Il y a quelques jours, un dignitaire de Kidal s’inquiétait, sur les ondes d’une radio internationale, du départ massif de jeunes Touareg partis sur le front libyen se battre aux côtés du guide libyen contre les insurgés anti-Kadhafi. L’inquiétude du dignitaire touareg repose sur le fait que de quelque façon que la crise se dénoue, autrement dit avec ou sans la disparition de la scène politique de Mouammar Kadhafi, les événements libyens ne seront pas sans conséquences sur le Mali. Il faut dire que le leader d’opinion de Kidal a bel et bien raison de se faire du mauvais sang. Le danger le plus grave viendrait de la résurgence de l’irrédentisme targui-il serait plus juste de parler du banditisme armé au nord-Mali. Avec le retour massif de jeunes Touareg surarmés dont beaucoup sont d’anciens rebelles ou, pour être exact, d’anciens bandits armés Un scénario très plausible au regard des problèmes que le désarmement d’éléments venant de s’illustrer sur un théâtre d’opération a toujours constitué, de façon classique, sous tous les cieux.
Dans le cas libyen, le danger lié au désarmement apparaît sous des jours plus réels. d’autant que, comme l’histoire récente de nos deux pays l’a démontré, le guide libyen a toujours utilisé, à l’égard du Mali, la politique de la carotte et du bâton, la carotte étant constituée par les investissements libyens et les différentes aides parrainées par Kadhafi et le bâton, la rébellion touareg dont le guide se sert souvent comme moyen de pression pour parvenir à ses fins. En effet, nombre d’observateurs voient, à tort ou à raison, sa main derrière la rébellion touareg. Et lui-même a toujours prêté le flanc en se comportant, lors de ses visites officielles au Mali, comme en pays conquis. Cela est arrivé, par exemple, à la faveur du Maouloud 2006 de Tombouctou au cours duquel Kadhafi a pris quelques libertés avec le protocole en dribblant ATT, son hôte du jour, pour aller rencontrer seul des chefs de tribu dans le désert malien. Quelques jours après eurent lieu des attaques de bandits armés.
Dans la foulée de la crise libyenne, qu’on assiste au réveil du démon assoupi de la " rébellion " est loin d’être une vue de l’esprit. En la matière, les autorités compétentes devraient rompre, pour une fois, avec la politique de l’autruche et anticiper sur les problèmes. Si tant est, en tout cas, que gouverner c’est prévoir. En clair, il s’agit de se donner les moyens adéquats pour renforcer le dispositif militaire et prévenir ainsi tous désordres et attaques de bandits armés et assurer la sécurité des populations et de leurs biens conformément aux missions régaliennes de l’Etat.
Une autre conséquence pour le Mali de la crise libyenne, ce sont les vagues de rapatriements de nos compatriotes fuyant les tueries. Avec les 454 rapatriés arrivés d’hier soir et qui se sont ajoutés aux 262 déjà sur place, ce sont 716 Maliens qui ont été rapatriés, à ce jour, de la Libye au Mali depuis le début de la crise. Sans compter que 2 000 Maliens candidats au retour attendent impatiemment à l’ambassade du Mali à Tripoli de regagner le bercail. Il s’agit de faire en sorte que compatriotes arrivés de la Libye ne viennent pas grossir le lot des chômeurs en cherchant à les insérer dans le circuit socio-économique.
Quid des projets financés par la Libye au Mali à travers la Libya Africa Portfolio for Investment (LAP) au nombre desquels le projet Malibya qui ambitionne d’exploiter 100 000 hectares en riz et comportant un volet industriel avec la production de concentré de tomate et dont les travaux sont en cours moyennant des dizaines de milliards de FCFA ? Les éventuels tombeurs du guide libyen auront-ils les mêmes ambitions panafricanistes que Kadhafi pour pérenniser ces projets ? L’avenir nous édifiera.
Yaya SIDIBE
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