Chez nous au Mali, notre système de formation scolaire et universitaire privilégie chez les jeunes les seules qualités de compréhension, de vivacité d’esprit, d’aptitude au concept, de démarche axiomatique et de mémoire : qualités que certains (et ils sont nombreux) identifient un peu vite à l’intelligence. Lorsqu’on demandé à Albert Einstein, s’il était l’homme le plus intelligent, il répondait qu’on avait donné à ce terme tant d’acceptions et de composants diversifiés que nombreux sont les Maliens qui peuvent solliciter ce titre.
Nous avons chez les Maliens un grand respect de l’intelligence et notre pays à l’instar d’autres pays africains, peut être fier de détenir des médailles mondiales attribuées à des mathématiciens de talents, astrophysiciens et autres disciplines scientifiques, techniques voire socio-culturelles qui présentent des quotients intellectuel (QI) supérieurs à 150. Ce QI inventé par Alfred Binet en 1904, qui est censé mesurer notre capacité à appréhender et maîtriser notre environnement nous impressionne un peu trop avec son cortège de “surdoués” sur lesquels, nous devons attirer votre attention.
En effet, on n’oublie souvent de signaler le drame de certains de ces surdoués qui généralement s’ennuient à l’école et qui curieusement font des carrières médiocres parce que l’enseignement n’est point adapté à la vitesse de leur esprit, parce qu’ils n’ont pas l’habitude de l’effort et ont donc une tendance naturelle à la facilité, voire à la paresse ; cela les amène à créer un complexe de supériorité. La conséquence, c’est que leur facilité de compréhension et de raisonnement leur enlève parfois les autres qualités que l’on peut exiger d’un cadre.
En plus, il n’est pas facile de réussir lorsqu’on est un “poussin noir”. Malheureusement, nos préparations aux universités et grandes écoles scientifiques ne réclament que ces qualités dites “d’intelligence et de mémoire”, et nos élites ne seront presque recrutées que sur ces critères.
Que notre jeune Malien comprenne bien les mathématiques, il accumulera les hauts diplômes et à la fin de ses études, sa position et ses appointements dépendront strictement de la longueur des parchemins qu’il déroulera sur la table d’un directeur des ressources humaines d’une entreprise ou d’une administration.
Or ce ne sont que des qualités de réception comme disent les électroniciens. Dans la vie courante, et en particulier les entreprises et les administrations si la réception est importante, l’émission est capitale, sans oublier que, comme en électronique, l’émission est supérieure à la réception, même si elle ne se mesure pas en “watts”.
Ces qualités d’émission sont nombreuses et difficilement classifiables. Elles comprennent :
– Les qualités de caractère, de bon sens, de décision, de goût du risque, de ténacité, d’enthousiasme, de pugnacité si indispensables aux créateurs d’entreprises.
– Les qualités d’innovation créatrice parfois géniale données à si peu. “Le génie c’est Dieu qui le donne, mais le talent nous regarde”, disait Flaubert
– Les qualités d’animation des hommes par une sorte de rayonnement qui a remplacé le vieux goût du commandement aux relents de caporalisme.
– Et on pourrait ajouter les qualités morales, l’honnêteté intellectuelle, le respect des autres, qui sont de plus en plus prisées dans nos entreprises même si on a pu dire que la modestie, vertu familiale, était un grave défaut professionnel.
Toutes ces éminentes qualités sont si bien souvent ignorées de nos écoles, de nos universités, voire de nos administrations, parce que peut être leurs critères sont difficilement quantifiables. Une réponse de math est plus facile à noter de 0 à 20.
Voilà pourquoi on constate des forts en thèmes végéter des années dans des entreprises et dans l’administration et se faire dépasser par des autodidactes de caractère.
Voilà pourquoi certains cadres remarquables d’intelligence et de compréhension ne sont (excusez le terme) que les “trous noirs” de nos physiciens : Ils absorbent tout et n’émettent presque rien. Ils deviennent donc des simples conseillers ou des fonctionnels. C’est pourquoi, on peut comprendre que l’intelligence de compréhension est et demeure un peu trop privilégiée chez nous au Mali et dans la sous-région, alors que nous devrions sérieusement réhabiliter la véritable formation de nos cadres, la formation continue, celle qui s’inculque peu à peu par un effort permanent.
D’ailleurs, l’Unesco nous apprend qu’au début du XXe siècle, l’école nous apportait 80 % de connaissance et la vie 20 % et qu’au début du XXIe ces pourcentages sont inversés.
Arriverons-nous un jour au Mali à libérer nos cadres de leurs diplômes ? Ils le méritent et “c’est tout le bien qu’on puisse leur souhaiter” et il est bon que nous sachions peut-être, qu’Einstein lui-même a échoué une fois au concours d’entrée au Polytechnicum de Zurich.
Moctar SOW
Expert en management