Monsieur le Ministre,
Le 3 octobre dernier, l’école malienne a ouvert ses portes sur toute l’étendue du territoire national. Le groupe scolaire Mamadou Diarra N2 l’unique école publique du quartier populaire de Medina-coura tarde à ouvrir ses portes. La raison est simple, claire et saute aux yeux de tous. Cet établissement d’enseignement fondamental est au cœur du scandale actuellement. Il se situe derrière l’un des plus grands dépôts d’ordures de transit de Bamako. Le site accueille les ordures ménagères en provenance des communes I, II, III et IV de la capitale malienne.
Monsieur le Ministre,
C’est pour vous confirmer que les écoliers inscrits dans cette structure au nombre de 2344 l’an dernier, apprenaient exposés aux mouches et aux moustiques submergés dans des odeurs nauséabondes au quotidien. A seulement 20 mètres de là, un autre établissement secondaire non des moindres, le CFP (Centre de Formation Professionnel) se dresse totalisant un effectif de plus de 2500 élèves. Un peu plus loin, 300 petit garçon et petites filles sont inscrits au jardin d’enfants communautaire « Den Niayoro », ils subissent à l’unisson un sort identique.
Monsieur le Ministre,
Le temps semble arriver afin que vous preniez connaissance de cette dure réalité et de pouvoir prendre la mesure de vos responsabilités face à l’avenir de la petite enfance, à la jeunesse en passant par l’adolescence dans un cadre d’apprentissage décent. Or tel n’est point le cas des enfants issus du quartier défavorisé de Medina-coura. Pour plus de précision, la structure est endossée au dépôt de transit. Les va et vient incessants des charrettes, des camions rythment la journée. Comment les enfants parviendront-ils à étudier sereinement dans une telle ambiance marquée par les bruits sonores à répétition. De nos jours, le poids du dépotoir a fini par effondrer une partie du mur de clôture du groupe scolaire. L’insalubrité a atteint son plus haut sommet. Les élèves n’ont malheureusement pas pu accéder à l’enceinte de l’école. Les vecteurs de maladie présents et actifs rodent autour des enfants dans leur cadre d’études. La Mairie de la commune II manifeste de la peine à bouger. L’ozone est arrivé à ses limites dans sa mission de ramassage des ordures ici et ailleurs. La population crie au scandale jour et nuit. Elle a de la peine à se faire entendre par les tenants du pouvoir. A ce pas vers où s’embarque le Mali ?
Hier en menant des investigations sur le dépotoir que je croyais accueillir les ordures ménagères, ma surprise fut grande tant les découvertes dépassaient l’imagination. Je voyais devant moi dans les immondices çà et là des déchets médicaux éparpillés dans un désordre indescriptible : des seringues et des poches de sang. Je fus accaparé par la frayeur. La peur qu’un enfant marche imprudemment dessus et de le voir victime d’une maladie contagieuse. La chair de poule envahit mon âme d’un trait.
Monsieur le Ministre,
Rien ne justifie l’installation d’un dépotoir derrière une structure vouée à l’enseignement dans les conditions décentes. Vous êtes le mieux placé pour combattre de telle bavure en préservant la vie, la sécurité et l’éducation des enfants que la nation malienne vous a confié. Il vous appartient de jouer votre rôle sans mangement ni affectif pour épargner l’échec scolaire grandissant dans notre pays. Pensez à offrir un enseignement de qualité dans un cadre respectable aux filles et fils des maliens moyens de nos écoles publiques qui n’aspirent qu’à étudier et à acquérir du savoir à la sueur du front.
Croyez-moi Monsieur le Ministre qu’il ne peut y avoir d’esprit sain, dans un corps sain sans un environnement sain.
Monsieur le Ministre,
Aujourd’hui vous êtes l’unique personnalité dotée de pouvoir extraire les écoliers du dépotoir. Au cas où vous doutez de mes révélations, je vous invite d’organiser une visite de terrain sur ma terre natale dans le quartier populaire de Medina, là où j’ai fait mes premiers pas à l’école française pour apprendre à lire, à écrire et à compter. Ahmed Diagouraga dit Bamedi, le trésorier du Collectif « Ambaga siguida fê » autrement dit « Nous aimons notre quartier » et les parents d’élèves résident sont prêts à prendre en charge vos frais de déplacements de votre bureau à l’école de Medina-coura. Je peux vous assurez qu’ils vous accueilleront à bras ouverts et vous seront reconnaissants. Faites quelque chose aujourd’hui, sinon demain il sera trop tard pour porter une telle bavure sur la conscience.
En espérant que ma lettre retiendra votre attention, par amour pour l’avenir des enfants du Mali et l’école malienne je vous prie de croire à l’expression de mes sentiments patriotiques.
Aboubacar Eros Sissoko
Citoyen du quartier populaire de Medina-coura
Bamako le 7 octobre 2016