Les pays occidentaux sont-ils scrupuleux sur le respect des droits de l’homme et des libertés? Il semble que la logique du gain et des intérêts est au-dessus de toutes les normes «démocratiques» qu’on se complaît, à tort et à travers, de défendre. Ainsi, le 16 mars dernier, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est rendu en Arabie saoudite pour rencontrer son dirigeant de facto, le Prince héritier Mohammed ben Salman; il est d’ailleurs l’un des rares dirigeants occidentaux à visiter le Royaume depuis l’horrible assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018. Mais pourquoi cette volte-face? La réponse ne se fait pas longtemps attendre : le pétrole. En cherchant coûte que coûte à faire barrage au pétrole russe, le haut responsable britannique a fait fi de toute éthique humaniste.
De pareils exemples peuvent être relevés concernant les USA qui ont trouvé chez Erdogan, dont la tournure autoritaire n’est un secret pour personne, un médiateur sûr dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Et puis, comme en 2015 vis-à-vis de la Turquie d’Erdogan dans l’affaire des réfugiés, l’Union européenne ne s’est pas embarrassée outre mesure de «flirter» avec Jaroslaw Kaczynski, vice-président du Conseil des ministres polonais, connu pourtant pour être un autocrate, afin de l’amadouer dans la question des réfugiés ukrainiens qui affluent par milliers dans ce pays frontalier.
Il est utile de rappeler, à ce titre, que Erdogan a conditionné, en 2016, le passage des réfugiés syriens par la Turquie pour se rendre en Europe, par l’octroi d’une aide financière de 6,6 milliards de dollars. Au lendemain de cet accord avec l’UE, le président turc a continué à verrouiller le système judiciaire, la fonction publique, les médias et les universités, surtout après le coup d’État manqué de juillet 2016, sans que l’UE prononce un traître mot, intérêts géostratégiques obligent. Kaczynski fera-t-il pareil? La question est à l’ordre du jour, vu que l’officiel polonais est devenu la dernière carte pour l’Occident afin de résoudre cet urgent problème. Cela dit, comme la Turquie en 2016, la Pologne va certainement accueillir une grande partie des millions de réfugiés ukrainiens qui tentent d’échapper à la guerre.
Pour cela, les médias occidentaux n’ont pas cessé de porter aux nues Kaczynski qui, à la tête d’une délégation de dirigeants de Pologne, de République tchèque et de Slovénie, s’est rendue, il y a quelques semaines, à Kiev déchirée par la guerre. Lucifer aux paradis des anges, tel serait peut-être le titre adéquat à mettre sur cette affaire. Comme dans l’invasion par les Soviétiques de l’Afghanistan en 1979, la bête noire ce sont ceux de l’autre côté de la frontière (les Soviétiques à l’époque, les troupes russes de Poutine aujourd’hui), et les amis les ennemis d’hier (les islamistes à l’époque, et les autocrates polonais, hongrois, turcs aujourd’hui, etc.). L’essentiel, il faut en finir avec la bête noire : Vladimir Poutine, quitte à piétiner le plus noble des principes : l’exigence de la démocratie. Même «le dictateur» Nicolas Maduro est utile pour l’Occident, quand ce dernier a en face de lui un homme à la poigne de fer comme Poutine. Ainsi, Juan Gonzalez, le haut responsable du Conseil national de sécurité américain pour l’Amérique latine, s’est rendu au Venezuela pour discuter avec le régime de Nicolas Maduro. Incroyable mais vrai !
L’Occident, et plus particulièrement l’Europe, considère l’attaque russe comme une menace pour l’ensemble de l’ordre européen, mais ne veut pas déployer des effectifs militaires sur le terrain pour le défendre. Pour ce faire, elle délègue ses pouvoirs aux pays limitrophes pour absorber les réfugiés, et le cas échéant défendre la victime «l’Ukraine» (guerre par procuration), en attendant des jours meilleurs. Mais, comme la Hongrie, par exemple, membre de l’OTAN, n’a pas donné suite à la possibilité d’utilisation de son territoire pour le transport d’aide militaire vers l’Ukraine, la Pologne serait le seul recours possible. Toutefois, en cas de renvoi d’ascenseur, cette dernière serait confrontée à un grand risque dans la mesure où Poutine a désigné les convois militaires comme cibles légitimes d’attaques.
Allant dans le sens du poil, Georgette Mosbacher, ex-ambassadrice de Trump en Pologne, aurait même déclaré que « la Pologne mérite des excuses » de la part de l’UE et des États-Unis pour leurs critiques passées à l’égard du recul démocratique du pays. S’agit-il d’un retournement de veste des pays occidentaux? C’est, malheureusement, le cas de le dire, dans la mesure où des fonds de l’UE qui avaient été gelés, en raison de violations flagrantes des libertés en Pologne (celle-ci étant le seul pays européen -à l’exception de la Russie- à désavouer la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) de 1950), seraient être mis à disposition en échange de quelques modifications «formelles» de la loi polonaise.
Or, ces nouveaux fonds ne feront, selon certains médias, que permettre au pouvoir en place de s’acheter du soutien électoral et de pérenniser son règne «antidémocratique». Bref, l’hypocrisie occidentale marche à plein régime. Autant s’allier avec le diable que d’accepter le diktat du nouveau tsar Poutine ! L’Europe et les USA pourraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir le gouvernement du président ukrainien Volodymyr Zelensky, quitte à se délester de toute valeur démocratique ou humaniste, enjeux géostratégiques obligent.
SOURCE: http://www.lequotidien-oran.com/