Les défenseurs de la liberté d’expression, notamment Internet Sans Frontières, se plaignaient de la décision prise par l’Agence des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI, sur instruction du ministre de l’Intérieur, de suspendre les SMS lors de la présidentielle de dimanche. Mais le pouvoir de Laurent Gbagbo a décidé de faire pire en interdisant le téléphone dans les bureaux de vote. Ces décisions traduisent une violation grave à la liberté d’expression et au droit des citoyens à l’information.
A travers une décision en date du 28 Octobre 2010, l’Agence des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI) a décidé, « pour la période allant du dimanche 31 Octobre 2010 à 17 h, au mardi 02 Novembre 2010 à 07h, la suspension de l’édition, l’émission, et de la réception des Shorts Messages Services (SMS) internes, entrants et sortants sur tous les réseaux de téléphonie mobile en activité sur le territoire national ».
Pour l’Agence, la présente décision est prise ‘’dans le cadre strict de la Défense Nationale et de la Sécurité Publique, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur’’. La présente décision s’impose à tous les opérateurs en activité, insiste l’ATCI. « Le non respect de l’application de la présente décision entraînera l’application rigoureuse des sanctions prévues en pareille matière par les textes en vigueur », indique la décision. Cette décision découle sans doute d’une instruction, ‘’une requête du ministre de l’Intérieur reçue par l’ATCI en date du 28 Octobre’’, telle que référencée en prélude de la décision.
“Une atteinte majeure à la liberté d’expression”
L’association Internet Sans Frontières a estimé que la décision de l’agence officielle des télécommunications ivoirienne de suspendre la diffusion de SMS, le jour du scrutin présidentiel, à mardi, constituait “une atteinte majeure à la liberté d’expression”.
Cette décision des autorités ivoiriennes prend le contre-pied d’une ‘’plate-forme de veille et d’information citoyenne’’ mise en place par cette association (Internet Sans Frontières) pour la période de l’élection, et dont le mécanisme repose sur les SMS.
On ne peut s’empêcher de s’interroger sur les motivations réelles d’une telle décision des autorités ivoiriennes à la veille de l’élection présidentielle nécessitant transparence et crédibilité. En faisant obstruction à la libre circulation de l’information, on peut douter d’une velléité du pouvoir de manipuler les résultats électoraux.
Contre-pied à Wonzomaï
A la veille de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire le 31 octobre, Internet Sans Frontières et Akendewa avaient envisagé la mise en place d’un ‘’système de veille électorale citoyenne et participatif’’. Ce système appelé Wonzomaï devrait permettre un ‘’accès direct à l’information citoyenne’’. Une des missions d’Internet Sans Frontières est de permettre la diffusion de contenus numériques et d’informations des communautés qui ont un accès faible à la société mondiale de l’information. Il est donc dans son rôle en mettant Wonzomaï qui en langue Bété signifie sentinelle, ou encore celui qui rapporte une information qui intéresse la communauté. Wonzomaï devrait donc permettre aux citoyens ivoiriens de témoigner pacifiquement des événements dont ils seront les acteurs et les témoins au cours de la période électorale.
La plateforme utilisée procède de la technologie du logiciel libre ‘’Ushahidi’’, qui a servi l’accès à l’information lors des élections nationales au Kénya, au Mexique, au Liban ou au Vénézuéla. Selon le dispositif, ‘’les citoyens ivoiriens étaient invités à transmettre des informations par SMS vers des numéros de téléphone gratuits. Ils pouvaient aussi directement télécharger des médias audios ou vidéos de téléphone portable, remplir directement les formulaires de rapport en ligne. Les rapports d’incidents liés à la période électorale seront localisés sur une carte géo-numérique. Le traitement et la validation des informations transmises à la plateforme sont l’objet d’une attention particulière de notre part. Un processus de validation et de vérification de la pertinence des informations a été mis en place par Internet Sans Frontières’’.
Le dispositif pour la transparence
Akendewa, la plus importante organisation de personnes et entreprises de nouvelles technologies en Côte d’Ivoire et partenaire d’Internet Sans Frontières, met à la disposition de Wonzomaï un personnel formé à la vérification des informations. La New Media Task Force de l’Université de Columbia met à disposition un groupe de 15 personnes, composé d’étudiants en relations internationales et en journalisme entraînés pour ce type d’opération. Enfin, l’équipe d’Internet Sans Frontières coordonnera les opérations de validation. Mais avec la décision du pouvoir de suspendre les SMS et même d’interdire le téléphone dans les bureaux de vote, le régime a choisi de faire entorse à la liberté d’expression et de violer allégrement le droit des citoyens à l’information.
La présidentielle ivoirienne de dimanche appelle aux urnes 5,7 millions d’Ivoiriens. La tenue de cette élection, qui a été plusieurs fois repoussée depuis 2005, permettra de fermer une décennie de règne de Laurent Gbagbo sans être élu. Elle mettra également fin à une longue période de crise politico-militaire qui a commencé depuis l’insurrection militaire du 24 décembre 1999 et l’avènement du Général Robert Gueï.
B. Daou