Cette année aussi, c’est la DNFPP qui organise le concours d’entrée à la fonction publique alors qu’un Centre national des concours de la fonction publique est créé depuis des lustres. Selon notre enquête, il semble que cette structure n’est pas encore opérationnelle. Où sont donc passées les dizaines de millions mobilisées et décaissées pour ce faire ?
Du 17 au 24 septembre se dérouleront les concours d’intégration à la fonction publique, cuvée 2011. Ces concours sont organisés pour la deuxième année consécutive par la Direction Nationale de la Fonction Publique et du Personnel (DNFPP), une structure qui a officiellement été dessaisie au profit du Centre National des Concours de la Fonction Publique (CNCFP) placé sous la tutelle du Ministère du Travail et de la Fonction Publique (MTFP). Or, deux ans après sa création, ce Centre n’est toujours pas fonctionnel et opérationnel, même si pratiquement tout son personnel a été nommé et installé. De fait, le Centre serait confronté à plusieurs difficultés matérielles. Selon certaines indiscrétions, il ne disposerait à ce jour que de quatre ordinateurs PC, cinq tables-bureaux et quelques bricoles. Tout sauf l’essentiel pour organiser des concours de cette envergure.
Des sources indiquent que pourtant une somme assez importante, 50 millions de FCFA, a été décaissée sur 100 millions de FCFA mobilisés, pour équiper le Centre. D’où cette seule question qui s’impose au vu du quasi-dénuement dans lequel se trouve le CNCFP : à quoi ont réellement été destinés ces dizaines de millions décaissés du Trésor public ? Pour l’heure, seul le Ministre du Travail et de la Fonction Publique, Abdoul Wahab Berthé, pourrait répondre à cette question. Et peut-être, également, son ancien Directeur des finances et du matériel avec lequel il milite dans le même parti, l’URD.
50 millions portés disparus
En plus de ces importantes sommes miraculeusement volatilisées dont personne d’autre ne connaît la vraie destination, tout porte à croire que la gestion de ce département ministériel aurait subi et continuerait de subir beaucoup d’autres irrégularités et indisciplines budgétaires. D’ailleurs, dans son dernier rapport, la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA) a épinglé la Direction des Finances et du Matériel (DFM) du Ministère du Travail et de la Fonction Publique. Un Ministère qui, selon plusieurs observateurs, n’aurait jamais dû connaître le triste sort qui est le sien depuis quelques années. Depuis, précisément, l’arrivée d’Abdoul Wahab Berthé à sa tête.
En effet, il est difficile de comprendre que ce haut cadre de l’Etat, réputé être un juriste émérite, un homme de loi, se distingue par des violations continues des textes en vigueur. Pour rappel, le Centre national des concours de la fonction publique a été créé depuis 2009, en même temps que les DFM et des Directions des Ressources Humaines (DRH). Il aurait été créé justement à l’instigation d’Abdoul Wahab Berthé, contre toute attente et en dépit de la désapprobation quasi-générale des vrais techniciens de la fonction publique qui le jugeaient inopportun. Pour plusieurs raisons.
En premier lieu, jusque là, les concours d’intégration dans la fonction publique étaient organisés par la DNFPP qui s’est toujours acquittée de cette tâche sans contestation majeure. Pour une plus totale transparence, la DNFPP a toujours pris soin d’associer différentes structures, notamment l’ADIDE (Association des Demandeurs et Initiateurs d’Emploi), à toutes les étapes : préparation, déroulement, correction, délibération et proclamation des résultats. Il n’y avait jamais eu de contestation jusqu’à ce que le Ministre Berthé, sans aucune raison valable, décide de transporter la correction dans les bureaux de son Cabinet. Alors bonjour les dégâts, les contestations, la suspicion, la méfiance et la défiance.
Un CNCFP jugé inopportun
La deuxième raison pour laquelle les vrais techniciens de la fonction publique et du renouveau de l’administration ne veulent pas d’un CNCFP, c’est qu’avec la création des DRH et le recentrage de leurs missions, la gestion du personnel doit leur être transférée. Rattachées aux différents départements ministériels, les DRH sont les mieux indiquées pour déterminer leurs besoins respectifs en termes de recrutements, de formations, de perfectionnements et de mutations.
Une troisième raison pour laquelle les vrais techniciens de la fonction publique et les cadres soucieux de la bonne gestion et de la sauvegarde des maigres fonds publics ne veulent pas d’un CNCFP est que cette structure, créée pour être pérenne, ne fonctionnera en réalité que de manière intermittente et sporadique. Autrement dit, le temps d’un concours. Or, au Mali, les concours d’intégration à la fonction publique sont organisés avec la plus grande parcimonie : une fois par an, ou une fois tous les deux voire trois ans. Les agents du CNCFP ne seront donc actifs qu’une fois l’an, ou une fois tous les deux ou trois ans. C’est-à-dire au maximum pendant trois mois l’an, ou trois mois tous les deux ou trois ans. C’est sans doute pourquoi le Ministre Abdoul Wahab Berthé a jugé de ne doter que de quatre ordinateurs PC, cinq tables-bureaux et quelques babioles un CNCFP qui ne mourra certainement pas de travail.
Mais, cela suffirait amplement aux desseins et bonheur du Ministre URD. En effet, une structure désœuvrée et qui n’attire pas les regards indiscrets ou curieux possède l’avantage de pouvoir se prêter à des activités douteuses et obscures. Comme, par exemple, de continuer à recruter en toute illégalité.
Nous y reviendrons.
Cheick TANDINA