Depuis plusieurs semaines, tous les ordres d’enseignement de la ville de Gao, et même au-delà, ont repris les cours, malgré le trait rouge que les autorités de Bamako ont tiré sur toute la région et surtout le manque de moyens, criard.
Lundi 1er octobre 2102. Pendant que les élèves des lycées reprenaient le chemin de l’école à Bamako, ceux de Gao en faisaient autant. A l’heure de la récréation, nous nous sommes rendus dans l’une des nombreuses écoles déjà fonctionnelles. A l’entrée de l’établissement, un monde fou et des vendeuses de petits amuse-gueule pour les écoliers. On en aurait, le temps de regarder à gauche et à droite, oublié qu’on était dans le fief des Islamistes du MUJAO. Mais, les Hijabs des écolières nous l’ont très vite rappelé.
A l’intérieur de la cour, une future élève de 9ème Année. Elle nous explique, dans un français très limpide que «les cours n’ont pas encore débuté en 9ème Année, car, à Bamako, les autorités veulent que les élèvent des 9èmes et du lycée aillent à Sévaré pour passer le DEF, le Bac, le CAP et le BT». Elle s’étonne: «pourquoi, quand les balles sifflaient à Gao, on n’a pas demandé aux élèves de cesser les cours?».
La même question est posée par un groupe d’élèves que nous rencontrons à l’Ecole de Gao 5. Ils sont de différents ordres d’enseignement et doivent passer des examens de fin de cycle. La trentaine de jeunes, filles et garçons, qui nous accueillent n’est pas seulement originaire de Gao. «Il y en a qui ont fait un repli tactique de Kidal, d’Ansongo ou de Ménaka», nous lance ironiquement Alhousseini Diarra, précédemment élève en Terminale au Lycée Attaher de Kidal, section Langue et Littérature. Et de Kidal, apprend-on, sont venus plus de 130 lycéens comme lui. Ces jeunes n’ont pas encore de porte-parole pour revendiquer leur volonté de vouloir «passer les examens à Gao», mais ils répètent en chœur la même chose: «pendant les événements, nous étions en classe. Aujourd’hui, on veut nous amener à Sévaré pour les examens. Tant que Tombouctou, Gao et Kidal restent en République du Mali, nous resterons ici pour passer nos examens». Très remontés, les élèves nous confient que «c’est le MUJAO qui a fourni, avant la rentrée, du matériel didactique aux différentes écoles».
Dans la cour du Centre d’Animation Pédagogique (CAP) de Gao, sous un hangar, quelques cadres de l’éducation de Gao échangent autour des différents sujets de l’heure. Le plus brûlant est l’organisation des examens de fin de cycle à Sévaré ou plutôt «au Sud», comme on le dit ici.
Cette décision du gouvernement étonne même certains responsables. Et la Directrice Adjointe du CAP de Gao depuis 2009, Mme Touré Ouleymatou Maïga, elle non plus, ne la comprend pas: «nous avons été très inquiets d’apprendre que les examens doivent aller se dérouler au Sud. Quand on était encore en classe, les balles crépitaient. Ces Islamistes n’ont rien à voir avec l’école. Ils ne sont jamais venus regarder l’intérieur des classes, ils ne se sont jamais présentés pour discuter de la question de l’école. Je crois fermement que nous pouvons bien faire les examens ici, et sans problème. Nous avons fait savoir au gouvernement que les Islamistes nous ont affirmé qu’ils sont même prêts à sécuriser les examens. Il suffit de les informer de la date. C’est tout. Bamako a fait la sourde oreille et campe sur sa position».
Lors de notre entretien avec Mme Touré, nous avons appris que Bamako avait non seulement demandé la délocalisation des examens, mais surtout refusé que les candidats libres composent. «Nous ne sommes pas d’accord avec toutes ces décisions. Les candidats libres d’autres régions ont composé, pourquoi pas les nôtres?» a martelé le Professeur principal d’enseignement.
Par ailleurs, plusieurs sources concordantes ont relevé le travail d’intoxication effectué par certains cadres de l’Académie de Gao auprès de Bamako, notamment le Directeur Adjoint, Abdoulaye Alassane Maïga. Ce dernier, que nous avons tenté de joindre, n’a pas répondu à nos sollicitations. Il a quand même eu le courage de retourner dans son Gao natal, pendant 48 heures, pour vérifier si ses allégations étaient fondées ou non. La réponse lui a été donnée grandeur nature.
Pour ceux qui ne le savent pas, le CAP de Gao ne bénéficie plus de crédits de fonctionnement. Pour tout outil de travail, il n’y a qu’un ordinateur portable, que Mme Touré a récupéré avant la grande casse perpétrée par les combattants du MNLA. Pendant la courte visite que nous avons effectuée au CAP, nous avons constaté que même les fils électriques avaient été sectionnés. De la structure, il ne reste que les quatre murs. Résultat: les techniciens de l’enseignement dans la Cité des Askias doivent mettre la main à la poche pour faire fonctionner le CAP. A moins que le Cadre de concertation ou certaines bonnes volontés ne volent à son secours.
Au-delà de toutes ces rencontres et des témoignages que nous avons recueillis sur place, il faut retenir que, sans vouloir le dire tout haut, Bamako a tout simplement rayé les trois régions Nord du Mali de sa carte scolaire. Même si le discours ridicule des politiques feint toujours de dire le contraire.
Paul Mben, Envoyé spécial
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S’il vous plaît quelqu’un de GAO peut il faire des commentaires sur la véracité de cet article?
Ok on ne compose pas avec l’ennemi mais on doit aider ceux de nôtres sur place. C’est le sens de toute gouvernance même en période de transition.
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