Lorsqu’un homme politique qui incarne des valeurs hautement patriotiques dans un pays d’une longue tradition démocratique, se met à retourner sa veste, et, au crépuscule de sa vie, l’on ne peut être qu’inquiet. Une inquiétude liée au non respect de la parole donnée et au goût fortement prononcé pour un pouvoir auquel le Président se sent viscéralement lié. Un homme qui aura fait la difficile expérience de l’opposition politique trente ans durant. Un homme de paix justifié par le Prix Félix Houphouët Boigny obtenu en 2004. L’homme, c’est maître Abdoulaye Wade, président élu de la République du Sénégal depuis février 2000 qui, se bat vaille que vaille contre la vague de contestation.
En effet, le vieux lion de 86 ans, arrivé au pouvoir à 74 ans tient à conserver le pouvoir malgré sa santé valétudinaire l’empêchant de faire le bonheur des 12 Millions de sénégalais. Le vieux lion ne peut pas réfléchir comme Léopold Sédar Senghor qui quittait le pouvoir à 74 ans, âge auquel Wade accédait au palais présidentiel. Le poète président avait compris cette sagesse politique du Général de Gaulle : « Il faut quitter le pouvoir cinq ans plus tôt que cinq minutes plus tard ».
Ce n’est pas pour rien qu’il avait, il y a quelques mois, renvoyer manu militari le Docteur Ophtalmologue Mame Fari Faye qui, après un diagnostic sérieux avait affirmé que le Président dela Républiquesouffrait de quatre maladies graves et, par conséquent inapte de gouverner.
La question de la candidature de Wade à l’élection présidentielle de dimanche prochain agite, jusque dans les rangs de sa propre formation politique. On se souvient de la démarche entreprise par son fils spirituel Idrissa Seck, ancien premier ministre qui avait demandé à son ex-mentor de retirer sa candidature afin de permettre au PDS (Parti démocratique Sénégalais) d’avoir le meilleur candidat pour la joute présidentielle de 2012.
Mais le capitaine de 86 ans n’entend pas son fils spirituel qu’il avait incarcéré pour une raison ambiguë de malversation financière en 2005. L’homme tient, à vrai dire, viscéralement à une stratégie de monopolisation du pouvoir politique. Les sénégalais n’ont peut être pas tord en l’affublant de partisan d’un pouvoir monarchique. Parce que Karim, son fils pourrait accéder au pouvoir par le biais d’une telle stratégie.
Les nombreuses controverses qui alimentent la non recevabilité de la candidature du Président sortant sont surtout liées à l’article 27 dela Constitutionsénégalaise de 2001 qui limite le nombre de mandats à deux. Ce raisonnement est rejeté par les fervents admirateurs du Président pour lesquelsla Loifondamentale de 2001 ne s’appliquerait pas au premier mandat de sept ans démarré un an plus tôt.
Treize candidats à l’élection présidentielle exigent à tout prix le retrait de la candidature du Président Wade. C’est la conséquence logique de la campagne polluée et cauchemardesque. Au cours de cette campagne, des candidats à la présidence dela Républiqueont été bien chargés. Chose surprenante dans un pays qui revendique une longue tradition de vie démocratique. Wade fait à sa tête. Au nom de la loi, il s’en fiche de l’enjeu générationnel.
Reste à voir ce que deviendra le Sénégal, après les élections du 26 Février quand on sait que son régime est contesté par tous les candidats. C’est le pouvoir qui rend fou, absolument fou, disait Alain. En tout cas, pour l’instant tous les observateurs avertis de la scène politique sénégalaise se résument à dire que le Président est sur le fil du rasoir.
Par Le Shérif