«Il nous faut être de vrais patriotes car pour nous actuellement le patriotisme signifie l’attachement héroïque à la lutte contre les divisions internes qui font tant de méfaits ailleurs.» (Mahamane Alassane Diarra, président de l’Assemblée nationale sous la première République).
La crise endémique que vit l’école malienne depuis des décennies se poursuit aujourd’hui de plus belle. Selon bien d’observateurs de la scène politique nationale, il ne pouvait en être autrement au regard de la gestion que les prétendus démocrates en ont faite après la chute du régime oppresseur du général Moussa Traoré. Loin de nous l’idée que la crise de l’école malienne a débuté avec la troisième République, il faut dire que les démocrates maliens avaient chanté sur tous les toits qu’ils travailleront à fonder un nouvel espoir en notre système éducatif national. Ce gage, les démocrates ne pouvaient pas ne pas le déclarer s’ils voulaient apparaître crédibles aux yeux de notre peuple qui a sacrifié bien de ses filles et fils pour que l’école malienne redevienne ce qu’elle était sous le régime nationaliste de Modibo Keïta.
En rappel, disons que le régime insouciant de Moussa Traoré a semé les graines de la déconfiture de l’école malienne et pour cause:
– Moussa Traoré a maintenu le monde enseignant dans une précarité indescriptible en refusant de payer les salaires pendant des mois. Curieusement, c’est pendant ces mois de désastre salarial que le général Moussa Traoré exigeait la bonne qualité de l’enseignement. Ainsi, avait-il menacé de sanction ceux qui ne feront pas bien leur boulot. En tout cas, il a grandement ouvert la porte de sortie de la fonction publique à tous ceux qui ne peuvent pas travailler sans salaire. Après avoir assigné l’école dans le giron du programme d’ajustement structurel (PAS), la liquidation de l’école dont notre peuple était fier est lancée. La fermeture des classes pour deux (02) longues années scolaires (1981- 1982) a porté un coup très dur au moral des élèves et étudiants du Mali.
La suite, on la connaît: les internats qui permettaient aux enfants de pauvres d’étudier tranquillement ont été fermés. Une répression du monde enseignant a été entreprise avec joie par les sbires du régime. Toute la nation malienne s’est rendue à l’évidence qu’il fallait engager la bataille contre le régime apatride du généra Moussa Traoré. Il a craqué, le 26 mars 1991, laissant derrière lui ruines et désolation pour l’école malienne. Un espoir qui sera de courte durée a galvanisé notre peuple. Mais c’était sans compter avec la haute trahison des démocrates !
Pour tromper notre peuple, la 3ème République avec Alpha Oumar Konaré s’est livré à sa pédagogie des innovations pédagogiques. Le président Konaré a engagé sa politique de ‘’diviser pour régner’’. C’est ainsi qu’il a œuvré à disloquer le monde politique et scolaire. La suite n’a échappé à personne: la politique politicienne a germé et fleuri dans l’espace scolaire.
Pendant dix (10) longues année, l’école malienne s’est empêtrée dans les grèves des élèves et des étudiants et dans les querelles de clocher de politiciens malhonnêtes et démagogues. Pour achever son second mandat, son régime a travaillé à disloquer les syndicats d’enseignants. Ceux- ci se sont rendus à l’évidence qu’il faut s’unir pour gagner les batailles.
La suite, on la connaît: la graine des revendications scolaires a donné des fruits avec Amadou Toumani Touré (ATT). C’était désormais peu de dire que ATT n’avait pas intérêt dans l’accalmie et la marche féconde de notre système éducatif national. Les enseignants ont pris le relais des scolaires sur le terrain des grèves. Et depuis, on ne parle plus d’année normale pour ceux qui aiment tant soit peu l’école malienne. Depuis bientôt quinze (15) ans, le système éducatif malien s’est confortablement installé avec à la clé le «sauvetage de l’année scolaire». Une façon de dire qu’au lieu de chercher à sauver l’école malienne de son naufrage, les autorités maliennes se sont accommodées de cette gestion calamiteuse de nos affaires scolaires. Pendant ce temps, les innovations pédagogiques se sont logées en terrain conquis. Cette situation n’est pas pour redonner confiance à l’école malienne et donc à notre peuple travailleur.
Ainsi, l’État malien a fabriqué une race d’enseignants qui a jeté à la poubelle la célèbre conception selon laquelle «l’enseignement est un sacerdoce et qu’on n’y vient pas pour être riche.» Qui dit donc que l’écrasante majorité de nos enseignants sont venus à l’enseignement par vocation ! Dans bien de cas, c’est pour fuir la galère du chômage que les gens vont vers les écoles de formation des professeurs et des maîtres.
De ceux- ci, l’on ne peut attendre qu’ils se sacrifient pour l’école qui les a formés: il faut gagner l’argent même si les enfants doivent être sacrifiés. Il est donc illusoire que ce type d’enseignants accorde le moindre intérêt, prête une oreille attentive à ce sage conseil du président de l’Assemblée nationale de la première République en la personne de M. Mahamane Alassane Haïdara.
Celui- ci disait: «Il nous faut être de vrais patriotes car pour nous actuellement le patriotisme signifie l’attachement héroïque à la lutte contre les divisions internes qui font tant de méfaits ailleurs.»
Le gouvernement de Boubou Cissé, voulant sauver l’année scolaire 2019- 2020, a entrepris la mise en application de son plan «B» face à l’intransigeance des syndicats signataires du 15 octobre 2016. Il s’agit du recours au service des enseignants volontaires. Ce plan «B» va-t-il réussir ? C’est le temps qui le dira.
Pour le moment, l’État semble déterminé à sauver l’année par le recours aux volontaires. Mais au moment où la désillusion devait s’attaquer aux indécis quant à la réussite du plan «B», voilà le coronavirus se mêler de la danse. Les écoles ont été fermées pour trois (03) semaines (du 19 mars au 9 avril 2020). Pendant que l’on se posait la question de savoir si les classes reprendront le jeudi 9 avril courant, voilà le communiqué du gouvernement prolonger cette fermeture d’un mois. Cette seconde fermeture prendra fin le 9 mai. Pour fait donc de coronavirus, les établissements scolaires publics comme privés resteront fermés pendant ce temps.
D’ici là, le gouvernement va-t-il prendre les mesures nécessaires pour sauver l’année à défaut de sauver définitivement l’école malienne ? Wait and see ! À défaut de donner une réponse immédiate à cette question, l’on peut se contenter de rappeler que par le passé, le gouvernement du Mali, n’a pas coutume de mettre à profit les temps morts comme les vacances pour entreprendre de nouveaux départs pour qu’enfin l’école sorte du bourbier orchestré par les ‘’démocrates’’ maliens. C’est pourquoi, chaque année, nous assistons aux mêmes situations de troubles. Dans ces conditions, tout le monde prend goût au chômage, à l’assèchement des cours (enseignants comme apprenants).
En tout état de cause, si les cours doivent reprendre, l’État doit enfin s’assumer car l’avenir des enfants en dépend pour une large part. Il est inimaginable que le gouvernement sollicite le concours des enseignants volontaires et que ceux-ci soient violentés dans des écoles sans la moindre réaction officielle des autorités ! C’est curieux ! Après le temps de fermeture des classes pour fait de COVID-19, l’État sévira-t-il pour remettre les pendules à l’heure ou alors s’enfermera-t-il dans le laxisme pour continuer à piétiner le droit inaliénable des enfants à l’éducation ? Le temps nous édifiera !
Le président de l’Assemblée nationale, Issaka Sidibé, agacé comme tout bon Malien, par le chômage de l’école et le bricolage des fins d’année scolaire, a dit en substance au nom de son institution d’abord à l’adresse des enseignants grévistes que la grève est un droit pour eux mais qu’ils comprennent aussi que l’éducation est un droit légitime pour les enfants et qu’on ne peut indéfiniment piétiner ce droit. Au gouvernement de Boubou Cissé, Issaka Sidibé a dit qu’il doit engager des discussions fructueuses pour que ce cycle de grèves soit définitivement derrière nous.
En tout état de cause, le Mali ne mérite nullement ce blocage de son système éducatif national pour quelques motifs qu’ils soient car, l’avenir de la nation ce sont les enfants dont on met entre parenthèses le droit à l’éducation.
Pour l’instant, l’on peut se demander de quoi sera faite l’école malienne après le coronavirus. Que Dieu protège nos enfants contre le COVID-19. Il reste à savoir si l’enseignement en ligne entamé pourrait réussir à souhait à cause de bien de problèmes relatifs à l’organisation de la vie dans nos familles et à la modicité de leurs moyens notamment dans les coins et recoins du Mali.
Mais comme le dirait l’autre «à cœur vaillant, rien d’impossible !». Pourvu que la course à l’intérêt privé ne vienne pas encore se mêler des mesures de sauvetage de l’année ! Pourvu que l’on mette enfin l’école malienne au-dessus des intérêts cupides et partisans!
Fodé KEITA