Un réseau savamment organisé se livre à un commerce très lucratif à travers la manipulation des résultats du Baccalauréat malien. Selon des sources officieuses, ce phénomène est loin d’être récent, car chaque année des centaines voire des milliers d’élèves payent leur admission au Baccalauréat. Après la fuite sans précédent des sujets, les autorités semblent n’avoir pris aucune mesure pour sécuriser les résultats du Bac.
Certains enseignants commencent à dénoncer le tripatouillage des résultats du Baccalauréat malien par un réseau de responsables administratifs tapis dans l’ombre, au cœur du système éducatif national. «Généralement, ce sont des promoteurs d’écoles privées, des responsables des académies d’enseignement qui sont à la base du tripatouillage des résultats», a expliqué un professeur d’enseignement secondaire.
A en croire ce professionnel qui enseigne depuis 20 ans, les membres de ce réseau encaissent entre 200 000 et 300 000 F CFA pour faire passer chaque élève au Baccalauréat. «Comme on le dit, cet argent sert à engraisser plusieurs entremetteurs. Il y a les rabatteurs, les promoteurs d’écoles privées et des personnes en charge des travaux de secrétariat du Bac», a dénoncé notre source.
L’existence de ce réseau est confirmée par un étudiant de l’Université des Sciences sociales et de Gestion de Bamako. Quand il était candidat au Baccalauréat en 2010, a-t-il rappelé, de nombreux élèves de son Lycée ont passé au Bac via ce réseau, certains avec des moyennes leur permettant de prétendre à des bourses d’études étrangères.
On se demande comment la ministre de l’Education qui n’a pas su empêcher la fuite des sujets malgré les antécédents pourra juguler cette pratique frauduleuse. Un parent d’élève offusqué par la gestion artisanale de la fuite des sujets du Bac a estimé que les autorités ont fait semblant d’être surpris par la fraude alors que c’était prévisible.
Ce qui a surtout choqué les citoyens, c’est le retard de certaines épreuves à cause du changement des sujets à la dernière minute. Du jamais vu de mémoire de Maliens, des candidats non préparés au bouleversement du calendrier des épreuves ont été obligés de composer tard dans la nuit, à la lumière de simples bougies brûlant aux bouts des tables.
Le syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC) a demandé jeudi dernier l’annulation des épreuves du baccalauréat 2014, estimant inadmissibles les nombreux cas de tricheries qui pouvaient être évitées. Pour le SNEC, les cas de tricherie, de corruption et de fuite de sujets ne permettent pas l’homologation des résultats de l’épreuve.
La vague de dénonciation de l’organisation du Bac a aussi atteint les parents d’élèves qui ont demandé la démission de la ministre de l’Education nationale, Togola Jacqueline Nana. Essayant de ne pas perdre la face, la ministre a démis de ses fonctions le Directeur national du Centre des examens et concours.
Dans la même foulée, le démantèlement d’un réseau de fuites des sujets d’examens a été annoncé par le gouvernement. Ces fraudeurs sont tombés dans les filets de la police à travers l’écoute de leurs conversations téléphoniques. Mais, ils ne représentent qu’une infime partie des fossoyeurs de l’Ecole malienne.
Dounankè Diarra