolaire jadis salutaire et aujourd’hui encombrant. Le plus grand mal est que de nos jours, l’école malienne n’en est plus une. Elle est devenue un organe gangrené que l’on traîne avec soi sans pouvoir se résoudre à l’amputer. Le niveau qui baissait avant, n’existe même plus de nos jours. Les élèves et étudiants font semblant d’étudier, les enseignants font semblant d’enseigner et l’administration fait semblant d’appuyer et d’arbitrer. Tout ce cirque se moque de la République et de l’avenir dans une symphonie d’insouciance et de compromission. L’école pour les pouvoirs successifs est devenue des emmerdes. Depuis que les étudiants ont eu raison du pouvoir de l’UDPM et que leurs nouveaux compagnons ont voulu les prendre pour les dupes, les dindons de la farce. Vingt ans après la rue scolaire et universitaire continue encore. Le forum, le fameux forum n’a pas changé grand-chose. Il n’a, d’ailleurs, rien changé sinon que de supprimer le CEP. Inutile et même nuisible décision. Le CEP est au DEF ce que l’entraînement est la compétition, il forge en l’enfant l’esprit de compétitivité et le prépare au caractère grave et solennel de l’examen. Le forum a été celui des grands esprits dont la vision est à des années lumières de notre école d’aujourd’hui. Tout l’idéal développé à travers les communications de ces grands professeurs et savant est bien beau, mais cela devrait permettre à ceux pour qui il est conçu de pouvoir suivre dans la réalité quotidienne. C’est le fossé de la compréhension qui est le plus grand handicap. C’est un objectif nous dira-t-on, alors l’école doit-elle cesser d’exister entre-temps ? Mais le plus grand problème de l’école c’est le manque de transparence dans la gestion des ressources financière allouées à elle. C’est aussi un train de vie opulent pour l’administration et qui ne change pas quelques soient les problèmes. Une vache laitière pour le sommet et une jatte vide pour les travailleurs à la base. C’est aussi l’incivisme qui compromet les chances de cohésion et la sauvegarde des acquis. L’école malienne a perdu son âme et est devenue un jeu de cache-cache où chacun se démerde pour tirer son épingle du jeu, quitte à piétiner les vertus du bon résultat ou d’amour de la patrie. La qualité de l’enseignement, la bonne moralité, la conduite exemplaire et la sauvegarde des valeurs, semblent être un lointain souvenir, un résultat jusqu’ici impossible à atteindre.
Cependant l’espoir est permis et il viendra certainement de là où on s’y attend le moins. C’est-à-dire des corporatismes réunis sous le vocable « Partenaires de l’école ». Le Secrétaire général de l’AEEM, Hammadoun Traoré laissait entendre que ses militants veulent désormais donner « l’image de gens normaux ». Traduisez : une image ordinaire de l’étudiant ou de l’élève conscient de ses devoirs et ayant renoncé à la violence et aux sorties intempestives comme méthode de lutte. Du côté des enseignants ça bouge aussi. Ces évolutions positives sont pourtant fragiles et la prise de conscience doit être soutenue par des mesures d’accompagnement. Notamment la formation syndicale qui doit permettre aux différents groupements d’acquérir des stratégies alternatives de revendication, en lieu et place des grèves sauvages ou de la violence. En ce début d’année scolaire et universitaire, le Gouvernement serai bien inspiré de trouver un créneau pour prendre langue avec les différents partenaires pour faire un diagnostic clair de ce que sont les forces et les faiblesse du système pour avoir une année différente de celle qu’on a connu précédemment. Faire le point des diverses situations et ne pas attendre que le premier coup de colère tombe pour se précipiter vainement et se perdre en conjectures. Créer le cadre du dialogue en amont, réfléchir aux solutions et se préparer avant d’avoir le couteau sous la gorge. Tout ça, en oubliant pour un instant, le décor frais et paradisiaque des bureaux pour se pencher sur la misère quotidienne des acteurs sur le terrain. L’espoir c’est aussi la volonté d’ATT de ne pas baisser les bras et de s’inviter dans le débat chaque fois qu’il est nécessaire. C’est à ce prix, celui de l’anticipation et du suivi que notre école retrouvera sa fierté d’antan et abandonnera à jamais le chemin de perdition.
Karim FOMBA