À ton appel, Mali : Le Peuple, La CEDEAO et l’UEMOA, à qui les responsabilités ?

0

C’est l’union qui fait la force ! Toute l’Afrique de l’Ouest est dans le même bateau contre les menaces terroristes, djihadistes, les rebellions…. La Communauté Économique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest créée en 1975 et l’Union Monétaire Ouest Africaine fondée en 1994 au nom de la solidarité se sanctionnent-elles elles-mêmes ? Cela est très inquiétant pour l’Afrique! Après près d’une décennie d’opération de sécurisation militaire avec les forces les plus sophistiquées du monde, le bilan est un échec. La CEDEAO, Le G5 Sahel, la MINUSMA, l’UEMOA, les Opérations Barkhane et serval ont échoué sur toute la ligne.

En demandant plusieurs fois au Gouvernement de la transition du Mali d’organiser les Assises Nationales pour la refondation, la CEDEAO a été très responsable. Il faut écouter le peuple ! Cela étant fait, les deux institutions ont montré qu’elles se fichent du peuple en prenant des sanctions financières et économiques contre le Mali. Ce pays est membre fondateur de ces deux organisations. Au rythme de son hymne Pour l’Afrique et pour toi, Mali, il représente le poumon et le cœur solidaires de ces organisations.

Certes la CEDEAO  dans ses principes ne peut en aucun cas cautionner un coup d’État, ni une transition de plus de 18 mois. Mais dans la foulée, la circonstance que vit le Mali actuellement mérite une réflexion en profondeur. De telles décisions d’une telle organisation vis-à-vis d’un de ses membres fondateurs, qui depuis quelques temps œuvre à une émancipation dans sa relation avec l’ancienne puissance coloniale le bien-être de son peuple, viennent confirmer le dictat de cette dernière sur ces anciennes colonies.

Souvenons-nous du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui a été fondé lors du congrès de Bamako en 1946[1], lorsque les leaders politiques de l’époque ont ressenti le besoin de se réunir en une entité politique, suite à leur déception face à l’Union française. Il s’agissait du premier groupement politique de l’Afrique occidentale française en termes de zone géographique couverte. La volonté d’unifier tous les parlementaires africains au sein du RDA avait pour objectif de lutter pour la libération de l’Afrique et contre l’impérialisme colonial français[2].

À côté des grandes civilisations endogènes dont les valeurs bercent les sociétés, ceci est un bref rappel que je considère nécessaire pour toutes les sociétés ouest africaines contemporaines. Cheikh Anta Diop en 1960 a suggéré que pour réaliser l’unité africaine, il était nécessaire d’enquêter sur l’histoire collective de l’Afrique afin de déterminer les racines communes[3]. Il faut que nous apprenions de l’histoire pour avancer. Sortons des individualités et essayons de voir les choses dans un ensemble dans lequel chaque détail est important. Le Mali est toute l’Afrique de l’Ouest en miniature sur le plan économique, géographique, géopolitique, géostratégique, historique, politique, culturel…

Les militaires et le gouvernement de la transition ne sont pas là par hasard. Colonel Assimi Goita et sa troupe (les quatre colonels) et Dr. Chogel Kokalla Maiga et son gouvernement ont compris que la solution à cette crise multidimensionnelle au Mali est d’ordre institutionnel profond. Ils ont compris que ce n’est pas militaire. En ce sens, la refondation du Mali ne peut aller sans la participation inclusive de la société civile de base comme l’Union et Coordination d’Associations pour la Défense et le Développement des Droits des Démunis (UACDDDD), la Convergence Malienne contre l’Accaparement des Terres (CMAT), Joko ni Maya, entre autres, qui mobilisent diligemment depuis plus d’une trentaine d’années sur toute l’étendue du territoire malienne et ouest africaine dans le sens d’une réforme institutionnelle profonde en phase avec l’aspiration du peuple qui est de sortir de l’impasse[4].

„Joli tɛ suma nɛ kan“ dit-on au Mali !  Si une plaie ne peut guérir, tant qu’il y a du pus, la solidarité de toute l’Afrique de l’ouest est donc indispensable pour mieux avancer. Il est plus facile de critiquer l’autre. Si la démocratie est communément définie comme le gouvernement par le peuple, on ne peut que saluer l’indignation du peuple malien[5] contre les phénomènes sociaux et atteintes à la souveraineté qu’il dénonce. Ce n’est pas une question d’élections ou d’alternance démocratique, c’est la soif de la quiétude, de l’épanouissement dans la dignité. Il faut évidemment payer de prix !

La CEDEAO devrait prendre le camp du peuple. Instrumentaliser l’UEMOA et la BCEAO (Banque Centrale de l’Afrique de l’Ouest) et même les frontières étatiques est plutôt une tentative de suicide. C’est l’union qui fait la force ! Réveillons-nous !

 

Dr. Lamine Doumbia

Chargé de recherches

Universität Bayreuth

Merian Institute for Advanced Studies in Africa (MIASA)

University of Ghana – Legon

Contact: fakoly.doumbia@gmail.com

[1] Doumbia L., Diouf O. (2020) African Unity and the Process of Integration from the Grassroots: The Case of Mali and Senegal. In: Grilli M., Gerits F. (eds) Visions of African Unity. African Histories and Modernities. Palgrave Macmillan, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-030-52911-6_5

[3] Diop, Cheikh Anta. Les fondements culturels d’un futur État fédéral d’Afrique Noire. Paris: Présence Africaine. 1960

[4] Doumbia Lamine. – Une sécurisation foncière urbaine dans l’impasse, exemple de Bamako (Mali), Rüdiger Köppe Verlag, 2018, 251 p. https://www.koeppe.de/titel_une-securisation-fonciere-urbaine-dans-l-impasse-exemple-de-bamako-mali

[5] https://www.maliweb.net/contributions/les-maliens-sindignent-et-reclament-une-nouvelle-republique-du-mali-o-mali-daujourdhui-o-mali-de-demain-2892702.html

Commentaires via Facebook :