Des années blanches et des examens constamment retardés. Comme si cela ne suffisait pas, la « colline du savoir » rappelle de plus en plus un champ de bataille au sens réel du mot, avec tout son lot de blessés graves et de dégâts matériels. Décidément, l’Association des élèves et étudiants du Mali est devenue une sorte d’Etat dans l’Etat.
Intouchable ? Tout laisse à le croire. L’absence d’une ferme décision du gouvernement semblerait le confirmer. Ce n’est pas, en effet, la première fois que des affrontements armés se produisent dans le milieu estudiantin malien sans punitions effectives des fautifs. Les rivalités entre des groupuscules au sein de l’AEEM font régulièrement la « une » des médias nationaux, car elles se tranchent à coup de couteaux et de tirs de pistolets, sous le regard étonné du public bamakois. Ce qui fâche ou déçoit le plus dans cette histoire, c’est qu’il s’agit bien de jeunes gens supposés être « la couche éclairée » de notre pays, le fleuron de la nation. Ceux en qui le Mali fonde son espoir et devra confier son avenir. Imaginez-vous demain de hauts cadres de la fonction publique dont presque tout le savoir acquis au cours des années études n’est que celui d’avoir bien appris à manipuler une arme ?
La situation actuelle qui prévaut dans le milieu universitaire malien doit inquiéter plus d’un, surtout nos dirigeants, si ne voulons pas avoir de futurs ministres et chefs de partis politiques déjà habitués à l’odeur du sang ! Comment pourra-t-on mener une simple discussion avec des personnes qui ignorent tout d’un débat d’idées, qui estiment que toute rivalité ne peut trouver sa résolution que par des méthodes moyenâgeuses ?
L’école malienne est indubitablement malade. Les causes sont connues de tous ; c’est le remède qui manque. Plutôt, la volonté.
En 1991, l’AEEM fut l’un des acteurs principaux de la chute du régime du Général Moussa Traoré. Au sein de la Transition dirigée à l’époque par ATT, l’association était représentée, afin de faire participer toutes les couches sociales à la marche vers la démocratie. Depuis cette époque, L’AEEM dont certains hommes politiques se seraient servis pour atteindre leurs buts voilés, savoir celui du renversement de GMT, s’est transformée en une sorte de « parti politique », d’organe supranational. Des relations douteuses ne seraient-elles pas nouées entre l’Association et le haut sommet de la direction du pays ? Pour preuve : les revendications des élèves et étudiants du Mali sont les mêmes aujourd’hui qu’il y a presque une vingtaine d’années. Entre temps, les villas luxueuses poussent à Bamako comme des champignons, les grosses cylindrées éclaboussent les policiers à leur passage
Appelons les choses par leurs noms : soit par négligence, par complicité dirai-je même ou soit par démission tout simplement, le gouvernement feignait de ne pas voir le dérapage qui s’amorçait. Peu à peu, la violence s’installait au sein de L’AEEM. Car cela est devenu une grande habitude au Mali que celui qui dispose de « petites relations en haut» se prend pour un Pacha capable de fouler aux pieds nos Lois sans encourir le moindre risque de représailles. Ainsi, pour des questions banales d’élection des membres du comité AEEM, pour la gestion des affaires des internats et je ne sais quoi d’autre, nous assistons régulièrement à des scènes d’animosité à la suite desquelles plusieurs blessés graves sont dénombrés. Les couteaux, machettes, pierres, voire armes à feu sont les seuls « arguments démocratiques » pour régler des litiges entre jeunes. Sous la barbe des autorités qui ne daignent pas prendre des mesures effectives pour y mettre le holà une fois pour toute. Comment expliquer alors cette attitude de nos hommes politiques ? Par le fait de permettre un laisser-faire dans le but de ne pas satisfaire les doléances des élèves ou par des liaisons douteuses ?
Pendant que « les doctes » de l’AEEM se soucient du partage du gâteau au lieu de songer réellement à trouver une solution au calvaire que connait l’école malienne, des étudiants et élèves maliens sont obligés à la prostitution ou à des actes de vol afin de pouvoir subvenir à leurs menus besoins. Nous entrons ainsi donc dans le cycle infernal de production d’éléments perdus à priori. Aujourd’hui nous dépensons des milliards pour leur éducation, demain nous serions dans l’obligation d’en dépenser le double pour les « rééduquer » dans les prisons! Ridicule, n’est-ce pas ?
Si une solution appropriée n’est pas obtenue dans les meilleurs délais, cette situation de violence pourrait s’élargir dans le futur aux élections municipales, législatives ou présidentielles, à la façon nigériane. Car l’impunité entraine l’audace démesurée ! Par conséquent, une image négative de notre pays serait constamment véhiculée partout, au grand plaisir des médias occidentaux
Un bref constat nous jette à la face toutes les amères réalités de l’école malienne : baisse considérable du niveau scolaire, notes sexuellement transmissibles, sujets d’examen vendus tels des beignets au marché Dibida, pléthore d’établissements privés dont nul n’exerce le contrôle effectif des activités. Notre école, c’est-à-dire l’avenir des enfants et des jeunes, est devenue un business lucratif gangrené de magouille. Comment parler de développement dans ce cas et où va le Mali ?
Les violences dont nous sommes témoins sont de nature à enfoncer les derniers clous au « cercueil » de nos établissements scolaires. Dans un Mali démocratique, il ne doit y avoir point de place à pareilles scènes odieuses ! De surcroit, certains étudiants s’imaginent être des ministres déjà
Notre silence est complice. Il est urgent qu’un sérieux débat national soit lancé sur le sujet et qu’une commission ad hoc soit créée en vue d’analyser, de trouver des solutions adéquates au malaise qui ronge notre école. De définir les parts de responsabilités et de détecter les racines du mal. Aucun parti politique ou association ne doit tenter de tirer des dividendes de cette situation. Nous nous devons de la gérer ensemble dans les intérêts suprêmes de la Nation. Le gouvernement du Mali doit faire preuve de fermeté pour instaurer la discipline, le respect de l’ordre social et de la subordination. Quitte à dissoudre cette AEEM, à la faire remplacer par une autre structure beaucoup plus compétente. Un élève est un élève, un ministre est un ministre. Pour reprendre l’expression à juste titre de GMT, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
La jeunesse est semblable à l’argile : il faut la modeler pendant qu’elle est molle, pour lui donner la forme souhaitée. Alors si violence il y a dans nos campus, c’est parce que nous l’avons voulue ! Les conséquences les plus fâcheuses ne tarderont pas à venir.
Kénédugufama, Fédération de Russie.