Année blanche à l’enseignement supérieur : Un nouveau feuilleton s’ouvre

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Depuis un certain temps, tous les observateurs avertis prévoyaient une année universitaire blanche. La décision du Conseil des Ministres du jeudi, 11 juillet 2011, laisse croire que l’année académique ne pourra pas être sauvée. Car, il a été décidé de mettre en congé  toutes les structures de l’Enseignement supérieur, histoire de mieux préparer  la rentrée universitaire 2011-2012.

Il y a de cela quelques années que le système de l’enseignement supérieur et de recherche scientifique de notre pays est confronté à des problèmes, essentiellement d’ordre structurel parmi lesquels la forte croissance des effectifs, le déficit en personnel enseignant, l’insuffisance de locaux administratifs et pédagogiques, la violence et l’insécurité sur le campus universitaire.
Suite à ce constat désastreux et lamentable, le Gouvernement a jugé nécessaire de prendre des mesures appropriées en vue de disposer d’un système d’enseignement et de recherche plus performant et capable de concilier les impératifs de développement du pays et la compétition internationale. Pour ce faire, il est prévu de fermer les structures universitaires en vue de leur réhabilitation avant la rentrée scolaire 2011-2012. Il est aussi prévu la création de quatre Universités en lieu et place de l’Université de Bamako ; le renforcement des capacités d’encadrement et des capacités de gestion des structures d’enseignement. Pour mener à bien ces actions, toutes les structures de l’Enseignement supérieur seront mises en congé, en même temps, pour préparer la rentrée 2011-2012 dans les meilleures conditions.

Soulignons que cette décision est diversement  appréciée dans le monde éducatif. Si certains ne souhaitent pas s’exprimer à chaud, certains l’apprécient et d’autres affirment que c’est la plus grande catastrophe de ces dernières années.

Joint au téléphone, le Secrétaire général du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur (SNESUP), Dr Abdou Mallé dira qu’il ne souhaite pas commenter cette affaire pour le moment. Qu’à cela ne tienne, explique-t-il, «je précise que nous avions adressé une correspondance au Gouvernement pour lui faire part de notre volonté de tout mettre en œuvre pour sauver l’année. Malgré cela, les plus hautes autorités ont décidé de mettre en congé toutes les structures de l’enseignement supérieur. Nous n’avons pas été associés à cette prise de décision et nous espérons que le Gouvernement saura gérer les conséquences de ce qu’il vient de décider».

Quant au Doyen de la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (FLASH), Pr. Salif Berthé, il indiquera qu’il est difficile de gérer actuellement les 17.000 étudiants que compte sa Faculté. «Nous avons commencé tardivement les cours, c’est-à-dire en mars. Pour sauver l’année, nous avions en un premier temps élaboré un programme de 25 semaines de cours qui devrait prendre fin en août. Ensuite, après les deux mois de vacances, on devrait procéder aux examens en novembre. Même là, on n’aurait qu’une seule session.  Mais, avec la grève illimitée du SNESUP, ce programme fut chamboulé. Déjà, à notre niveau, on savait que l’année n’était pas sauvable. Car, avec la grève des professeurs et la session unique, on allait assister à des manifestations des étudiants, comme ce fut le cas l’année dernière», ajoute-il.

Du point de vu de certains responsables estudiantins, cette décision n’est pas la fin du monde, l’année blanche était prévisible affirmaient. «Si la mise en congé des structures de l’enseignement supérieur permet de redonner au système ses lettres de noblesse, nous ne pouvons que nous en réjouir. Il y a deux ans, les maîtrisards ne font que trois mois de formation. Par conséquent, le mémoire devient pour eux une formalité, ils ne sortent avec aucun bagage intellectuel», précisera le Secrétaire à l’information du bureau de coordination de l’AEEM, Diakaridia Diallo dit Diackbauer. «De toutes les façons, nous allons nous réunir pour débattre la question», a-t-il conclu.

A la Faculté des Sciences Economiques et de Gestions (FSEG), certains professeurs pensent que c’est le début d’un autre feuilleton cauchemardesque. Car, affirment-t-ils «nous profitons des vacances scolaires pour faire nos Travaux Dirigés (TD) dans les locaux de ces établissements secondaires. Alors, si on commence au même moment que ceux-ci, où est-ce que nous allons effectuer ces travaux», s’interroge-t-il. Dans l’enceinte de la même Faculté, d’autres diront que la décision serait salutaire si on mettait à profit cette période de fermeture pour résoudre les différents problèmes.


Pour sa part, le Secrétaire général du comité SNESUP /FLASH- ENSUP, Yaya Sissoko, juge que cette décision est la plus grande catastrophe. «Depuis la fin de la grève illimitée de notre syndicat, on a repris les cours avec une allure considérable, les étudiants et professeurs sont à pied d’œuvre pour une année réussie. Dans cet élan de travail acharné, si nous apprenons une prochaine mise en congé de nos structures, cela ne fait que nous donner la chair de poule. Il faudra rappeler que cette proposition de fermeture a été faite par le Doyen de la FLASH au Conseil des Professeurs, mais nous l’avons rejetée. C’est au cours de leur rencontre avec la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique  qu’ils ont décidé cela.  En tout cas, nous les techniciens, nous ne nous sentons pas concernés par cette décision»,  a-t-il martelé. Il soutiendra qu’il a lui-même presque fini avec son programme et qu’à l’ENSUP, certains de ses étudiants de l’année 2010-2011 ont déjà soutenu.

 A la lumière de ces interventions, le moins que l’on puisse dire, est que la décision de mise en congé des structures de l’enseignement supérieur n’est rien d’autre que l’annonce d’une année blanche.
Oumar KONATE    
 

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