Pilotant le dossier scolaire depuis le forum sur l’école tenu en octobre 2008, le Premier ministre Modibo Sidibé a montré toutes ses limites à redonner au système scolaire malien ses lettres de noblesse. La grève illimitée des enseignants du supérieur, face à laquelle il est resté impuissant, a conduit, en désespoir de cause, le président ATT à prendre toutes ses responsabilités pour arracher une trêve, le 7 juillet dernier. C’est un véritable carton rouge pour le Chef du Gouvernement et son ministre de l’enseignement supérieur Mme Siby Ginette Bellegarde. Le Gouvernement devrait, sous d’autres cieux, en tirer toutes les conséquences…
Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de l’avenir de la jeunesse, relève de demain". Combien de fois nos dirigeants meublent-ils leurs discours de ces propos ronflants ?
Les discours de campagne sont régulièrement étoffés par des engagements à remettre l’école sur les rails. Mais la réalité est là, toujours désolante. Et les résultats du récent concours d’entrée à l’ENA ont été une parfaite illustration du calamiteux niveau des apprenants en général et des sortants de l’université en particulier : sur 100 places disponibles, alors que plus de 8000 postulants ont concouru, seulement 69 ont été difficilement pourvues.
La crise que traverse, depuis plusieurs années, l’école malienne, apparaît souvent aux yeux de nos gouvernants comme un monstre hideux dont la maîtrise appellerait une force herculéenne. Comment comprendre que l’Etat, la puissance publique, peine tant, et depuis toujours, à trouver des moyens adéquats pour sauver l’école définitivement de sa chute ?
Du 30 octobre au 2 novembre 2008, toute la République a vibré au rythme du "forum national sur l’école". A fort battage médiatique, avec des millions du contribuable malien. Près de deux ans après la tenue de ce forum, le système éducatif est toujours plongé dans une léthargie totale et inquiétante. Pourtant, la tenue de cette rencontre de la dernière chance avait donné un espoir réel à tous les Maliens. Malgré l’implication personnelle du Premier ministre Modibo Sidibé, à travers la mise en place de deux commissions pour la mise en œuvre des recommandations, dans les meilleurs délais, la situation de l’école n’a pas bougé d’un iota. Pire, elle s’enfonce et il faut dire que l’on a frôlé une année blanche cette année. Et qui sait si cette année académique 2009-2010 est définitivement sauvée par la récente rencontre du président ATT avec les responsables syndicaux du Synesup et du SNEC? Dans la mesure où les délégués syndicaux sont repartis de Koulouba en annonçant qu’ils vont rendre compte à leurs bases, avant de savoir à quoi s’en tenir. Cette intervention du Chef de l’Etat marquant sa prise en main personnelle du dossier scolaire, n’était-elle pas une preuve que le Gouvernement a failli à sa mission ? Comment le Premier ministre a-t-il pu rater le coche en laissant l’opportunité qui lui était offerte de peser de tout son aura sur la résolution de la crise scolaire ? Qu’est-ce qui explique la crise de confiance entre le Chef du Gouvernement et les syndicats ?
Il semble, selon les syndicats d’enseignants, que les promesses répétées faites par le gouvernement, en termes de calendrier de satisfaction des doléances, n’ont pas été honorées. Ce qui a entraîné une certaine méfiance des responsables syndicaux. La ministre de l’Enseignement supérieur a aussi semblé naviguer à vue dans ce dossier scolaire. Maîtrisait-elle vraiment la situation, ancien Recteur qu’elle est ? Rien ne permet de l’affirmer. Pourquoi alors ne tirerait-elle pas toutes les conséquences qui découlent de cet échec patent ? La question du réaménagement ministériel est alors plus que d’actualité.
Il faut signaler, toutefois, que le Gouvernement a fait quelques timides efforts, notamment en octroyant des primes de logement et de fonctions spéciales aux enseignants.
Mais, il n’est point arrivé à désamorcer la crise, traduite par la grève dans le supérieur. Toute chose qui a obligé ATT à se jeter lui-même à l’eau. Ce qui est, du reste, un fâcheux précédent dans la mesure où, dans toute agitation sociale, l’on cherchera prioritairement à soumettre le dossier à ATT, boudant de fait les ministres et le chef de Gouvernement. Prétextant qu’ils n’ont pas la poigne nécessaire pour régler le problème.
Comme on le voit, le forum sur l’école n’a été qu’un forum de plus ; puisque, depuis 1962, les bases de la réforme de l’éducation n’ont jamais pu recevoir le coup d’accélérateur auquel le peuple malien était en droit de s’attendre.
A signaler que les syndicats sont restés très soudés et exigeants dans leurs revendications. Ce qui a été un facteur déterminant pour court-circuiter le Gouvernement en lequel ils ne voyaient plus un interlocuteur fiable. Cela, est un coup moral pour l’"équipe du capitaine Modibo Sidibé" qui doit mieux…s’entraîner. Reculer pour, qui sait, peut-être mieux sauter?
Bruno D SEGBEDJI