L’avenir politique au Mali : Situation spécifique, réponse spécifique

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Burkina: «Un message très clair aux dirigeants africains»
La foule des Burkinabè sur la place de la Nation à Ouagadougou, le 31 octobre 2014.
REUTERS/Joe Penney

Les tombeurs de Blaise Compaoré ont tenu à rester maîtres de leur stratégie de retour à la normale. Et ont réussi à faire admettre leur vision

Certaines références font presque inévitablement sursauter aujourd’hui lorsqu’on y a recours. En effet, notre monde, devenu gros consommateur de modes diverses, donne la préférence aux théories éphémères qui ne durent souvent ce que dure l’exposition médiatique de leurs auteurs. Il a logiquement mis aux oubliettes les grandes idéologies de naguère que ne défendent désormais qu’une poignée de régimes et quelques groupuscules extrémistes. Tel est le sort réservé au léninisme. Celui-ci ne s’entend plus convoqué dans l’analyse des grands bouleversements politiques, sociaux et économiques alors que jusque dans les années 1970 et jusqu’à la perestroïka russe, il avait été outrageusement et même abusivement utilisé pour expliquer le monde tel qu’il était et tel qu’il s’apprêtait à devenir.

Nous n’avons pas la prétention de nous atteler à une réhabilitation de la pensée de Vladimir Ilitch. Mais par contre, il nous paraît intéressant d’attirer l’attention sur une particularité des idées que développait Lénine lorsqu’il abordait les problèmes d’organisation et de stratégie politiques. La pensée léniniste se signalait alors par une peu commune souplesse tactique. L’inspirateur de la Révolution d’octobre 1917 était un fin analyste des rapports de force entre les pouvoirs installés et les forces de contestation aussi bien en Europe que dans son pays. Réactif à l’extrême, il théorisait avec une célérité étonnante sur les changements à apporter dans la préparation de la révolution prolétarienne. L’exercice n’était pas sans risque et comme tout esprit agile, Lénine s’est parfois trompé dans ses prévisions. Mais il ne se laissait guère troubler quand le cours des événements venait contrarier sa vision. Il élaborait aussitôt une nouvelle ligne d’action tout en restant fidèle à ses convictions fondamentales.

A ceux qui s’avouaient désorientés par cette permanente mise à jour doctrinaire (celle-ci prenait par moments l’allure d’une volte-face), Lénine opposait le respect d’un principe auquel il était resté constamment fidèle, celui de « l’analyse concrète d’une situation concrète ». Un principe qui oblige à rester attentif aussi bien aux réalités qu’aux subtilités ; à se défier des grilles de lecture préétablies et du dogmatisme ; et à oser des solutions inédites dès lors qu’existe la conviction d’être dans le judicieux. C’est à des analyses concrètes qu’ont recouru la semaine dernière les acteurs de la Révolution d’octobre au Faso, le sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO et les pays africains contributeurs de troupes à la MINUSMA. C’est ce que s’est malheureusement gardé de faire la Commission de l’Union africaine en lançant un ultimatum comminatoire aux acteurs de l’insurrection burkinabè.

RANCOEURS ET FRUSTRATIONS. La mise en garde du président du Conseil paix et sécurité de la Commission de l’UA qui donnait quinze jours au lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida pour remettre le pouvoir à une personnalité civile a été accueillie par l’intéressé comme elle devait l’être : avec une placide indifférence. L’officier, tout comme les acteurs de l’insurrection et la majorité des médias du Burkina Faso, ont estimé à juste titre qu’une organisation qui avait assisté sans broncher à l’exacerbation des contradictions et à la montée des tensions dans la patrie des hommes intègres ne pouvait être qualifiée pour imposer une ligne de conduite dans la gestion de l’après Blaise Compaoré. A notre avis, la Commission était d’autant moins habilitée à lancer un ultimatum que celui-ci l’a été par des fonctionnaires, et non par des chefs d’Etat ou même des ministres des Affaires étrangères réunis en sommet extraordinaire.

Le coup de semonce de la Commission a donc été ignoré à Ouagadougou où les acteurs du changement s’efforcent d’avancer en prenant en compte un certain nombre de réalités incontestables. La première de celles-ci est l’importance capitale du rôle de l’Armée dans le rétablissement de l’ordre et la préservation de la stabilité dans le pays. Vingt-sept ans de pouvoir personnel exercé très souvent sans égard vis-à-vis d’anciens compagnons de route, marqué par l’arrogance et la volonté d’accaparement d’un cercle réduit de proches, ont logiquement produit une masse énorme de rancœurs et de frustrations. Celle-ci a inspiré un défoulement qui a souvent revêtu des formes extrêmement brutales et qui a servi de couverture à une nuée de pillards et de casseurs. Notre confrère « Aujourd’hui le Faso » faisait à cet égard l’étonnante relation d’attaques perpétrées en fin de semaine dernière sur des sociétés minières que l’Armée était partie, en urgence, protéger.

En outre, les militaires étaient les seuls à pouvoir mettre bon ordre dans les manœuvres anarchiques d’intronisation de personnalités supposées neutres par une partie de la rue, manœuvres qui ont durablement ridiculisé aussi bien Mme Saran Sérémé que le général Kouamé. Enfin, et cela n’est pas négligeable, Yacouba Isaac Zida est aujourd’hui la seule personnalité ayant la carrure et la crédibilité suffisantes pour faire accepter à l’ancienne opposition et à la société civile la participation dans le processus de transition de représentants de pouvoir renversé, ou plus exactement des moins compromis de ces représentants. Le retour des ex-partisans de Compaoré est, en effet, indispensable autant pour un déroulement pacifié de la Transition que pour l’instauration d’un climat social acceptable lorsque viendra le retour complet à la vie constitutionnelle.

Une deuxième réalité est admise implicitement par les forces qui ont chassé du pouvoir Blaise Compaoré : la Transition ne sera pas, sur le plan politique, un long fleuve tranquille. Il faudrait certainement rappeler que l’une des raisons pour lesquelles l’ancien président s’était maintenu aussi longtemps au pouvoir et avait même survécu en 2011 à des mutineries militaires qui auraient pu le déstabiliser définitivement, était que très longtemps il avait face à lui une opposition morcelée et incapable de s’unir pour le combattre. L’une des forces des opposants, qui s’étaient provisoirement rassemblés dans une alliance « Tout, sauf Blaise », expliquait paradoxalement leur impuissance. Ils possèdent en leur sein des personnalités d’indiscutable valeur, au caractère bien affirmé, à la riche carrière professionnelle (le plus souvent au gouvernement) … et à l’ego si solidement affirmé qu’il fragilise les rapprochements. La plupart de ces personnalités se jugeront certainement en droit de prétendre dans les mois à venir à la magistrature suprême et les alliances s’annoncent plutôt compliquées à construire.

PAS DE SCHÉMA IMPÉRATIF. En outre, la classe politique se verra concurrencée par la société civile qui estime avoir joué un rôle déterminant dans la chute de Blaise Compaoré et qui escompte bien se voir confier dans la Transition un rôle proportionnel à son mérite historique. Dans son ambition affichée, la société civile burkinabè n’est pas différente de celles du printemps arabe. Au lieu de se maintenir dans une fonction d’influence, elle cherche à se placer dans une posture d’exercice du pouvoir, posture à laquelle elle aurait dû logiquement se garder de prétendre. Avec en prévision ces querelles de leadership et ces guerres de positionnement, la personnalité à qui reviendra la direction de la Transition ne pourra pas se limiter à être simplement « consensuelle ». Il lui faudra disposer d’une connaissance au moins moyenne du fonctionnement de la machine d’Etat et avoir la carrure nécessaire pour « manager » des partenaires turbulents sans aller jusqu’à l’affrontement, mais sans s’engluer non plus dans des compromis mous.

Pour choisir celle ou celui que la presse désigne à juste titre comme « l’oiseau rare », les Burkinabé n’auront pas à regarder loin pour trouver l’exemple à ne pas imiter. La présidente de la Transition centrafricaine, Catherine Samba Penza, choisie à l’époque pour remplacer le chef de guerre Michel Djotodia, incarne la fausse bonne idée qui a ouvert la voie à un fiasco indescriptible. Les acteurs de l’après Compaoré ont donc raison d’ignorer l’ultimatum de la Commission de l’Union africaine et de refuser l’ingérence. Ils n’ignorent pas que l’exemplarité que l’opinion africaine prête aujourd’hui à leur mouvement peut être facilement détruite par une erreur de casting faite sous le double effet de la pression extérieure et de la précipitation.

Fort heureusement, la préoccupation du Faso de conduire lui-même son destin a été explicitement prise en compte par le Sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO. La Communauté avait pris la précaution d’envoyer une délégation de très haut niveau rencontrer à Ouagadougou les principaux acteurs du changement. Les présidents du Ghana, du Nigéria et du Sénégal n’ont pu faire l’économie de certaines maladresses, comme la tentative d’obtenir rapidement le nom du responsable civil de la Transition ou encore la décision d’inviter une délégation de l’ex parti au pouvoir à la table des concertations. Mais ils ont rapidement réparé ces couacs et surtout, ils ont convaincu les participants du sommet d’Accra du danger qu’il y aurait à imposer un schéma impératif au Burkina Faso et à brandir la menace des sanctions.

Les trois chefs d’Etat ont pu faire accepter à leurs pairs trois certitudes. Tout d’abord que la situation burkinabé est absolument particulière, puisque le changement de pouvoir ne résulte pas d’un coup d’Etat, mais d’une insurrection populaire. Ensuite que l’armée bien qu’incontournable (elle a d’ailleurs reçu les félicitations du Sommet pour son rôle dans le rétablissement de la sécurité) n’a aucune intention de s’approprier de la victoire populaire. Et enfin que la qualité des forces en présence (opposition politique, forces armées et société civile) offre les meilleures chances à l’émergence d’une personnalité d’envergure qui sera investie de la charge de conduire la Transition. Les responsables de la CEDEAO ont d’autant plus aisément adhéré à l’analyse de leurs représentants qu’ils ont certainement en mémoire tous les cas récents où l’ingérence internationale a produit des effets inverses au résultat recherché.

Que ce soit en Centrafrique ou dans les pays du printemps arabe, l’encouragement au changement a objectivement affaibli l’autorité de l’Etat, favorisé l’émergence de forces et des personnalités non préparées à l’exercice de très hautes fonctions et abouti en fin de compte au retour d’un pouvoir fort (en Egypte), à la remise en jeu de forces politiques issues du régime antérieur (Tunisie), ou à la propagation d’un chaos qui fait le jeu des groupes extrémistes (Libye). Dans un tout autre domaine et face à des enjeux de nature différente, on enregistre une volonté africaine de développer une analyse spécifique sur une situation spécifique. C’est pour ne pas se retrouver prisonniers et victimes d’un dispositif qui tarde à corriger ses imperfections et à prendre en compte les réalités du territoire d’intervention que les pays contributeurs de la MINUSMA se sont retrouvés la semaine dernière à Niamey.

SINGULIÈREMENT DÉMUNIES. C’est peu de dire que la Mission onusienne donne l’impression d’être de plus en plus désemparée face à des menaces dont la gravité augmente chaque jour davantage. Le dispositif des Nations unies était configuré pour une mission assez « tranquille », si on ose cet adjectif. Le péril djihadistes ayant été en principe neutralisé par l’opération Serval, la MINUSMA pensait se limiter à jouer un rôle de force tampon entre les forces armées maliennes et les groupes armés. Mais même cet exercice s’effectua dans la polémique puisque les Casques bleus se concentraient surtout sur le confinement des FAMa lorsque celles-ci se trouvaient encore à Kidal. Et ils s’acquittaient avec une relative tiédeur de la protection des populations confrontées aux exactions des bandes armées.

Aujourd’hui, la force onusienne paraît singulièrement démunie face au harcèlement des djihadistes. Cela au grand dam de certaines de ses composantes qui sont prêtes à se comporter en forces combattantes. En effet, les éléments nigériens et tchadiens qui ont joué un rôle remarqué dans la libération du territoire malien supportent de plus en plus mal leur impuissance à riposter aux attaques terroristes. Et les pays contributeurs africains exigent que leur soient au moins fournis les moyens de leur légitime défense. A l’ONU désormais de prendre la mesure d’une situation qu’aucune de ses Missions n’a jusqu’ici affrontée et qui exige une réponse aussi concrète qu’adaptée.

La méthode d’analyse léniniste conserve donc sa pertinence dans un monde plus complexe qu’il ne l’a jamais été auparavant. L’avenir n’appartient plus aux prêcheurs de vérités définitives. Il faut avoir l’intelligence de reconnaître la multiplicité des grilles de lecture qu’ont fait naître des phénomènes inédits et l’honnêteté d’admettre l’inadaptation d’instruments et de mécanismes conçus à une époque où les événements s’interprétaient encore de manière binaire. C’est cet effort d’ouverture qu’a consenti le sommet de la CEDEAO. Et c’est cette logique qui a été réaffirmée par le président en exercice de l’Union africaine en visite hier à Ouagadougou qui s’est implicitement démarqué de l’ultimatum lancé par la Commission.

La révolution burkinabè d’Octobre peut donc se prévaloir déjà de deux mérites. Celui d’avoir surmonté le tumulte et les passions internes pour se choisir le chemin le plus raisonnable afin de se sortir d’une situation exceptionnelle. Et celui de s’être passé du concours des tuteurs et des bonnes volontés envahissantes pour imaginer son avenir. Des interrogations importantes subsistent toujours sur le comportement des différents animateurs de la Transition et sur la loyauté mutuelle que démontreront les nouveaux compagnons de route. Mais les tombeurs de Blaise Compaoré ont déjà répondu à la principale question que Lénine posait dans un de ses principaux écrits « Que faire ? ».

G. DRABO

PS – Une regrettable confusion nous a fait dater dans le précédent « Avenir » la mort de Norbert Zongo en 1987. L’assassinat de notre confrère est survenu en 1998. 1987 étant l’année de la mort tragique du président Thomas Sankara. La plupart de nos lecteurs ont certainement rectifié d’eux-mêmes.

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5 COMMENTAIRES

  1. En vérité votre texte n’est pas accessible, rassurez-vous je suis loin d’avoir des carences. Votre texte est long, et vide de sens. Si vous voulez vraiment savoir, retenez que le Burkina était comme le Mali du temps de l.udpm il ya encore quelques temps. Le Mali est lui comme un des royaumes il ya quelques siècles. Vos théories léninistes sont une une peste. Le pire c’est que vous n’avez pas une vue d’ensemble. Votre livre (pardon article) décolle sur le Mali (cf. Titre) mais il plane et atterri au sur le Burkina, sans une analyse comparative pertinente et cohérente. Vous avez été formé dans quelle école de l’URSS? Votre texte est un résumé de plusieurs textes… (Copié collé). On est en 2014 disons presque 2015, alors vos théories léninistes c’est ….

  2. Je comprend votre point de vue mais le Mali n’est le Burkina-Faso et vice versa.
    Sois ca passera au Mali bientot et les pions seront remis a leur place ou ca cassera.

  3. merci le grand!!!
    vous faites admirer la lecture, et le journalisme. vous avez la lourde tâche de préparer votre relève dans un pays où les journalistes mangent dans la main de ceux qui les dictent leurs articles.

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