Présent à Bamako pour participer au Symposium malien des sciences appliquées, le plus grand physicien au monde, Pr. Diola Bagayogo, Distingué de physique à l’Université du Sud dans l’Etat de la Louisiane aux USA a bien voulu nous accorder cette interview. Il nous parle, entre autres, de ses découvertes, ses publications, ses ambitions et porte un regard critique sur la recherche scientifique dans son pays, le Mali.
Les Echos : Quelles sont les raisons de votre visite à Bamako ?
Pr. Diola Bagayogo : Je suis là pour deux choses. La première consiste à faire de la recherche avec mes collègues et particulièrement avec M. Sangaré, qui est un étudiant en thèse de doctorat que je co-dirige avec le Pr. Komekan Konaté. La deuxième raison, c’est de participer à la conférence sur le « symposium malien des sciences appliquées » qui se tiendra du 30 juillet au 3 août. Elle est organisée par un groupe de jeunes expatriés et certains locaux.
Les Echos : Quelle appréciation faites-vous de la recherche scientifique au Mali ?
D. B. : Le niveau de la recherche au Mali est bas pour des raisons très simples : il n’y a pas d’investissements suffisants en recherche. Bien que le niveau soit bas et bien que beaucoup ne soit pas engagé dans la recherche, cela ne veut pas dire que nous n’avons pas quelques points brillants. Nous avons le cas du Pr. Ogobara et ses collègues à l’Ecole de médecine, le Pr. Bretodeau à l’IPR de Katibougou et le très jeune Ousmane Koïta à la Faculté des sciences et techniques dont le laboratoire de biologie moléculaire n’est second à aucun autre que je connais y compris ceux que j’ai visités aux USA. Le problème est qu’il nous faut beaucoup plus de points brillants pour pouvoir engager beaucoup plus d’étudiants et de chercheurs de façon à traduire les connaissances, les savoir-faire en des processus qui affectent la condition humaine. C’est d’ailleurs de cela que je vais parler pendant la session de la conférence. Mon sujet sera « Inventer un avenir meilleur ». Je vais jeter un défi aux Maliens, le président, les élèves, les journalistes, tout le monde.
Les Echos : Et en quoi consiste ce défi ?
D. B. : Il s’agit de demander un avenir meilleur et la feuille de route pour le faire est dans ce document que je détiens (Ndrl : il nous montre le document intitulé Inventer un avenir meilleur). Tout y est détaillé et les médias ont pour mission essentielle de sensibiliser l’opinion publique aux enjeux de la science et de la technologie.
Les Echos : Aujourd’hui, les élèves ont tendance à s’orienter vers les filières littéraires au détriment des filières scientifiques. Qu’est-ce qui explique cela, selon vous ?
D. B. : Ce sont les adultes qui ont créé cette situation et c’est l’une des situations les plus graves. Il faut qu’on la corrige rapidement. Le problème est le suivant : les élèves peuvent faire tous l’école de mathématiques s’ils veulent, mais on ne leur expose pas suffisamment les sciences, ce qu’on leur apprend est généralement adéquat jusqu’à la 9e année. A partir de là, on oriente des gens au lycée et 80 % vont dans les séries non scientifiques. C’est le gouvernement qui le fait ainsi que les parents d’élèves. Et c’est là que se trouve l’erreur grossière. Parce que, une fois que vous passez 3 ans de lycée dans une série non scientifique, vous êtes coupés de la mathématique qui est nécessaire pour absorber la science et la technologie à des niveaux compliqués. Ça n’a rien à voir avec votre intelligence.
Les Echos : Où en est-on avec votre projet de création d’une école des sciences et des technologies ?
D. B. : Ce plan n’est pas encore étoffé. Le plus grand problème reste celui du financement. Une fois que cela est acquis, le reste n’est pas un problème parce que en matière de curriculum, de cursus, d’éducation, nous avons tout en place. Nous avons aussi développé des techniques globales d’enseignement qui sont telles que nous faisons d’un génie, n’importe qui.
J’aimerai particulièrement avoir un tel établissement au niveau du lycée où je vais prendre des tas d’élèves qui, à la fin du lycée, vont tous passer avec mention, pas passable, mais très bien. Les mathématiques sont les disciplines les plus faciles au monde, la 2e la plus facile, c’est la physique, les sciences sociales où le nombre de variable est pratiquement infini sont les disciplines les plus difficiles. Seulement, les mathématiques ont une logique interne qui ne pardonne pas, alors n’essaye pas d’apprendre « B » sans connaître « A ». Il faut lire les livres, faire des exercices, c’est tout.
Les Echos : Les élèves maliens sont confrontés à de sérieux problèmes : pas de bibliothèques assez fournies, pas de laboratoires bien équipés …
D. B. : Le problème du livre peut être résolu facilement, on n’a qu’à investir un tout peu plus seulement et de former des équipes locales qui vont écrire des livres. Les équipements sont une autre chose. Il y en a qui sont extrêmement complexes et compliqués, il faut une base industrielle pour les construire. Aujourd’hui, très peu sont les pièces d’équipement qui ne peuvent pas être simulées sur l’ordinateur. Donc, on peut faire des expériences virtuelles dans pratiquement tous les domaines.
Les Echos : Votre ambition pour votre pays ?
D. B. : Que le Mali se mette à la tâche ! Il est temps que l’on comprenne qu’il nous faut développer une politique générale de sciences et de technologies en matière d’éducation et de recherche afin de lancer ce pays dans la direction d’un développement garanti. Sans cela, on ne s’en sortira pas et on n’avancera pas. Quand je vois certains, dire qu’il y a des maladies, que les gens ont faim, qu’il n’y a pas de routes… ce raisonnement tordu là, ce qu’il oublie, c’est que ces maladies, cette faim et tous ces problèmes ne peuvent être résolus que par la recherche.
La question est de savoir si nous voulons maintenant commencer à acquérir ces connaissances et à faire une partie de cette recherche afin d’obtenir des résultats de plus en plus avancés en matière d’application ou si nous voulons croiser les bras et dire que les autres vont venir de l’Europe, résoudre nos problèmes.
Les Echos : Parlez-nous de vos publications ?
D. B. : En ce moment, j’ai plus de 120 publications dans 2 domaines principaux : la physique (propriétés atomiques des matériaux…) et l’éducation, l’encadrement et l’instruction. Près de 40 de mes œuvres ont trait à ces domaines. D’autres décrivent comment enseigner la trigonométrie, la méthode Bagayoko Zao et William (BZW) qui a résolu un problème de la création de la mécanique quantique en 1998, ce problème avait bloqué pas mal de prix Nobel. C’est pourquoi, l’Université de Pékin m’a fait appel pour aller leur expliquer ça. Et pendant que le reste du monde est en train d’appliquer cette découverte faite par un Malien à la tête de l’équipe, nous, on est là.
Les Echos : Un appel aux élèves, professeurs et parents d’élèves ?
D. B. : Oui, il faut qu’on se mette au travail. D’abord pour comprendre que n’importe qui peut maîtriser les connaissances qu’on enseigne dans nos écoles jusqu’au niveau du bac et cela dans toutes les disciplines.
Propos recueillis par
Sidiki Y. Dembélé
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